Accueil / Société

Enseignants contractuels : 3 mois de prison ferme pour Nezha Majdi, la grève nationale prolongée

Temps de lecture

Le tribunal de première instance de Rabat a condamné hier à trois mois de prison ferme Nezha Majdi, l’enseignante qui avait dénoncé l’an passé le « harcèlement sexuel » qu’elle aurait subi par les forces de l’ordre au cours d’une manifestation. En réponse à ce jugement, la Coordination nationale des enseignants contractuels du Maroc a annoncé prolonger la grève nationale, entamée depuis le 28 février dernier.

Le verdict est tombé pour les enseignants contractuels qui avaient été arrêtés les 6 et 7 avril 2021 au cours de deux manifestations, interdites par les autorités, place Bab El Had, à Rabat. Les professeurs demandaient déjà l’abrogation du recrutement par contrat et leur intégration dans la fonction publique. Après une garde à vue de 48 heures, les personnes interpellées avaient finalement été placées en liberté provisoire, en attente de leur jugement.

Jeudi, le tribunal de première instance de Rabat a finalement rendu son verdict dans cette affaire, condamnant 32 des 33 professeurs arrêtés à 2 mois de prison avec sursis. Seule femme parmi les interpellés, Nezha Majdi, l’enseignante qui avait dénoncé en mars dernier le harcèlement sexuel qu’elle aurait subi de la part des forces de l’ordre, écope quant à elle de trois mois de prison ferme, tel qu’annoncé par l’intéressée sur ses réseaux sociaux.

Tous étaient accusés «d’attroupement non armé», d’«outrage et violences envers un agent de la force publique» et de «violation de l’état d’urgence sanitaire». En plus de ces griefs, Nezha Majdi avait été poursuivie pour «outrage envers un corps constitué».

Une répression dénoncée par l’opinion publique

L’affaire avait suscité l’émoi sur les réseaux sociaux, où bon nombre de vidéos des rassemblements des 6 et 7 avril 2021 circulaient, montrant les interpellations musclées des enseignants par les forces de l’ordre ces jours-là. Suite à ces arrestations, le comité de la défense des enseignants avait pointé du doigt la «torture» et des «mauvais traitements» qu’ils auraient subis pendant leur garde à vue, exigeant une expertise médicale et l’ouverture d’une enquête.

Amnesty International était également montée au créneau, sommant les autorités marocaines d’«immédiatement abandonner les charges retenues contre 33enseignant·e·s qui ont été arrêtés de façon arbitraire pour avoir participé à des manifestations pacifiques réclamant de meilleures conditions de travail».

«Il est scandaleux que ces enseignant·e·s fassent l’objet de poursuites et d’un éventuel emprisonnement alors qu’ils n’ont fait que revendiquer de façon légitime de meilleures conditions de travail et leurs droits en matière d’emploi», avait déploré de son côté Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International. «La pandémie de Covid-19 ne doit pas servir de prétexte pour arrêter de façon arbitraire des manifestant·e·s pacifiques. En poursuivant injustement des protestataires pacifiques, les autorités marocaines bafouent leurs obligations internationales au titre desquelles elles sont tenues de défendre et protéger les droits des personnes à la liberté d’expression et de réunion pacifique», avait-elle alors déclaré.

Lire aussi :Contractuels : nouvelle manifestation à Rabat

Parmi les professeurs interpellés le 6 avril 2021, Nezha Majdi, qui avait dénoncé quelques jours avant son arrestation le harcèlement et les agressions sexuelles qu’elle et certaines de ses collègues auraient subis de la part des forces de l’ordre le 17 mars 2021, au cours d’une marche des enseignants contractuels. Des vidéos de son arrestation avaient largement été relayées sur les réseaux sociaux, où on y voyait l’enseignante supplier les autorités de ne pas l’arrêter.

Certains avaient alors vu un lien entre son interpellation le 6 avril et la dénonciation d’actes de harcèlement sexuel qu’elle impute à certains membres des forces de l’ordre. Le collectif Masaktach, qui lutte contre les violences et abus contre les femmes et la légitimation de la culture du viol, n’avait d’ailleurs pas hésité sur Twitterà parler d’une arrestation «ciblée». «Nezha Majdi a été arrêtée avec une brutalité inouïe hier. D’après les images de son arrestation, il semble évident qu’elle a été ciblée», avait alors déclaré le collectif. L’affaire avait provoqué l’indignement dans l’opinion publique, et un hashtag #FreeNezhaMajdi avait vu le jour, demandant la libération de la jeune femme.

