Le second tour du scrutin présidentiel se joue entre Nabil Karoui, un magnat des médias libéral et populiste qui a été libéré quatre jours avant ce tour électoral et Kais Saïed, un conservateur et professeur spécialisé en droit constitutionnel. Les deux hommes, considérés comme des outsiders, ont éliminé 24 autres candidats lors du premier tour le mois dernier. Saïeda obtenu 18,4 % des voix, tandis que M. Karoui, qui dirige le parti de Qualb Tounes, en a obtenu 15,6 %.
Les élections en Tunisie ne devaient avoir lieu qu’en novembre, mais la disparition du président Beji Caid Essebsi a forcé un scrutin anticipé pour désigner un nouveau président dans les 90 jours suivant le décès comme l’exige la loi du pays. Mais ce que la Constitution et le pays n’envisageaient pas, c’était qu’un candidat accusé de corruption se présente aux élections, rapporte Al Chourouq, un quotidien tunisien.
Le candidat libéré de prison
Nabil Karoui n’a pas pu voter lors de la première élection parce qu’il était incarcéré, mais il a été libéré par une ordonnance de la cour d’appel, quatre jours avant le second tour. Sa libération, comme l’indique Assabah de Tunis, compliquerait sa demanded’appel si son rival remporte les élections.
Surnommé Nabil Makrouna (pâtes alimentaires) parce qu’iloffre des donspécuniaires et des sacs de nourriturepar le biais de sonassociation caritative. Il est considéré par ses partisans comme un homme d’affaires accompli dont la philanthropie est louée dans un pays où le coût de la vie et le chômage des jeunes sont en hausse. Il afait de lalutte contre la pauvretéle thème central de sa campagne. Ses opposants l’ont toutefois accusé d’utiliser sa célèbre chaîne de télévision, Nessma, pour promouvoir ses ambitions politiques.
Karoui a été arrêté en août pour fraude fiscale et blanchiment d’argent peu avant le début de sa campagne. Ses partisans accusent les puissances du pays de conspiration pour écarter sa candidature, mais les autorités affirment que son arrestation était le résultatd’une enquête vieille de trois ans.
Le « Robot » indépendant
Kais Saïed, 61 ans, professeur de droit surnommé « le robot », a mené une campagne intelligente et complexe, et ce parce qu’il a refusé d’avoir recours à la publicité politique, pour asseoir son intégrité et son mépris pour la corruption, souligne Al Chourouq.
Au cours de la semaine précédant les élections, il a annoncé qu’il ne ferait pas campagne pourne pas léser son adversaire incarcéré. En tant que professeur de droit, il sait que la détention deKaroui a limité sa capacité d’approcher les électeurs, un point qui pourrait être soulevé au tribunal si le candidat Qalb Tounes perd l’élection, souligne la même source. Et d’ajouter : « c’est également un point que les Tunisiens n’ont pas perdu de vue, car ils estiment qu’il s’agit d’une mesure intelligente qui, à elle seule, constitue une stratégie électorale ».
De plus, Saïed a promis des réformes législatives, proposant des changements aux élections locales qui désignent des représentants régionaux.Lors d’une interview accordée à un journal local, il a accusé les puissances étrangères d’encourager l’homosexualité dans son pays. Il est favorable au retour de la peine de mort, suspendue depuis 1994 en Tunisie, et a déclaré que s’il gagne, sa femme n’aura pas le titrede première dame du pays.
Défis à relever
Le candidat retenu sera nommé pour un mandat de cinq ans et sera en charge de la défense, de la politique étrangère et de la sécurité nationale. L’un desprincipaux défis qui l’attendent est le taux de chômage d’environ 15,4 % de la population en âge de travailler, comme le souligne le Groupe de la Banque africaine de développement.
Par ailleurs, la Banque mondiale a décrit la Tunisie comme un « pays de contrastes », affirmant que son économie et sa transition politique n’évoluent pas à la même vitesse.Elle a toutefois noté que les chiffres officiels montrent que le taux de pauvreté dans le pays en 2015 (15,2 %) était nettement inférieur à celuienregistré en 2010 (20,5 %) avant la révolution.
En outre, indique Assabah, les Tunisiens ont le sentiment d’avoir mûri en tant qu’électeurs. Pour eux, ce que la scène internationalequalifie de« gâchis »,traduit une transformation démocratique profonde, dans un pays qui est encore en phase de transition. « Je pense que nous sommes arrivés à un point où aucun individu ni aucun parti n’a un pouvoir absolu. C’est essentiel ! », confie un électeur.
La même source ajoute que depuis lepremier tour du scrutin présidentiel jusqu’aux élections législatives de ce week-end, la réalité qui transparaît à travers les jours économiques les plus sombres de la Tunisie est que le peuple s’insurge contre les politiques. En effet, les grands partis tunisiens ont perdu un pourcentage non négligeable de sièges au parlement et leurrhétorique résolument contradictoire pourrait les paralyser davantage, déplore le média.
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