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C’est la première guerre de ce 21esiècle sur le territoire européen. Qui l’eut cru ? À part les satellites américains qui avaient averti depuis quelques mois sur le déploiement en masse d’unités de l’armée russe aux frontières avec l’Ukraine, personne ne se doutait que le président russe, Vladimir Poutine, allait réellement passer à l’acte. Même sa reconnaissance, lundi soir, de l’indépendance des deux régions séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk dans l’est de l’Ukraine n’avaitpas convaincu les occidentaux qu’il allait réellement lancer l’offensivetroisjours plus tard.
Mais l’art de la guerre, c’est aussi l’effet de surprise. Jeudi, à 3 heures GMT, Poutine annonce le lancement de l’offensive dans une allocution télévisée surprise, la qualifiant « d’opération militaire spéciale » pour défendre les séparatistes de l’est du pays et « démilitariser et dénazifier » son voisin pro-occidental. Le Kremlin a précisé vouloir imposer un « statut neutre » à l’Ukraine. C’est le début d’une invasion de grande ampleur des forces russes qui frappent plusieurs villes du pays. Une attaque tous azimuts : la capitale Kiev au nord, Odessa au sud sur la mer Noire ou encore Ivano-Frankvsik et Lviv à l’ouest.
Une invasion qui rappelle celle de la Pologne en 1939 par les troupes nazies. Le 1er septembre 1939, les soldats allemands franchissent aux aurores la frontière polonaise en attaquant sur trois axes différents, dans le cadre d’un plan élaboré à la demande d’Adolf Hitler dès le début du printemps. C’est le point de départ de la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, c’est également une guerre médiatique à l’ère de notre temps qui est menée.
Les derniers éléments sur le terrain
Au vu des développements durant les trois premiers jours de cette offensive, la guerre en Ukraine risque de durer longtemps. Le président français, Emmanuel Macron, l’a d’ailleurs mentionné ce samedi matin : la guerre«durera» et «il faut nous y préparer».
La Russie a commencé par viser les centres de commandement de l’armée ukrainienne afin d’éliminer toute coordination et a détruit presque toutes les capacités aériennes de l’Ukraine en attaquant les bases militaires et les aérodromes.S’il est évident que l’armée russe dispose de matériel militaire plus lourd et plus sophistiqué, elle ne s’attendait pas à la combativité des soldats ukrainiens, à qui Vladimir Poutine a demandé de se soulever contre le pouvoir en place, et à la mobilisation de la population prête à défendre son pays corps et âme. Ce samedi, les Russes ont annoncé avoir visé des infrastructures militaires ukrainiennes avec des missiles de croisière navals et aériens. La capitale ukrainienne a été la cible de plusieurs de ces missiles parce qu’à l’heure de l’écriture de ces lignes, il n’y a pas encore de troupes régulières russes dans Kiev mais elles essaient de pénétrer dans la ville depuis plusieurs directions. La mobilisation des habitants, qui ont répondu favorablement à la demande du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, sera déterminante. Zelensky a indiqué samedi que ses partenaires occidentaux allaient livrer de nouvelles armes et équipements à l’Ukraine, se réjouissant du fait que «la coalition anti-guerre fonctionne» mais déplorant en même temps un bilan de 137 morts, 316 blessés et des dizaines de milliers de déplacés côté ukrainien.
Il ne faut pas l’oublier, la Russie est la deuxième puissance armée au monde. Près de 200.000 soldats russes sont mobilisés dans cette opération et d’autres renforts pourraient intervenir depuis la Russie, la Biélorussie mais aussi en Crimée.Selon Global Fire Power, la Russie dispose de 850 000 soldats (d’autres sources donnent 900 000), quand l’Ukraine a monté sa capacité à 200 000 hommesmais possédant des équipements datant de la fin de la guerre froide, quand le pays faisait encore partie de l’Union soviétique.
Que cherche réellement Poutine ?
Tout en se disant prêt à envoyer une délégation dans la capitale de son allié bélarusse, Minsk, pour des pourparlers avec Kiev, Poutine n’a pas manqué de menacer directement les Occidentaux. «Ceux qui tenteraient d’interférer avec nous (…) doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez encore jamais connues», précise Poutine dans une menace à peine voilée sur le bouton nucléaire sur lequel il serait prêt à appuyer.
«Malgré toutes ses bombes, tous ses chars et tous ses missiles, je ne crois pas que le dictateur russe parviendra jamais à miner le sentiment national des Ukrainiens et leur conviction passionnée que leur pays doit être libre», a rétorqué le premier ministre britannique, Boris Johnson. Ces joutes verbales n’écartent aucunement le danger d’un conflit dans lequel la moindre dérive pourrait mener à une surenchère nucléaire qui raserait l’Europe et la planète entière. Vendredi, la diplomatie russe a estimé que «les relations entre Moscou et les Occidentaux sont proches du « point de non-retour »». Vladimir Poutine dit vouloir assurer la sécurité russe estimant que l’Ukraine avait comme objectif de rejoindre l’Otan. Craignant l’arrivée de forces occidentales aux frontières de la Russie, Poutine aspire à mettre un régime pro-russe en place et chasser du pouvoir le président Zelensky et son gouvernement.
Quelle marge de manœuvre pour les Occidentaux ?
