C’est une information qui ébranle le secteur de l’assurance et n’augure rien de bon pour l’avenir. ACECA, l’un des gros calibres de l’intermédiation assurantielle, vient de perdre son agrément. La décision de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) est tombée le 7 décembre courant.
Le courtier connaissait depuis quelque temps des difficultés auxquelles les tentatives de redressement financier n’ont pu trouver de solutions. Selon les informations qui circulent sur le marché, le coup de grâce aurait été apporté par des compagnies d’assurances qui réclament le règlement des primes émises et encaissées, dont le montant serait très conséquent. La question qui se pose est de savoir si le glas a sonné pour ce cabinet de courtage, qui fait partie de l’histoire de l’assurance au Maroc, ou si son mangement, en l’occurrence le très connu M’hamed Aouzal, pourra faire un miracle pour le sauver? À Dieu va. «De mon point de vue, le retrait de l’agrément d’ACECA doit être contextualisé. Au regard du manque d’informations, on ne peutpas dire si ce grand cabinet doit être retiré du secteur. Mais, je pense que le régulateur a estimé que le volume de sesimpayés a dépassé la marge tolérable. C’est malheureux que ACECA, ce courtier historique, puisse vivre cette situation. Cela étant, l’enjeu aujourd’hui est de ne pas léser les assurés dans cette opération. Il faut que leurs intérêts ne soient pas impactés par le litige opposant l’assureur à l’intermédiaire», souligne Youssef Bounoual, président de l’Union marocaine des agents et courtiers d’assurance (UMAC).
TVA, commissionnement, multitude des acteurs… Les maux du secteur
La situation d’ACECA ne semble pas être une exception dans le secteur. En effet, les intermédiaires d’assurances font depuis longtemps face à une conjoncture difficile. Commissionnement élevé, TVA, hausse du nombre des acteurs… sont autant de facteurs contribuant aux difficultés que vivent les agents et courtiers en assurance depuis des années. Et, comme un malheur ne vient jamais seul, la Covid-19 est venue s’ajouter à leurs misères.
Le secteur souffre de dysfonctionnements structurels liés, selon le président de l’UMAC, à quatre facteurs.«Premièrement, le niveau de commissionnement est devenu insuffisant par rapport au volume des charges que supporte l’intermédiaire», précise-t-il.À cela s’ajoute le fait que le réseau de la distribution s’est développé de façon non proportionnelle par rapport à la taille de la prime. Sur ce point, il faut noter que selon les statistiques de l’ACAPS, le réseau de distribution intermédiaire (agents, courtiers et bureaux de gestion directe relevant directement des entreprises d’assurance et de réassurance) se compose de 2.102 intermédiaires d’assurances (1.640 agents et 462 courtiers) et de 661 bureaux de gestion directe. Ce nombre important d’intervenants se livre une bataille commerciale acharnée pour un marché estimé en 2020 à près de 45 milliards de DH (MMDH).
La TVA et le hors taxe de la discorde
«Il y a aussi cette injustice fiscale, car la TVA sur les commissions n’est pas justifiée pour trois raisons techniques. D’abord, l’intermédiaire n’est pas un consommateur final, par conséquent il ne doit pas supporter cette TVA. Deuxièmement, nous avons posé une question très simple pour savoir quel est le montant hors taxe pour calculer le montant de la TVA. Mais, les compagnies d’assurance sont incapables de nous communiquer ce montant. Elles passent du toutes taxes comprises (TTC) pour recalculer le hors taxe (HT), alors que la base de calcul de la TVA est un HT multiplié par un taux. L’élément inconnu dans notre secteur, c’est le HT. Troisièmement, en France en Espagne au Canada en Tunisie, en Algérie… l’intermédiaire n’est pas soumis à la TVA»,précise le président de l’UMAC.
Les intermédiaires se plaignent également de la non-récupération de la TVA. «Nous achetons TTC, mais nous ne pouvons pas faire la déduction de la TVA sur achat. Cette injustice fiscale pèse lourdement sur la trésorerie des intermédiaires», note Bounoual.
L’autre dysfonctionnement structurel du secteur est lié au volet de«la protection juridique de l’intermédiaire». Pour le président de l’UMAC, la relation entre la compagnie d’assurance et l’intermédiaire est une relation commerciale. «Mais, malheureusement en cas de litige, les compagnies d’assurance vont en justice en recourant à la notion d’abus de confiance lui donnant ainsi une qualification pénale», explique Bounoual. Et d’ajouter qu’aujourd’hui, il y a des pistes d’amélioration avec le chantier de la réforme du livre VI de la loi17-99 et qu’il faut que les acteurs du secteur se réunissent pour sauver l’intermédiaire par la force de la loi.
En plus de ces problèmes, le secteur, à l’instar d’autres secteurs, a dû subir de plein fouet l’impact de la crise sanitaire. «Les intermédiaires n’ont pas fermé durant cette crise en dépit du fait que l’encaissement s’est arrêté. Ce qui a causé un manque à gagner et des pertes énormes. Ils étaient obligés d’ouvrir pour gérer les dossiers sinistres des assurés et ils devaient, par exemple, leur expliquer tant bien que mal qu’ils sont obligés decontinuer à payer leurs primes d’assurance, malgré l’immobilisation de leur véhicule», déplore le président de l’UMAC.
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