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Maya Tissafi : «le Maroc présente un potentiel très intéressant»

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Les relations entre le Maroc et la Suisse sont promises à un bel avenir. Au mois de décembre 2021, une feuille de route ambitieuse a été signée dans ce sens pour une coopération tous azimuts. Consultations politiques, échanges économiques, dialogue sur les questions migratoires… Autant de questions abordées dans cet entretien avec l’ambassadrice Maya Tissafi, cheffe de la Division Moyen-Orient et Afrique du Nord du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE).

Lebrief.ma : Tout d’abord, comment évaluez-vous le développement des relations entre laSuisseet le Maroc dont le centenaire a été célébréen 2021?

Maya Tissafi : Nos relations bilatérales ont toujours été très bonnes, mais je pense refléter un avis général en suggérant qu’elles n’ont jamais été plus dynamiques qu’aujourd’hui. C’est ce à quoi nous nous sommes employés avec beaucoup de détermination de part et d’autre tout au long de l’année du centenaire. De nombreux événements ont été organisés dans le cadre de partenariats entre notre ambassade et des institutions marocaines de prestige, comme l’Académie du Royaume du Maroc et l’Académie Hassan II des sciences et techniques. Les contacts diplomatiques ont aussi été intensifiés. Lors la visite officielle enSuissede Son Excellence le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, une feuille de route ambitieuse a été signée avec son homologuesuisse, le Conseiller fédéral Ignazio Cassis. Celle-ci a pour but de développer nos relations dans tous les domaines d’intérêt commun, de l’économie au climat en passant par la migration, les transports ou encore les nouvelles technologies. Nos deux ministres ont aussi signé un protocole d’entente sur l’établissement de consultations politiques régulières et une déclaration sur la coopération au titre de l’Accord de Paris sur le climat.

(…) notre Secrétaire d’Etat à l’économie planifie une visite au Maroc au printemps 2022 dans le cadre de l’assemblée annuelle de la Banque européenne de reconstruction et développement (BERD) à Marrakech.

Lebrief.ma : Vous l’avez évoqué, le 3 décembre 2021 à Berne, le conseiller fédéral Ignazio Cassis, aujourd’hui à la tête de la Confédérationsuisse(chef de l’État, NDLR), avait reçu le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Les deux responsables avaient entre autres signé un Protocole d’entente sur l’établissement de consultations politiques régulières entre les deux pays. Quels sont les projets du calendrier diplomatique 2022 des relations maroco-suisses?

Maya Tissafi :L’année ne fait que commencer, mais le calendrier diplomatique bilatéral se remplit très vite! Les rencontres prévues ne se limitent d’ailleurs pas aux ministères des Affaires étrangères. Outre les consultations politiques que nous prévoyons enSuisse, notre secrétaire d’État à l’économie planifie une visite au Maroc au printemps 2022 dans le cadre de l’assemblée annuelle de la Banque européenne de reconstruction et développement (BERD) à Marrakech. Ce voyage sera l’occasion de renforcer le volet économique de nos relations bilatérales. La secrétaire d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation envisage également la possibilité d’une visite cet été. Par ailleurs, des échanges directs sont prévus entre le Directeur général de l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI) et la Directrice de la Direction du développement et de la coopérationsuisse(DDC). Le but est de discuter de nos programmes de coopération respectifs avec les pays du Sahel et des synergies potentielles.

Je ne doute pas que d’autres rencontres s’ajouteront au calendrier plus tard dans l’année. Je pense notamment à la signature prochaine d’un accord bilatéral de coopération au titre de l’article 6 de l’Accord de Paris sur le climat, qui sera bientôt finalisé. D’autre part, la feuille de route signée en décembre prévoit la mise en place d’un dialogue approfondi sur la coopération dans le domaine des migrations. Comme je l’ai dit, les relations sont très dynamiques!

Lebrief.ma : LaSuisseavait abrité en 2018 et 2019 deux tables rondes sur le Sahara dans le cadre du processus onusien pour le règlement de ce dossier. Aujourd’hui, le nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura, peine à convaincre l’Algérie et le Polisario de prendre part à de nouvelles tables rondes. Quelle est la position de laSuisseà ce sujet ?

Maya Tissafi :Nous nous réjouissons de la nomination de M. Staffan de Mistura, en tant que nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU. LaSuisselui a déjà exprimé son plein soutien et sa disponibilité en tant que pourvoyeuse de bons offices, notamment en tant qu’État hôte.

LaSuisseréitère l’importance d’efforts sérieux et crédibles du Maroc visant une solution politique basée sur le compromis.

La position de laSuisseest connue, elle a toujours soutenu les efforts des Nations Unies et leur rôle central dans cette question. Nous favorisons une solution politique en accord avec le droit international et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, avec la conviction que seule la négociation permettra d’aboutir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable. LaSuisseréitère l’importance d’efforts sérieux et crédibles du Maroc visant une solution politique basée sur le compromis. Elle a pris note, dans ce contexte, de l’initiative d’autonomie présentée par le Maroc au Secrétaire général de l’ONU en 2007 et encourage toutes les parties à poursuivre leur engagement dans un esprit de compromis, tout en préservant le cessez-le-feu.

Lebrief.ma :Le Maroc est le troisième partenaire commercial de laSuisseen Afrique mais les relations économiques entre les deux pays demeurent modestes. Est-ce que vous avez étudié de nouvelles pistes de coopération économique ?

