7 octobre 2023 : les ombres d’un conflit
Il n’y a pas de fumée sans feu. Et pas de feu sans cendre. Sous ces cendres, d’un conflit interminable, vivent bon gré mal gré des millions de victimes. Aux premières lueurs du 7 octobre 2023, un fracas, des cris, puis la stupéfaction.
À Gaza, des ombres ont pris forme. Celle des armées enfouissant des décennies de colère et d’humiliation. Des vies suspendues, sans avenir certain. En face, à Tel Aviv, Al-Qods occupée, Sderot, la quiétude d’un matin a cédé sa place à la stupeur. Le ciel s’est déchiré sous la pluie de roquettes. Ainsi commençait, une fois encore, une tragédie que personne ne semblait pouvoir arrêter, dans ce théâtre éternel du drame humain. Des plaies, pas même cicatrisées, sont sur le point de s’ouvrir de nouveau. Place à l’escalade.
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Sur les chaînes de télévision ce jour-là, le monde entier apprendra la nouvelle : le Hamas a attaqué Israël. Quand certains chantent, d’autres pleurent. L’événement a rapidement attiré l’attention de la communauté internationale, déclenchant une spirale de violences qui s’est traduite par des milliers de morts, des milliers de blessés, et une escalade militaire sans précédent dans la région.
Que s’est-il passé ? Pour sûr, les plus jeunes ne le comprendront pas tout de suite. Il faudra, pour cela, remonter plus loin dans le conflit israélo-palestinien. Ce dernier remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque les tensions entre Juifs et Arabes en Palestine se sont intensifiées. L’établissement de l’État d’Israël sur une terre palestinienne en 1948 a été un point de basculement, entraînant la première guerre israélo-arabe et la création de camps de réfugiés palestiniens, qui existent encore aujourd’hui.
Le mouvement Hamas, fondé en 1987 pendant la première Intifada, est une organisation palestinienne qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007. Depuis lors, il a mené plusieurs cycles de conflit avec Israël, caractérisés par des échanges de tirs de roquettes, des affrontements armés et des cessez-le-feu souvent fragiles. La bande de Gaza, sous blocus israélien et égyptien, est un territoire densément peuplé, marqué par la pauvreté, un taux de chômage élevé, et des infrastructures endommagées par les conflits répétitifs.
Les relations entre Israël et le Hamas sont restées tendues pendant des décennies, avec quelques moments de relative accalmie entrecoupés de flambées de violence. Mais c’est en 2023 que la situation politique s’est énormément dégradée. Pour cause ? L’augmentation des violences en Cisjordanie, l’expansion des colonies israéliennes et l’absence de direction vers une solution politique durable.
Le 7 octobre 2023
Ce jour, à l’aube, le Hamas a lancé une offensive surprise contre Israël à une échelle jamais vue depuis la création de l’organisation, selon les experts. L’attaque a commencé par des tirs de roquettes massifs depuis la bande de Gaza vers plusieurs villes israéliennes, y compris Tel Aviv et Al-Qods occupée. Plus de 3.000 roquettes ont été tirées en quelques heures (5.000 selon d’autres sources), saturant le système de défense antimissile israélien, appelé le Dôme de fer (en hébreu : כיפת ברזל, prononcé kipat barzel).
Parallèlement à cela, des combattants du Hamas ont franchi la barrière de sécurité séparant Gaza d’Israël, pourtant réputée comme l’une des plus infranchissables au monde. Des vidéos et des rapports ont rapidement émergé, montrant des miliciens du Hamas pénétrant dans des villes proches de la frontière.
Israël a réagi avec des frappes aériennes massives sur Gaza, visant des infrastructures du Hamas, notamment des tunnels, des dépôts d’armes, et des centres de commandement. L’armée israélienne (Tsahal) a aussi mobilisé ses réservistes pour combattre au niveau terrestre.
Dès les premières heures, il pleuvait des victimes. Juste après l’attaque, des bilans humains extrêmement lourds ont été enregistrés. Plus de 1.200 du côté israélien, 395 du côté palestinien, mais nous ne parlons là que du premier jour de guerre ! Le bilan sera amené à gravement grandir, surtout côté palestinien.
En quelques jours, ce nombre s’est élevé à 500 civils gazaouis morts, selon des sources médicales palestiniennes, avec des centaines de blessés et d’importants dégâts matériels dans ce territoire déjà affaibli par des années de conflit.
L’inquiétude internationale
Une escalade de conflits pourrait-elle donner naissance à une troisième guerre mondiale ? L’attaque du 7 octobre 2023 a immédiatement déclenché une vague de réactions internationales. Les États-Unis, principal allié d’Israël, ont fermement condamné l’offensive du Hamas et réaffirmé leur soutien à Israël. En parallèle, Washington a appelé à la protection des civils et à l’ouverture de corridors humanitaires pour les Gazaouis.
