2022 : année de la renaissance ?
Ça y est, on y est! Le monde a accueilli il y a quelques heures la nouvelle année 2022 avec de timides célébrations ici et là. Chez nous, pas de festivités et des rues désertes aux 12 coups de minuit à cause du couvre-feu imposé par les autorités. Beaucoup de nos compatriotes espèrent que la nouvelle année sera plus prospère que sa précédente. Santé, économie, politique… Dans un exercice de prospective, tous les facteurs doivent être pris en compte parce qu’ils interagissent entre eux. Notre honorable chef du gouvernement le sait très bien: « gouverner, c’est prévoir ».
Un début d’année sous le signe des restrictions
L’année 2022 commence sous l’état d’urgence sanitaire, prolongé jusqu’au 31 janvier tout comme la fermeture des frontières. Ces décisions doivent être étudiées avec minutie et seraient mieux accueillies si elles étaient prises en concertation avec les acteurs directement touchés. Deux ans et 5,4millions de morts plus tard, la pandémie de Covid-19 fait toujours rage. Même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) table sur cette année 2022 pour vaincre le Sars-CoV-2, de nombreux experts en santé publique jugent que le monde doit apprendre à vivre avec cette maladie endémique. Les vagues d’infection et les variants se succèdent mais il est inimaginable de continuer à instaurer des restrictions et de les lever sur la base des indicateurs épidémiques. Le gouvernement doit faire des choix, parfois difficiles mais nécessaires. Mais, il doit surtout réussir à faire adhérer les Marocains à ces choix avec une stratégie rationnelle et murement réfléchie pour les mois, voire les années à venir.
Perspectives économiques
Si 2021 a été l’année de la reprise (6,7% de croissance au Maroc prévus par Bank Al-Maghrib), avec un effet de rattrapage par rapport à la récession de 2020, l’année 2022 ne serait finalement pas celle du boom économique. Selon les analystes des différents instituts de prospective, face au nouveaux variants, aux pénuries et à l’inflation persistantes, l’économie mondiale va rester en zone grise, sur fond d’impératifs climatiques. Déjà, le variant Omicron et les restrictions sanitaires qu’il entraîne font craindre des conséquences dans de nombreux secteurs, transport aérien, restauration et tourisme en tête. Le dérèglement climatique et les catastrophes naturelles associées pourraient en outre peser sur les prix alimentaires. Les cours mondiaux sont déjà proches de leurs records de 2011 : les produits laitiers ont pris plus de 15% cette année, tandis que le blé et les huiles végétales ont battu des records.
Au chapitre des incertitudes, les experts redoutent un crash de l’économie chinoise avec la faillite du promoteur Evergrande entre autres, une crise sur Taïwan, les tensions entre la Russie et l’Ukraine qui pourraient créer un choc énorme sur le gaz naturel déjà à des niveaux élevés… Pis encore, on craint l’éclatement d’une bulle de la dette rocambolesque des États.
Pour ce qui est des facteurs endogènes, les précipitations seront l’élément clé pour apprécier la croissance de notre produit intérieur brut (PIB). Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) estime que le taux de croissance serait de l’ordre de 2,9% en 2022.
Des chantiers titanesques
C’est l’un des chantiers de règne que le gouvernement doit poursuivre en 2022. Il s’agit du projet de généralisation de la protection sociale, lancé par le Souverain le mercredi 14 avril 2021, et qui se veut une étape importante sur la voie de la promotion de la justice sociale et spatiale et de la préservation de la dignité des citoyens. Près de 11 millions de personnes vont bénéficier, à partir de ce mois de janvier 2022 et de manière progressive, de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Ainsi, 1,6 million d’agriculteurs, 500.000 artisans et 170.000 chauffeurs de taxi, ainsi que leurs ayants droit sont désormais couverts par l’AMO. Commerçants, professionnels et prestataires indépendants soumis au régime de contribution professionnelle unique (CPU), au régime de l’auto-entrepreneur ou au régime de la comptabilité sont également concernés.
Ce chantier d’envergure devra s’étendre, dans un second temps, à d’autres catégories dans la perspective de la généralisation effective de la protection sociale à tous les citoyens. A terme, 22 millions de personnes supplémentaires bénéficieront de cette assurance, qui couvre les frais de traitement, de médicaments et d’hospitalisation.
Il y a aussi la réalisation des objectifs du Nouveau modèle de développement (NMD) qui attend l’exécutif. Ce dernier doit mettre en œuvre les grands axes du NMD, ses choix stratégiques et ses propositions en matière de gestion. Le gouvernement doit chercher les ressources pour financer tout ça. La mission du suivi du NMD sera vraisemblablement confiée au HCP. Après sa refonte, et c’est là aussi un chantier à finaliser en 2022, le HCP s’occuperait des projets stratégiques et de la gestion du changement. Lors de son discours à l’ouverture du Parlement le 8 octobre 2021, le roi Mohammed VI avait insisté sur le fait qu’il y ait plus de cohérence, de complémentarité et d’harmonie entre les politiques publiques et sur la nécessité d’en suivre la mise en œuvre. «À cet effet, nous appelons à une refonte substantielle du Haut-Commissariat au Plan dans la perspective d’en faire un mécanisme d’aide à la coordination stratégique des politiques de développement et d’accompagnement de la mise en œuvre du modèle de développement», avait demandé le Souverain.
