La Banque mondiale (BM) prévoit la poursuite de la hausse historique des prix des produits de base jusqu’à la fin de 2024. Dans la dernière édition de son rapport sur les perspectives des marchés des produits de base (Commodity Markets Outlook-CMO), elle explique que cette tendance haussière est principalement causée par leseffets del’invasion de l’Ukraine par la Russie. Selon la BM,cette guerre a modifié la façon dont les produits de base sont échangés, produits et consommés dans le monde entier.
Le rapport des CMO indique ainsi que les prix de l’énergie vont augmenter de 50,5% en 2022, après avoir presque doublé en 2021, avant de baisser de 12,4% en 2023. Les prix des denrées alimentaires devraient pour leur part connaitre une hausse de 22,9% cette année, après avoir augmenté de 31% en 2021,avant de baisser de 10,4% l’année prochaine. La Banque mondiale déplore que les augmentations des prix de l’énergie au cours des deux dernières années aient été les plus importantes depuis le début des années 1970. Les augmentations des prix des denrées alimentaires telles que le blé et l’huile de cuisine, dont l’Ukraine et la Russie sont de grands producteurs, sont de leur côté les plus importantes depuis 2008.
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Pourquoi cette hausse va-t-elle persister ?
«L’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie qui en résulte fait payer un lourd tribut humain et économique», a déclaré Ayhan Kose, directeur du groupe Prospects de la Banque mondiale. «Elle va probablement freiner les progrès dans la réduction de la pauvreté […], exacerber les pressions inflationnistes déjà élevées dans le monde entier». En effet, les prix des produits de base augmentaient déjà avant la guerre. Alors que la demande se redressait après la chute induite par la pandémie de Covid-19, l’offre n’a pas a été lente à reprendre un rythme normal en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
Cependant, avec l’arrivée de nouveaux approvisionnements, les prix de nombreux produits de base devraient baisser. Pourtant, la Banque mondiale avertit que les prix risquent de rester à des niveaux élevés en 2023 et 2024 pour plusieurs raisons. Elle fait savoir que suite àla hausse tarifaire sans précédent et généralisée de l’année dernière, les possibilités de substitution sont limitées. À titre d’exemple, les acheteurs de pétrole brut impactés par les prix élevés ne peuvent pas facilement se tourner vers le gaz naturel ou le charbon, car leurs prix ont également fortement augmenté. De plus, les hausses de prix de certains produits de base ont entraîné une hausse des prix d’autres produits de base en augmentant leurs coûts de production. La BM cite en exemplela hausse des prix de l’énergie qui a fait augmenter les coûts du carburant et des engrais nécessaires à la production alimentaire, entraînant une hausse des prix du blé et d’autres produits agricoles.
En outre, de nombreux gouvernements ont réagi à la hausse des prix du carburant par des réductions d’impôts et des subventions. De telles politiques peuvent, certes,atténuer les hausses de prix à court terme, mais elles ont tendance à maintenir une forte demande, ce qui fait que les prix resteront élevés, précise la même source.
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Des prévisions de baisse très faibles
«Si les perspectives des marchés des produits de base dépendent fortement de la durée de la guerre en Ukraine et de l’ampleur des sanctions, on suppose que les canaux par lesquels les marchés des produits de base ont été affectés sont susceptibles de persister», prévient la BM dans son rapport.
La Banque mondiale ajoute aussi que le prix du baril du pétrole était autour de 102 dollars, ce lundi, après avoir atteint les 127,98 dollars fin mars dernier. Ces prix sont bien supérieurs à la moyenne annuelle de 70,40 dollars de 2021, qui correspondait à peu près aux niveaux prépandémiques. La tendance à la baisse pour les années à venir sera moins marquée, le prix tombant à 92 dollars le baril en moyenne en 2023 et à 80 dollars en 2024. Concernant le prix du blé d’hiver de référence, le blé roux de printemps, il devrait passer de 450 dollars la tonne cette année à 380 et 370 dollars en 2023 et 2024, respectivement. Pourtant, ces prix sont plus élevés que les 315 dollars de 2021 et les 232 dollars de 2020.