De nombreux pays européens, dont la France, l’Allemagne, et le Royaume-Uni, ont également exprimé, à l’époque, leur solidarité avec Israël. L’Union européenne a lancé des appels à la désescalade. Toutefois, la communauté internationale a aussi exprimé des inquiétudes quant aux conséquences humanitaires d’une réponse militaire israélienne massive sur la population civile de Gaza.
Du côté des pays arabes et musulmans, les réactions ont été plus nuancées. Certains gouvernements, comme ceux de l’Égypte et de la Jordanie, ont condamné la violence tout en appelant à la reprise des négociations pour une solution politique. D’autres, comme l’Iran, un soutien de longue date du Hamas, ont salué l’attaque comme une « réponse légitime à l’occupation israélienne ». Le Hezbollah, basé au Liban, a également exprimé son soutien au Hamas, laissant planer la menace de l’ouverture d’un deuxième front contre Israël depuis le nord. Ce qui peut aisément expliquer les attaques récentes au Liban.
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L’attaque du 7 octobre 2023 a ravivé les tensions dans l’ensemble du Proche-Orient. L’implication potentielle de l’Iran, qui soutient le Hamas sur les plans financier et militaire, a été une source de préoccupation pour Israël et ses alliés occidentaux. Les autorités israéliennes ont accusé Téhéran d’avoir contribué à planifier et financer l’offensive, bien que l’Iran ait nié toute implication directe.
L’une des principales questions soulevées par l’attaque du 7 octobre 2023 est de savoir si elle conduira à une nouvelle guerre à grande échelle entre Israël et le Hamas, voire à une guerre régionale impliquant d’autres acteurs comme le Hezbollah et l’Iran. Eh bien oui, l’inquiétude avait raison d’exister. En face, le Hamas, bien qu’affaibli par les frappes israéliennes, pourrait prolonger le conflit en lançant des attaques sporadiques contre Israël et en utilisant les otages israéliens comme monnaie d’échange. Le sort des civils gazaouis, déjà confrontés à un blocus rigide, se détériorera encore davantage dans les jours à venir.
Les appels internationaux à la retenue et à la reprise des pourparlers de paix se sont multipliés, mais rien n’y fait, au contraire… Le conflit s’est géographiquement élargi. À l’heure où nous écrivons ces lignes, jeudi 10 octobre, 21h00, des raids israéliens ont été menés à Beyrouth, au Liban. Ces raids, ce soir, ont fait 22 morts et 117 blessés, ce qui augmente considérablement le total du nombre de morts. En juillet, un missile en provenance du Liban tue 12 enfants, et la réponse d’Israël est immédiate : une frappe élimine un commandant de haut rang à Beyrouth.
Parallèlement, le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, est tué en Iran. Les mois suivants, la violence redouble d’intensité. Septembre voit une attaque israélienne clandestine, suivie de représailles meurtrières. Quelques jours plus tard, des raids aériens frappent des zones du Liban, entraînant la mort du leader historique du groupe, Hassan Nasrallah.
En octobre, les troupes israéliennes franchissent la frontière libanaise, intensifiant encore le conflit. Mais d’autres fronts s’allument parallèlement. Les missiles s’abattent depuis le Yémen, des frappes israéliennes visent des bases en Syrie et en Irak. La Cisjordanie, elle aussi, s’enflamme, des milliers de Palestiniens étant déplacés, et les frappes aériennes ne cessent de ravager des vies innocentes.
Bilan
314. C’est le nombre de kilomètres carrés, soit 86% de la bande de Gaza, qui ont été soumis à des ordres d’évacuation émis par l’armée israélienne. Les combats, mêlant frappes aériennes et affrontements au sol, se concentrent principalement à Rafah et, de façon plus épisodique, au nord. Plus de 42.000 personnes ont perdu la vie du côté palestinien, et 96.000 autres ont été blessées, majoritairement des femmes et des enfants. Les destructions sont massives : près de 70% des infrastructures sont réduites en ruines, et près de deux millions de personnes ont été déplacées de force, piégées dans cette enclave assiégée.
Privés de nourriture, d’eau potable, de carburant, et de soins médicaux adéquats, les habitants de Gaza subissent une crise humanitaire sans précédent. Le système de santé s’effondre, tandis que le risque de propagation de maladies comme la polio augmente, aggravé par le manque d’accès pour les équipes humanitaires. L’entrée de l’aide humanitaire est sévèrement limitée, augmentant la famine. Selon les Nations unies, 15.000 camions d’aide seraient nécessaires chaque mois pour subvenir aux besoins de base, mais en septembre 2024, seulement 1.579 ont réussi à franchir les frontières de Gaza…