L’interdiction d’accès et de sortie à 8 villes du royaume a provoqué un chaos au Maroc. Cette décision gouvernementale de taille a été annoncée à 19h le dimanche 26 juillet et a pris effet le même jour à minuit. Craignant d’être bloqués loin de leurs familles ou de devoir passer l’Aïd Al Adha (vendredi 31 juillet) dans des villes qui ne sont pas les leurs, les citoyens ont afflué en masse vers les gares ferroviaires et routières ou ont pris la route pour atteindre leurs destinations avant la fin de cette échéance. Cette précipitation a provoqué de nombreux accidents de route, des embouteillages au niveau des péages, une explosion de prix des billets et un encombrement sans précédent des transports intervilles. La situation a tellement dégénéré, que même Khalid Aït Taleb, ministre de la Santé, qui évite d’habitude les caméras, a tenu une conférence de presse ce lundi 27 juillet, pour expliquer la décision du gouvernement.
Intervention d’Aït Taleb
Selon le ministre de la Santé, ces derniers jours la situation épidémiologique «s’est dégradée l’équivalent des trois premiers mois de l’épidémie». D’après Médias24, il impute la recrudescence de la pandémie à l’irresponsabilité et au relâchement des Marocains vis-à-vis des mesures de prévention, constatées depuis le lancement des phases 2 et 3 de l’assouplissement du confinement. Cette négligence, poursuit-il, a conduit à la surcharge des structures sanitaires à cause de l’augmentation des cas graves et critiques. Après plusieurs concertations, le gouvernement a ainsi pris la décision de fermer Casablanca, Tanger, Marrakech, Meknès, Fès, Tétouan, Settat et Berrechid, et ce pour protéger les villes et régions qui ont été épargnées par le virus. Aït Taleb a martelé qu’«on ne peut pas prévenir les citoyens à l’avance d’une décision de restrictions». Pour lui, «donner un délai n’est pas une mesure sanitaire» et«la population doit se montrer compréhensive».
S’agissant de la durée de cette nouvelle disposition restrictive, le ministre a soutenu que l’observation de l’évolution du Covid-19 se fait généralement par quatorzaine. Il faudra donc attendre la même période pour se prononcer sur le rétablissement ou pas des déplacements depuis et vers les villes barricadées. Une autre source ministérielle a pour sa part confié à nos confrères que cette nouvelle interdiction ne concerne que les limites du «périmètre urbain», soit les localités urbaines et non rurales. Et de préciser que «pendant les heures et jours de travail, la circulation entre les zones limitrophes avec une autorisation et un ordre de mission de l’employeur est autorisée dans les deux sens. Mais cette circulation sera interdite le jour de l’Aïd et le week-end».
Citant, Rachid El Khalfi, chef de division du suivi à la direction des affaires politiques au sein du ministère de l’Intérieur, Telquel indique en outre que «les réservations touristiques provenant d’établissements hôteliers peuvent faire office de justificatif de déplacement, le ministère considérant que l’établissement hôtelier appliquera les mesures sanitaires à ses potentiels clients et visiteurs».Khalfi assure dans ce sens que «les autorités locales ont fait de leur mieux afin de faciliter la tâche au citoyen quant à la délivrance d’une attestation exceptionnelle de déplacement».
Le PAM et le PPS dénoncent la mauvaise gestion du gouvernement El Otmani
Pour le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), qui fait partie de l’opposition au Parlement marocain, la décision du gouvernement d’interdire les déplacements depuis et vers huit villes du pays devait être plus réfléchie. Yabiladi rapporte que le Parti en question avoue comprendre les raisons de l’adoption de cette disposition, mais juge qu’un délai supplémentaire de 24 heures «n’aurait pas eu d’incidence significative sur la situation épidémiologique générale». Ainsi, les membres du PPS estiment qu’en raisondu «manque de communication du gouvernement» l’opinion publique n’a pas été suffisamment préparée à une telle mesure restrictive, surtout à la veille de l’Aïd Al Adha. Ils dénoncent de plus une décision précipitée qui a engendré «une grande confusion et un chaos dans les routes du pays», exposant«la vie de milliers de femmes et d’hommes à de réels dangers».
Le parti de Nabil Benabdella a également réclamé que l’administration de Saad Dine El Otmani, chef de l’Executif, «prenne en compte toutes les circonstances, les dimensions et les répercussions des décisions (…) afin d’éviter de nuire à l’image positive que s’est constituée l’opinion publique sur la manière dont notre pays fait face à la pandémie».
De son côté, le bureau politique du Parti Authenticité et Modernité (PAM) avance que cette décision compromet et ternit «la stratégie proactive de Sa Majesté le roi» et «à laquelle ont adhéré les citoyennes et les citoyens avec une conscience collective». Dans un communiqué de presse, le PAM accuse le gouvernement El Otmani de «favoriser les conditions de l’ébullition et la frustration parmi les Marocains par de brusques décisions». La même source précise que le parti du Tracteur condamne «la logique de punition collective du peuple marocain et plaide plutôt pour déterminer les responsabilités, conformément au principe de reddition des comptes».
Ce sont les citoyens qui sont en faute, pas l’État
Dans une publication sur Facebook, Mohamed Aayadi, conseiller du chef du gouvernement, a imputé le chaos qui a suivi l’annonce de la fermeture de 8 villes du pays, au manque de civisme des Marocains. Selon lui, tant que «l’état d’urgence sanitaire n’a pas été levé, personne ne doit négliger les exigences relatives à cette situation». Il a rappelé qu’El Otmani «a appelé les citoyens à plusieurs reprises à éviter les voyages dans le contexte de l’Aïd al-Adha et à veiller en premier lieu au respect des mesures sanitaires pour prévenir du nouveau coronavirus». Déplorant «les embouteillages monstres, les mouvements de voyageurs en masse et les accidents de la circulation» survenus la nuit du dimanche 26 juillet, le conseiller juge toutefois que les responsables de ce carambolage sont les citoyens «qui ont décidé de prendre la route dans ces circonstances et dans le contexte d’une forte hausse des infections».
Enfin, ce dont on est sûre aujourd’hui c’est que la pandémie du coronavirus menace de s’étendre davantage dans le pas. La décision du gouvernement, aussi imprévisible soit-elle, pourrait peut-être aider le Maroc à survivre à cette crise sanitaire, si, et seulement si, les Marocains appliquent correctement les recommandations et les consignes des autorités sanitaires.
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