Prolongation de la grève nationale des enseignants contractuels

Suite aux «condamnations injustes» prononcées hier par le tribunal de première instance de Rabat, la Coordination nationale des enseignants contractuels du Maroc (CNECM) a annoncé la prolongation de la grève nationale des cadres des académies régionales de l’éducation et de la formation professionnelle.

«Devant cette attaque sans pareil, les voix libres du pays doivent prendre leurs responsabilités et se mobiliser pour faire face», dénonce la CNECM dans un communiqué publié jeudi soir. «Nous avons décidé de prolonger la grève les 11, 12 et 13 mars 2022», «Le Conseil national extraordinaire se tiendra le samedi 12 mars 2022».

Des centaines d’enseignants contractuels de tout le Maroc participent depuis le 28 février dernier à une manifestation nationale, qui vise toujours à obtenir leur intégration à la fonction publique sans les restrictions et conditions imposées actuellement.

Lire aussi :Les enseignants contractuels prolongent leur grève nationale

Dernier articles
Les articles les plus lu

Protection des consommateurs : 300.000 contrôles effectués en 2024

Société - Le ministère de l’Intérieur a multiplié ses initiatives avec plus de 300.000 opérations de contrôle en 2024 pour garantir la qualité des produits commercialisés.

Ilyasse Rhamir - 23 décembre 2024

Lutte contre les déchets plastiques : les Marocains prêts à agir

Société - 94% des Marocains interrogés accordent une grande importance à l'élimination des déchets plastiques.

Rédaction LeBrief - 23 décembre 2024

Casablanca : suspect arrêté après acte violent

Société - Les éléments de la police judiciaire de la zone Ain Sebaâ – Hay Mohammadi, en coordination avec la DGST, ont interpellé, un suspect de 31 ans recherché pour plusieurs affaires criminelles.

Ilyasse Rhamir - 23 décembre 2024

Fourrières à Casablanca : un système en crise

Société - D’après le rapport annuel 2023-2024 de la Cour des comptes, 97% de ces fourrières ne sont pas légalement constituées en tant que service public.

Ilyasse Rhamir - 23 décembre 2024

MRE, qui ne veut pas de vous ?

DOSSIER - C’est l’histoire d’un MRE qui a failli perdre la vie dans une altercation autour d'une terre. Une affaire sordide où advient aussi le « racisme anti-MRE ».

Sabrina El Faiz - 21 décembre 2024

L’école marocaine, un rêve empreint d’inégalité

Société - Malgré des avancées notables, le Maroc continue de faire face à des inégalités éducatives importantes.

Ilyasse Rhamir - 20 décembre 2024

Casablanca intègre le C40 des villes engagées pour les actions climatiques

Société - La commune de Casablanca a annoncé son adhésion au réseau mondial C40 des villes, regroupant près de 100 villes engagées dans des actions climatiques.

Mbaye Gueye - 20 décembre 2024

Alerte météo : chutes de neige samedi et dimanche

Société - Des chutes de neige sur les hauteurs dépassant les 1.800 m, sont prévues dans certaines provinces du Royaume.

Rédaction LeBrief - 20 décembre 2024
Voir plus

Héritage, la succession qui déchire

Société - L'heure n'est pas aux comptes, et pourtant les familles se divisent pour l'indivisible. Immersion dans un héritage déchirant.

Sabrina El Faiz - 9 novembre 2024

Notes de route du Sahara

Société - Très impressionnante, l'histoire de sa vie fait d'elle un personnage romanesque. A son premier voyage dans le Sahara, Isabelle Eberhardt, reporter, voyageuse et aventurière, tombe amoureuse de cette terre et de ses gens.

Rédaction LeBrief - 4 avril 2024

L’INDH : 18 ans après, quel bilan ?

Société - Lancé en 2005 par le roi Mohammed VI, l’Initiative nationale pour le développement humain souffle aujourd’hui ses 18 bougies.

Hajar Toufik - 18 mai 2023

Nouvelles du Maroc

Société - À l'extrême ouest du Maghreb, tête de pont vers les Amériques, point de passage vers l'Europe par le détroit de Gibraltar, le Maroc est un carrefour d'influences unique au monde où se mélangent modernité et traditions.

Rédaction LeBrief - 1 avril 2024

Le racisme expliqué à ma fille

Société - Un enfant est curieux. Il pose beaucoup de questions et il attend des réponses précises et convaincantes. C’est en m’accompagnant à une manifestation contre un projet de loi sur l’immigration que ma fille m’a interrogé sur le racisme.

Rédaction LeBrief - 22 mars 2024

Bidonvilles, pourquoi y en a-t-il encore ?

Dossier - Ces habitats se concentrent dans les périphéries ou au sein de bidonvilles, où les efforts de résorption peinent à suivre.

Sabrina El Faiz - 30 novembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire