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Conjoncture : les entreprises meurent à petit feu

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La pandémie de la Covid-19 continue de faire souffrir le monde de l’entreprise. Si on n’a pas de statistiques officielles sur la mortalité des entreprises, des indicateurs émanant d’organismes privés comme Inforisk nous renseignent sur les défaillances de celles-ci et, le moins qu’on puisse dire, c’est que le nombre de celles qui périclitent petit à petit est inquiétant. Privées de revenus, asphyxiées par les dettes, empêtrées dans des problèmes de recouvrement, contrôlées par le fisc, les toutes petites, petites et moyennes entreprises (TPME) agonisent alors que les mesures gouvernementales d’appui restent insignifiantes.

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5.077 défaillances d’entreprises ont été enregistrées au cours du premier semestre de l’année en cours selon le cabinet Inforisk. 83,7% des TPME et auto-entrepreneurs étaient en arrêt total et seulement 16,3% étaient en activité partielle durant le confinement en 2020. À quelques exceptions près dans les secteurs du digital et du transport, la situation n’a pas évolué selon la Confédération des TPE-PME. C’est dire que les entrepreneurs sont dans la tourmente.

L’exécutif en est conscient, d’où la dernière décision du gouvernement Akhannouch de mobiliser un total de 13 milliards de DH (MMDH) dès ce mois de décembre pour rembourser les arriérés des crédits de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Une décision qui a été accueillie avec beaucoup de satisfaction par les patrons d’entreprises. Quoiqu’insuffisante, cette enveloppe permettra aux entreprises de disposer d’une marge de liquidités dans leur trésorerie. «Le gouvernement s’engage, à partir de l’année en cours, à assainir les arriérés des crédits TVA au profit des entreprises du secteur privé», a déclaré le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, lundi devant les députés. Homme d’affaires et ex-gestionnaire d’un grand groupe privé, Akhannouch connaît les difficultés que traversent les entreprises même si le monde de la TPME semble loin de lui. Ces dernières sont confrontées à une situation dramatique et beaucoup d’entre elles vont disparaître.

Une bouffée d’oxygène

Les entreprises marocaines vont finalement récupérer 13 MMDH de crédits TVA. Un encours qui était en souffrance depuis quelques années. Faut-il le rappeler, cet impôt indirect sur la consommation est collecté par les entreprises pour le compte de l’État. Pourquoi alors priver le tissu entrepreneurial d’une manne financière qui pourrait constituer une véritable bouffée d’oxygène pour toutes les entreprises ? Le gouvernement pourrait par exemple demander aux banques d’avancer les sommes dues dans le cadre d’une opération d’affacturage comme ce fût le cas auparavant. Quoi qu’il en soit, le message véhiculé par Aziz Akhannouch sur le fait que les entreprises doivent disposer d’importantes liquidités dans leur trésorerie afin de résister à la crise de la Covid-19 a été bien accueilli par le patronat.

Le chef du gouvernement souhaite que le secteur privé s’engage dans la dynamique de création de valeur ajoutée et d’opportunités d’emploi, et c’est l’essence même du travail mené par le patron des patrons, Chakib Alj. Pour le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), le remboursement des arriérés des crédits de TVA constitue un signal très positif aux opérateurs économiques, en particulier les TPME. «La CGEM se réjouit et félicite, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, de son annonce (…) au Parlement du remboursement, d’ici fin mars 2022, de l’ensemble du stock TVA dû au secteur privé par l’Administration…», a déclaré Alj. Cette décision, a-t-il soutenu, est aussi en phase avec les recommandations du rapport sur le Nouveau modèle de développement (NMD) et des troisièmes Assises nationales sur la fiscalité pour atteindre la neutralité de la TVA en tant que priorité économique.

Allongement des délais de paiement

Le retard enregistré dans les remboursements des crédits de TVA pour les entreprises éligibles n’est pas le seul élément qui met la trésorerie des opérateurs économiques sous pression. L’autre problème rencontré par les opérateurs privés est relatif aux délais de paiement. L’État n’est pas pressé quand il s’agit de payer ses fournisseurs. Selon la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP), relevant du ministère de l’Économie et des Finances, la moyenne des délais de paiement déclarés par l’ensemble des établissements et entreprises publics (EEP) a atteint 39,4 jours à fin septembre 2021, contre 40,4 jours à fin juin 2021. Un léger mieux grâce à la mise en place du dépôt électronique des factures pour les Administrations publiques et les Collectivités territoriales. Mais pour Abdellah El Fergui, ces chiffres sont loin de la réalité. «Je peux confirmer que pour plus de 40% des TPE-PME qui font faillite c’est à cause du retard de paiement. Il y a aussi les abus des présidents des communes, fonctionnaires ou cabinets d’études qui demandent des pourcentages ou des pots-de-vin», témoigne notre interlocuteur qui estime que le paiement d’une facture par une entité étatique peut aller jusqu’à 12 mois. Il faut savoir que la difficulté première rencontrée par les fournisseurs des EEP est relative à la validation du dépôt de facture.

Dans le privé, la loi du plus fort

Le 1er rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement publié au mois de mai dernier est consternant. Le secteur privé ne respecte pas les 60 jours fixés par la loi. À fin 2018, la banque centrale a relevé une moyenne globale de 152 jours de chiffre d’affaires (JCA) pour les délais clients, et de 105 jours d’achat (JA) pour les délais fournisseurs, soit un dépassement de 45 jours par rapport au seuil réglementaire de 60 jours fixé par la loi. Aussi, plus de 40% des entreprises marocaines se font payer dans des délais supérieurs à 90 JCA et environ un quart d’entre elles règlent leurs fournisseurs au-delà de 120 JA.

Le président de la Confédération des TPE-PME estime pour sa part que le paiement dans le secteur privé peut aller jusqu’à deux ans. «Parfois le privé ne paie pas et manque à ses engagements malgré les contrats signés en ayant recours à des failles qui se trouvent dans nos lois pour ne pas payer les toutes petites entreprises (TPE) sous-traitantes. Les moyennes et grandes entreprises se financent généralement à travers ces TPE et petites entreprises (PE). Le montant entre privés est de plus de 400 MMDH», précise El Fergui. Une situation alarmante qui interpelle la CGEM.

Dans une tentative pour résoudre ce problème, la confédération patronale a mis en place une plateforme pour tenter d’accélérer le règlement des créances en souffrance. Pour Amine Diouri, directeur des études et de la communication au cabinet Inforisk, «l’allongement des délais de paiement pose effectivement un réel problème aujourd’hui (…) Un projet de loi pénalisant les mauvais payeurs suit actuellement son circuit législatif. Nous suivons de près ce texte de loi qui permettra à l’État d’intervenir directement en sanctionnant».

Lire aussi : Délais de paiement : gare aux mauvais payeurs !

Le fisc ne lâche rien

En cette période difficile, plusieurs entreprises ont mis la clé sous le paillasson. Il est devenu courant de voir un patron d’entreprise mettre à jour son curriculum vitæ et offrir ses services sur un marché du travail déjà sinistré. Abdessamad E., ex-industriel, a voulu profiter de l’opportunité offerte par la pandémie de Covid-19. Au mois d’avril 2020, il reconvertit son usine pour fabriquer les masques de protection, mais au bout de six mois d’activité, la demande a chuté à cause d’une offre abondante. Quant aux opportunités à l’export, cela relève de la pure fantaisie selon lui. Très peu de fabricants marocains ont pu vendre leurs bavettes à l’étranger. Cependant, le coup de grâce pour ce, désormais, ex-industriel a été une procédure d’avis à tiers détenteur (ATD) malgré la conjoncture défavorable. Alors que sa société était en arrêt d’activité après la fin de la parenthèse bavettes, une saisie sur le compte bancaire a été opérée bloquant ainsi le paiement des salaires des employés.

Hormis ces problèmes de trésorerie, c’est la mort dans l’âme que les chefs d’entreprises vivent cette fin d’année 2021. Est-ce le moment pour le fisc d’activer une procédure d’ATD ou un contrôle impromptu des éléments déclarés en les comparant au train de vie de l’entreprise, ses dépenses, ses revenus ? Comment accepter une procédure de révision sur des exercices passés en ces temps de crise et qui pourrait mettre plus en péril les sociétés ? Pour certaines entreprises, c’est une année blanche en chiffre d’affaires et en salaires, mais pas en charges. Difficile pour un patron de voir son entreprise mourir dans l’indifférence totale.

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