Maya Tissafi :Le Maroc présente un potentiel très intéressant. Je pense notamment aux efforts déployés avec succès par le Royaume dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et des énergies renouvelables, des domaines où beaucoup d’entreprisessuissesont un savoir-faire pertinent. L’industrie pharmaceutique, les équipements médicaux et l’infrastructure recèlent également de bonnes opportunités. Par ailleurs, le Maroc s’est profilé comme une plateforme économique importante sur continent africain.

Depuis des années, laSuissepromeut activement les échanges commerciaux en déployant des programmes de promotion des exportations marocaines. Ces programmes se concentrent sur le renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment dans le textile et les produits agricoles transformés. LaSuisses’engage aussi dans le développement du tourisme durable et dans l’accès au financement.

En tant qu’Etat, nous faisons notre possible pour promouvoir les échanges en fournissant les meilleures conditions possibles aux acteurs économiques. Avec le Maroc, ces conditions sont très bonnes. En effet, nous avons un accord de protection des investissements, un accord contre la double-imposition et un accord de libre-échange. Dans la mesure où l’économiesuisseest très décentralisée et fondée sur l’initiative privée, il appartient avant tout aux entreprises elles-mêmes d’utiliser ce cadre pour développer leurs relations commerciales et leurs investissements. Cette approche est connue de nos partenaires marocains, c’est pourquoi l’idée de faciliter un forum économique entre les entreprises marocaines etsuissesintéressées est actuellement en discussion.

Lebrief.ma :LaSuissea mis en place une stratégie pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord – la Stratégie MENA pour la période 2021-2024. Sur quoi repose cette stratégie ?

Maya Tissafi :La Stratégie MENA est la toute première d’une série de stratégies régionales approuvées par le Conseil fédéralsuisse. Elle repose sur cinq priorités thématiques :

1) paix, sécurité et droits de l’homme ;

2) migration et protection des personnes en détresse ;

3) développement durable ;

4) économie, finances et science ;

5) numérisation et nouvelles technologies.

Depuis que laSuissea décidé d’ouvrir sa première représentation consulaire au Maroc en 1921, la globalisation nous a encore beaucoup rapprochés, au point qu’il n’est pas exagéré de nous considérer aujourd’hui comme des voisins indirects. La Stratégie MENA prend acte de cette proximité, ainsi que des mutations technologiques et socioéconomiques rapides à l’œuvre aujourd’hui. Notre ministre s’est personnellement investi dans le développement des relations avec notre voisinage nord-africain.

Lebrief.ma : Quel rôle peut jouer le Maroc dans la Stratégie MENA de la Confédérationsuisse?

Maya Tissafi :La Stratégie MENA définit trois domaines prioritaires pour notre engagement au Maroc : la coopération dans le domaine des migrations, le développement durable et enfin, l’éducation et les nouvelles technologies. Avec nos partenaires marocains, nous avons identifié plusieurs recoupements entre cette stratégie et le Nouveau modèle de développement marocain. Je pense notamment à l’importance accordée à la formation des jeunes et à la création de perspectives professionnelles dans le cadre de la nouvelle révolution industrielle, induite par le déploiement rapide de l’intelligence artificielle.

Un exemple de notre coopération est le partenariat entre nos institutions académiques, comme celui qui existe entre l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) et l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui comptent parmi les meilleures au monde.Les Marocaines et les Marocains représentent aujourd’hui le deuxième plus grand contingent d’étudiants étrangers à l’EPFL, juste après les Français.

En matière de développement durable, laSuisseest déjà active dans le secteur du tourisme au Maroc. Nous avons des protocoles d’entente dans les domaines des transports, de l’énergie et de l’agriculture, ainsi qu’une déclaration sur la coopération au titre de l’article 6 de l’Accord de Paris sur le climat. Tous ces champs de coopération offrent beaucoup de place à l’initiative privée et à l’innovation, un domaine où laSuissese place au sommet du classement mondial depuis des années.

Concernant la migration, finalement, nous entendons renforcer la bonne coopération existante, développer le cadre juridique et entretenir un dialogue spécifique régulier.

Le Maroc est un partenaire central pour laSuissedans le domaine des migrations.

Lebrief.ma :Le Maroc et l’Union européenne ont des visions parfois divergentes sur la question de la migration. Comment laSuisseappréhende la gestion des flux migratoires dans le cadre de la coopération Nord-Sud ?

Maya Tissafi :Le Maroc a un rôle particulier en première ligne sur le front de la migration. LaSuisseapprécie vivement son engagement considérable pour relever les défis migratoires dans le bassin méditerranéen. Je pense notamment au nombre important de migrants subsahariens accueillis et régularisés sur place, ainsi qu’à la prévention de la migration irrégulière au départ des côtes marocaines. Le Maroc est un partenaire central pour laSuissedans le domaine des migrations. La coopération bilatérale est bonne, elle repose sur un dialogue régulier et le soutien à des projets au Maroc, avec un accent particulier sur le retour volontaire et la réinsertion économique de migrants subsahariens. Dans le cadre de programmes régionauxincluant le Maroc, laSuissea mis en œuvre des projets pour maximiser la contribution de la migration au développement durable, tout en améliorant l’accès à la santé, à la formation et au marché du travail. Un nouveau projet régional incluant le Maroc devrait démarrer prochainement.Intitulé « Enfants et jeunes sur les routes migratoires en Afrique du Nord et de l’Ouest », il visera à assurer au enfants et jeunes en mobilité la protection, l’accès à l’éducation et à l’insertion pour améliorer leurs opportunités et optimiser leur contribution au développement le long des routes migratoires.De manière générale, les efforts de laSuissevisent à établir des relations de partenariat équilibrées avec les pays d’origine et de transit de la migration, dont certains à l’instar du Maroc sont aussi des pays de destination.

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