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Quid de la situation au Maroc ?
Mohamed El Rahj, expert en économie et fiscalité, nous a expliqué que, comme le monde entier, le Maroc fait face à une tendance haussière des prix en raison d’une succession de crise, à savoir la pandémie de la Covid-19 et plus récemment la guerre de la Russie en Ukraine. «Cette guerre fait d’ailleurs le bonheur des pays producteurs de pétrole, mais elle fait le malheur des autres non producteur de l’or noir. Et c’est le cas du Maroc. Le Royaume est dépendant de l’international pour satisfaire ses besoins en énergie. De ce fait, il subira de plein fouet la hausse des prix énergétiques tant que la guerre russo-ukrainienne se poursuive. Même constat pour les produits agricoles et les denrées alimentaires debase, en particulier les céréales, dont les prix ont connu une forte augmentation et qui vont continuer dans cette tendance tantque cette hausse est enregistrée auniveau mondial», fait savoir notre interlocuteur.
Selon l’économiste, au niveau du budget d’État, une loi de Finances rectificative (LFR) s’impose. «Le gouvernement ne doit pas continuer à opter pour des solutions de facilité.Pour faire face aux besoins d’augmentation de la caisse de compensation, il a décidé d’augmenter les ressources à travers la mobilisation de 15 milliards de DH (MMDH), donc essentiellement des produits versés par les établissements publics et quelques autres sources de financement. La loi de Finances initiale de 2022 (LF 2022) est désormais dépassée, car elle a été établie sur la base de chiffres et de ratios qui ont été complètement bouleversés par les récents événements internationaux».
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«Bien que le Maroc ne soit pas responsable de cette situation, le rôle de l’État est d’y faire face»
Pour Mohamed El Rahj, il est nécessaire de prendre le temps, sans s’éterniser, pour proposer une LFR avec une nouvelle donne et de nouvelles informations pour prévoir quelles seraient les modalités d’intervention de l’État. «Elle doit déterminer si l’État va prendre en charge la totalité des augmentations des cours sur le marché mondial et leurs répercussions sur les produits de base. S’il va plutôt opter pour des opérations ponctuelles, comme ce qui a été fait pour soutenir les transporteurs professionnels, à savoir l’octroi d’une dotation de presque 2 MMDH. Ou encore s’il faut revoir toute la politique de l’État dans le cadre d’une perspective de l’état sociale, à l’instar des actions mises en place lors de la pandémie de la Covid-19. C’est-à-dire que le gouvernement va intervenir massivement pour limiter ou réduire la hausse des prix».
En fervent partisan de l’élaboration d’une LFR, l’expert estimequ’un débat et une discussion entre les différents partenaires politiques, économiques et sociaux vont favoriser l’identificationd’une issue à cette crise. «Au cours de ces échanges, on pourrait examiner si l’État est en mesure de prendre en charge la différence des prix entre les cours du marché mondial et les prix pratiqués au niveau national. Aussi, il pourrait être question de l’adoption de nouvelles mesures et d’un ensemble de dépenses à la charge de l’État pour soulager les ménages ou pour maintenir à la rigueur leur pouvoir d’achat», souligne-t-il.
Dans le cadre de cette loi de Finances rectificative, «le gouvernement pourrait envisager d’augmenter les dotations en termes de compensations, et chercher et trouver les ressources nécessaires à cet effet. Il peut aussi abandonner une partie des impôts et taxes qui concerne les produits pétroliers, comme pour les céréales». Enfin, notre intervenant soutient que «l’État doit réfléchir au moyen de ne pas abandonner une partie de la recette fiscale générée par les produits pétroliers. Mais, également, il faut qu’il lance un signal fort aux sociétés de distribution de ces produits pour qu’elles réduisent leurs marges bénéficiaires. Une action qui représenteraune importantecontribution et un signe de solidarité sociale ainsi qu’un acte citoyen».
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