6 novembre 1975 : début de la Marche verte
La scène aurait pu ressembler à une parabole. Des hommes, des femmes, et même des enfants, n’arboraient ni fusils ni uniformes. Armés de drapeaux, de corans, et d’une foi inébranlable, ils marchaient dans le calme, mais avec une ferveur toute particulière. Une ferveur que seul un sentiment d’appartenance à une terre peut susciter. L’appel de feu le roi Hassan II, ce monarque visionnaire, avait transcendé les divisions régionales, les origines sociales et les appartenances tribales. La cause était commune, et les pas de chacun se faisaient l’écho d’une histoire partagée.
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L’annonce de la Marche verte par le roi Hassan II, le 16 octobre, avait été une onde de choc. Avec une habileté stratégique indéniable, il avait décidé de faire de la réclamation du Sahara un acte civil et pacifique. Ce choix était audacieux dans un contexte où la guerre semblait l’issue naturelle des conflits territoriaux. Mais le Roi savait, sans doute, que les armes, si elles grondaient, ne feraient qu’accentuer les fractures dans une région déjà disputée.
Une parfaite symphonie de volontés
Le cortège s’étendait sur des kilomètres. Sous un ciel impassible, les hommes et les femmes, le visage parfois buriné par le soleil et la poussière, avançaient en silence. Cette marche, leur marche, était une offrande à la patrie. Chaque pas, chaque battement de cœur, semblait crier un amour profond pour cette terre, un attachement ancien que ni le sable ni les frontières tracées ne sauraient effacer.
Dans les rangs, les récits se mêlaient. Certains avaient parcouru des centaines de kilomètres pour rejoindre la marche. D’autres, anciens résistants, parlaient de la lutte contre le colonialisme français et espagnol. Leurs souvenirs se fondaient dans cette nouvelle quête, un prolongement naturel de leur combat. Pour tous, la marche symbolisait bien plus qu’une revendication territoriale, elle incarnait la souveraineté, la dignité et le droit à l’autodétermination !
Cette marche, bien que géographiquement limitée, résonnait comme un cri symbolique dans tout le monde arabe et au-delà. Un peuple désarmé, uni dans une volonté commune, prêt à se confronter à l’injustice et au doute. Dans une région souvent marquée par les guerres et les conflits, cette mobilisation pacifique se dressait comme une ode à l’unité et à la paix.
Le temps suspendu aux frontières
Arrivés aux frontières, les marcheurs ne franchirent pas la ligne, respectant ainsi la volonté du Roi et des accords établis. Devant eux s’étendait un paysage aride, mais dans leurs yeux brillait la lueur d’une promesse tenue. À leurs côtés, l’armée marocaine les soutenait discrètement, prête à intervenir si la situation s’envenimait, mais bien consciente de l’importance de cette mobilisation pacifique.
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Cet instant suspendu – où les marcheurs faisaient face à une terre disputée sans y pénétrer – est resté gravé dans les mémoires. Il symbolisait le triomphe de la détermination pacifique sur la logique militaire. En agissant de la sorte, le Maroc montrait au monde que la diplomatie populaire, celle qui naît dans le cœur des citoyens, pouvait être plus puissante que des années de tractations politiques.
Et les belles retombées de la Marche verte ne tardèrent pas. Les Nations unies furent forcées de prendre acte de la situation et des aspirations du peuple marocain. Le 14 novembre 1975, à Madrid, un accord fut signé entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie, actant la fin de l’administration espagnole au Sahara. Le territoire serait désormais administré par le Maroc et la Mauritanie, donnant corps au rêve des marcheurs.
Pour feu le roi Hassan II, cette marche avait une signification bien plus large. Elle n’était pas seulement une victoire diplomatique, elle redonnait au Maroc une partie de son identité et de son unité. Au-delà des frontières, cette épopée pacifique démontrait la possibilité d’un nouveau modèle de résistance, sans armes ni violence, mais basé sur le rassemblement et la solidarité.