À part les condamnations et les sanctions qu’ils peuvent prononcer, les occidentaux ont une marge de manœuvre très étroite. Le président américain, Joe Biden, a dit qu’il était hors de question d’envoyer des soldats américains sur le sol ukrainien mais a prévenu qu’aucun « pouce de territoire de l’Otan » ne serait cédé, et le Pentagone dépêchera quelque 7.000 hommes de plus en Allemagne. Idem pour les membres de l’Otan dont les dirigeants se sont retrouvés vendredi en visioconférence. L’alliance a répété ces derniers jours qu’elle n’enverrait pas de troupes en Ukraine. Pour l’instant, le camp occidental, qui cherche l’isolement de la Russie, se concentre sur le durcissement des sanctions contre la Russie après avoir restreint son accès aux marchés financiers et aux technologies. Les Occidentaux, Washington en tête, ont franchi un nouveau palier vendredi en imposant, fait rare et symbolique, des sanctions à Vladimir Poutine lui-même et à son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Le maître du Kremlin a pris pour prétexte un prétendu « génocide » orchestré par Kiev dans ces « républiques », dénonçant de plus la politique « agressive » de l’Otan.Sans surprise, la Russie a mis vendredi son veto au Conseil de sécurité à une résolution déplorant son « agression », texte pourtant soutenu par une majorité de pays.
La prudence de Rabat
Après avoir rapatrié des centaines d’étudiants avant le début de la guerre, le Maroc s’est contenté jeudi de créer une cellule de crise au niveau du ministère des Affaires étrangères à Rabat. Un numéro vert a été mis en place et l’ambassade du Maroc à Kiev a rendu public un communiqué listant les points de transit frontaliers ouverts aux Marocains qui veulent quitter l’Ukraine. Ceci étant, ceux qui sont restés bloqués sur place interpellent les autorités marocaines sur leur situation. Dans un communiqué diffusé samedi,leministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, indique que leMaroc «réitère son soutien à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de tous les États membres des Nations Unies». Rappelant son attache au principe de « non recours à la force » pour le règlement des différends entreÉtats, le département dirigé par Nasser Bourita a évité de condamner l’invasion russe ou de prendre une position marquée en faveur de l’Ukraine.
Le Royaume a des relations privilégiées avec les États-Unis et l’Europe. Il a aussi le statut d’allié majeur de l’Otan. En parallèle, le Maroc tient aussi à son partenariat stratégique approfondi avec la Russie. Si sur la Twittoma des voix s’élèvent et réclament, d’un point de vue de realpolitik, que Rabat prenne position, plusieurs universitaires estiment que le Maroc doit adopter une posture de neutralité par rapport à ce conflit. «N’étant pas un acteur de la situation de la crise en Ukraine, le Maroc devrait éviter de prendre position aussi longtemps que cette crise va durer», affirme Sarah Boukri, docteure en sciences politiques dans une interview accordée à Lebrief.ma. «Il s’agit d’une crise qui concerne la Russie, l’Ukraine, les États-Unis, l’Union européenne et les forces de l’Otanpour des raisons propres à la stratégie et aux intérêts de chacun de ces acteurs», commente la politologue. Sarah Boukri estime que les intérêts stratégiques du Maroc ne sont nullement menacés. «Le Maroc a toujours fait preuve de sagesse et d’intelligence dans ses relations internationales. Une posture qui a permis au Royaume de multiplier les partenariats avec les différents pays y compris avec la Russie et l’Ukraine. Le Maroc devrait maintenir cette politique étrangère mesurée qui jusque-là a été bénéfique au Royaume», argumente-t-elle, estimant que les répercussions de cette guerre seront plus d’ordre économique. «Il semble évident que le consommateur marocain souffrira de l’envolée des prix du blé et de l’essence à la pompe», conclut Boukri.
L’impact économique sur le Maroc
Inévitablement, les tensions entre les deux pays vont avoir des incidences sur le Maroc qui importe la majeure partie de ses besoins en énergie et en céréales. La Russie et l’Ukraine fontpartie des principaux fournisseurs du Maroc surtout en blé. Le baril est désormais à plus de 100 dollars et les prix du blé ont atteint un pic totalement inédit à 344 euros la tonne. Questionné par Lebrief.ma,l’analyste économique Ahmed Azirar soutient que«2022 est semblable à 1973 avec la même physionomie : la guerre, l’utilisation de l’arme énergétique, l’inflation et un système économique et commercial mondial bouleversé». L’économiste souligne que plusieurs défis sont à relever pour le Maroc pour maîtriser des facteurs comme le coût et la disponibilité de l’énergie et du blé afin de constituer le stock de sécurité de 60 jours régi par la loi. Il s’agira ensuite de limiter l’effet de la hausse du coût sur les citoyens et l’économie nationale surtout que la perturbation des marchés touchera aussi nos exportations vers la Russie et l’Europe de l’est. «Sa Majesté le Roi a fait de la constitution des stocks stratégiques une priorité pour le gouvernement. Où en est-on ? Le gouvernement doit communiquer à ce sujet. Les stocks de blé, de graines oléagineuses, de légumineuses, de médicaments sont nécessaires, surtout que Ramadan approche. Leurs prix doivent rester raisonnables et donc subventionnés si nécessaire», juge Azirar.
Les prochains jours nous éclaireront sur l’issue d’une guerre que Poutine a commencé mais qu’il lui est difficile de terminer. Comment envisager une fin de ce conflit sans retour à la table des négociations ? Au Maroc, un travail de fond pour maîtriser l’énergie et les ressources hydriques doit se faire pour éviter les chocs exogènes qui peuvent mettre à mal notre économie voire notre stabilité.
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