Développer les opportunités d’emploi est une nécessité dans un contexte affecté par la Covid-19 qui amplifie l’incertitude. Dans ce sens, l’exécutif avait promis de lancer, dès ce mois de janvier, son programme ‘‘Awrach’’ visant à garantir des emplois temporaires à 250.000 jeunes. Le projet coûtera à l’État 2,25 MMDH. C’est en fait un programme de grands et petits chantiers publics temporaires. Ces chantiers seront lancés en partenariat avec les départements ministériels, les établissements publics, les autorités locales et collectivités territoriales, mais aussi avec les organisations de la société civile et les coopératives locales et ce, sans condition de qualifications. Ces chantiers devraient prendre une forme d’opportunités d’activités professionnelles répondant aux besoins et attentes des citoyens, comme la construction de sentiers, la restauration du patrimoine et des équipements publics, l’aménagement paysager, la préparation d’espaces verts, la lutte contre l’analphabétisme, l’enseignement primaire, la prise en charge des personnes âgées, les activités sportives et culturelles, la numérisation des archives…
2022, l’année des grandes inaugurations?
Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, le Maroc est un chantier à ciel ouvert. Certains projets ont été achevés mais pas encore inaugurés alors que d’autres doivent être lancés ou finalisés en 2022. Parmi ces projets, celui de la construction de la ville industrielle Tanger Tech. Cette smart city sortira de terre grâce à un partenariat avec la République populaire de Chine. Tanger Tech s’étalera sur 200 hectares et près de 200 entreprises chinoises opérant dans l’automobile, l’aéronautique, le textile, l’électronique et les machines-outils doivent s’y installer.
Autre projet d’envergure, celui du port Nador West Med. Situé dans la région de l’Oriental, les travaux de construction de cette structure portuaire devraient s’achever fin 2022. 10 MMDH ont été investis dans ce projet censé renforcer le rôle maritime et portuaire du Maroc. Il compte un nouveau port en eau profonde, une plateforme industrielle intégrée, des infrastructures en zone franche, s’étendant sur 1.500 hectares, mais également d’autres situés en dehors de la zone franche, sur une superficie de 2.500 hectares. Nador West Med permettra surtout au Royaume de stocker les produits énergétiques.
C’est en 2022 également que la tour Mohammed VI, plus haut bâtiment du continent africain, sera livrée. Avec une hauteur de 250 mètres et une structure en verre sous forme de missile, ce gratte-ciel édifié sur la vallée du Bouregreg à Rabat, est une œuvre architecturale impressionnante. Composée d’une base de pieux de 80 mètres de profondeur qui soutiennent la construction, la tour est ensuite répartie sur 55 étages à usage professionnel, d’habitation et touristique. 4.700 m² de panneaux solaires alimenteront la tour pour symboliser les efforts du Maroc en matière de lutte contre le changement climatique.
La pandémie de Covid-19 a retardé l’inauguration de deux importantes infrastructures artistiques. Les deux grands théâtres de Rabat et de Casablanca sont prêts depuis plusieurs mois mais demeurent fermés à cause de la crise sanitaire. Celui de la capitale a été conçu par l’architecte défunte Zaha Hadid, lauréate du prix Pritzker en 2004, il a nécessité un investissement de près de 2 MMDH. Situé en face de la Tour Hassan et du Mausolée Mohammed V, il s’étale sur une superficie de 25.000 m² et se compose d’un amphithéâtre en plein air de 7.000 places, d’une grande salle multidisciplinaire de 1.822 places, ainsi que de restaurants et de cafés.
Celui de Casablanca est, quant à lui, situé en plein cœur du quartier administratif de la métropole. Il se présente comme étant un haut lieu de la culture et compte une salle de spectacle de 1.800 places, une de théâtre de 600 places et enfin de musique de 300 personnes, soit une capacité de 2.700 fauteuils. Une enveloppe de 1,4 MMDH a été investie dans ce projet.
Le Maroc est à la croisée des chemins. Si politiquement notre pays est stable, les indicateurs sociaux sont toujours dans le rouge et le nouveau “Pacte pour le développement” doit traduire dans les faits les ambitions du NMD. Le gouvernement qui boucle bientôt ses 100 premiers jours doit tout faire pour redonner confiance à des citoyens las des promesses non tenues. L’entraîneur de l’équipe nationale de football, Vahid Halilhodzic, en sait quelque chose. Cela fait 46 ans que le Maroc n’a pas été sacré champion d’Afrique et Halilhodzic a la lourde tâche de tenter de se rapprocher de cet exploit lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAF) qui se tiendra au Cameroun du 9 janvier au 6 février.Espérons que les Lions de l’Atlasnous offrirontdes moments de joie. Ça serait merveilleux pour ce début d’année.