«Le Maroc ambitionne d’atteindre une autosuffisance dans la production de tous types de vaccins et d’assurer l’approvisionnement de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb». C’est en tout cas ce qu’a affirmé Khalid Aït Taleb, ministre de la Santé, dans une interview accordée à l’agence de presse russe Sputnik. Le ministre a déclaré que le pays cherche à produire toutes sortes de vaccins grâce à une «plate-forme de production vaccinale de haute technologie dans la ville technologique Mohammed VI de Tanger». Il a précisé que le site en question permettra de développer des vaccins fabriqués au Maroc, mais quele pays vise également à développer la production vaccinale à l’Institut Pasteur de Casablanca. «Il faudra quelques mois pour que ces projets voient le jour, mais il se peut qu’à la fin de l’année prochaine, nous commencions déjà la production de nos vaccins», a-t-il annoncé.
Aït Taleb a rappelé aussi que le Maroc participe pour la première fois à des essais de vaccins multicentriques, notant qu’il s’agit «avant tout d’un transfert d’expertise et d’un atout pour le pays», rapporte L’Opinion. Il a indiqué que, pour garantir des doses suffisantes à sa population, le Royaume a diversifié ses sources d’approvisionnement, car les vaccins sont une «denrée rare». Et de soutenir que «la capacité de production est limitée pour répondre aux besoins du monde entier», d’oùl’importance de ne pas selimiter à l’utilisation d’un vaccin spécifique. Surtout, poursuit-il, que «chaque sérum offre un type d’immunité particulière et le mélange des immunités permet d’atteindre une immunité de groupe assez rapidement». De même, le responsable a souligné que le Maroc a signé plusieurs accords de collaboration pour obtenir des doses de vaccins, notamment avec le laboratoire chinois Sinopharm et l’anglo-suédois Astrazeneca. «Les essais cliniques de leurs vaccins sont très probants. Si tout va bien, on aura les premiers arrivages d’ici décembre. Pour les autres laboratoires (notamment Pfizer), les négociations sont toujours en cours», assurele ministre, en avançant qu’il s’entretiendralasemaine prochaineavec son homologue russe au sujet de l’acquisition de doses du vaccin russe Sputnik-V.
On en sait un peu plus sur la stratégie de vaccination
Lors de cette même interview, Khalid Aït Taleb a expliqué que pour ce qui est de la campagne de vaccination anti-Covid-19, l’objectif est «qu’elle soit très courte –ne dépassant pas les trois mois–, qu’elle touche 80% des plus de 18 ans –la population à risque en premier–, et qu’elle offre une vaccination large pour un retour à la normalité le plus tôt possible, soit l’année prochaine». Et d’ajouter : «si l’on arrive à atteindre ce seuil (de 80%), même s’il y a des cas de contamination, le virus disparaîtra automatiquement de manière spontanée».
De son côté, Hespress Fr, qui se penche sur la stratégie marocaine de vaccination en se basant sur un récent document du département de la Santé, révèle plus de détail à ce sujet. Selon le journal digital, ladite stratégie se déclineraen«quatre périodes de 21 jours chacune (schéma vaccinal : 2 doses à 21 j d’intervalle), soulignant que chaque période est dédiée à un groupe défini en vue de maitriser les flux». «La cadence de vaccination sera de 150 et 200 actes vaccinaux par vaccinateur (laboratoires et structures habilitées à effectuer le vaccin) et par jour», fait savoir la même source. Ainsi le ministère de tutelle prévoit de vacciner lors de la première période un total de «10.234.000 individus avec une moyenne d’actes par jour de 568.556». Lors de la deuxième période, ce sont 17.529.000personnes qui seront vaccinées avec en moyenne 810.000 d’actes par jour, tandis que 14.590.000 Marocains recevront l’injection du vaccindurant la troisième période, à raison de 810.000 actes par jour.
Quid d’une vaccination massive au Maroc
Bien que le département de la Santé et son ministre se réjouissent à l’idée de préparer et delancer la campagne de vaccination anti-coronavirus au Maroc, certains experts du secteur ont exprimé quelques réserves. Dans son hebdomadaire, TelQuel a interrogé trois experts à ce sujet. Pour Adil Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé, chacun est libre de vouloir ou non se faire vacciner, «il faut laisser la liberté de choix à chacun». Jamal Hafid, président de la Société marocaine d’immunologie, estime pour sa part que «le vaccin est la seule solution pour faire disparaître le virus». Il suggère à nos confrères «qu’il faut qu’au moins 60% de la population soit vaccinée pour atteindre une immunité collective suffisante». Cependant, Abdeljabbar El Andaloussi, professeur-chercheur en immunologie, martèle qu’on «peut contrôler la pandémie autrement qu’en vaccinant tout le monde». Selon lui, «les autorités sanitaires savent que la production de ces vaccins a été très rapide et qu’il y a donc un risque. Quelle que soit leur efficacité, on ne peut pas prendre de risque». Enfin, El Andaloussi juge qu’il serait plus judicieux d’avoir recours à une vaccination ciblée plutôt que massive, afin de minimiser les risques d’effets indésirables.
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