Le Liban a un nouveau premier ministre sunnite. Ce jeudi 19 décembre et après deux longs mois de tergiversation, le président libanais, Michelle Aoun,a chargé Hassan Diab, un professeur peu connu et ancien ministre de l’éducation, de former la nouvelle coalition gouvernementale du pays. Suite à sa nomination, Diab a promis de s’atteler à désigner un nouveau gouvernement afin de «mettrefin à l’effondrement du pays et à rétablir la confiance » entre politiques et Libanais. Le nouveau premier ministre devra en effet faire face à une contestation populaire inédite et à la profonde crise financière qui saigne le pays depuis plusieurs années.
Depuis le 17 octobre 2019, les manifestants ont pris d’assaut les places des villes et bloqué les routes principales du pays, pour exprimer leurfrustrationsuite àdesannées de corruption et de mauvaise gouvernance. Ce mouvement de colère a exacerbé la crise financière qui dure depuis longtemps au Liban, l’un des pays les plus endettés du monde. Notons que le pays est dirigé par un gouvernement intérimaire depuis que le Premier ministre sortant, Saad Hariri,a démissionné le 29 octobre dernier. Selon le New York Times, il semble peu probable que la nomination deDiab,vice-président sexagénairede l’Université américaine de Beyrouth, puisse calmerles protestations. Le quotidien ajoutequ’il n’est même pas certain qu’il puisse prendre des mesures rapides pour amortir l’effondrement économique du pays.
L’ingérencedu Hezbollah
Après que d’autres candidats n’aient pas réussi à obtenir le soutien parlementaire nécessaire, le Président Michel Aoun a nomméHassan Diab Premier ministre. Ce derniera décroché ce poste après avoir convaincu69 membres du Parlement du pays, qui compte 128 sièges, de voter en sa faveur, explique Le Figaro. Le journal rappelle que dans le système politique sectaire du Liban, le Premier ministre doit impérativement être un musulman sunnite. Cependant, ajoute la même source, ce n’est pas la communauté sunnite qui a soutenu Diab, mais c’est plutôt le Hezbollah et ses alliés ainsi que les partis chrétiensqui ont appuyé sa candidature. Rappelons que le Hezbollah estun puissant mouvement chiite que les États-Unis et d’autres pays occidentaux considèrent comme une organisation terroriste, indique le New York Times.
Le quotidien américain précise quela dominance chiitepourrait entraver la capacité deDiab à former un cabinet représentatif. De plus l’ingérencedu mouvement de Hassan Nassrallah pourrait aussi compromettre les efforts de la nouvelle coalition visant à débloquer des aides financières et militaires internationales. Selon Le Monde, la communauté internationale a conditionné toute mesure de sauvetage financier à la formation d’un cabinet réformateur. Le quotidien déplore qu’un gouvernement dominé par le Hezbollahrisquerait de compliquer l’accès à cette aide.
Le scepticisme des Libanais
Certains analystes, interrogés par Reuters, ontexprimé leurs doutes quant à la capacité deDiab à résoudre les crises politiques, économiques etsociales qui sévissent dans le pays. « Le Libana besoin de quelqu’un d’intègre et de visionnaire, quelqu’un qui comprend que le pays a atteint un tournant décisif tant sur le plan politique que financier, quelqu’un qui peut gérer cette transition », a déclaré Sami Atallah, le directeur du Centre libanais d’études politiques. Et d’ajouter : « Le pays besoin d’une équipe compétente pour se pencher sérieusement sur toutes ces questions, et je n’ai pas l’impression que Diab est la bonne personne pour piloter ni pour former une coalition efficace et efficiente ».
De leur côté, les manifestants se sont rassemblés à la Place des Martyrs dans le centre-ville de Beyrouth pour s’opposer à la nomination de Diab. Le mouvement de protestation sans leader réclame la formation d’un cabinet de technocrates indépendants du sérail politique au pouvoir depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Les militants exigent également le départ de la classe dirigeante,qu’ils accusentde corruption et d’incompétence. « Le Liban traverse une crise économique dure et difficile, et Diab n’a pas une baguette magique pour la résoudre », explique un activiste à Asharq Al Awsat. « Le nouveau premier ministre va former le même gouvernement basé sur le partage de pouvoir entre les sectes, et c’est contre cela que nous avons manifesté depuis plusieurs mois ».
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