14 décembre 1962 : l’aube constitutionnelle
Après la proclamation de son indépendance en 1956, le Maroc entre dans une période d’effervescence politique. Les luttes nationalistes, qui avaient permis de secouer le joug colonial, laissent place à de nouvelles aspirations : structurer un État moderne tout en préservant l’identité plurielle du pays. Les défis ne manquent pas : il faut réunir un territoire morcelé par le protectorat, renforcer l’autorité centrale et surtout répondre aux attentes d’un peuple avide de justice sociale et de participation politique.
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Feu le roi Hassan II, monté sur le trône en 1961, hérite de ces aspirations. Visionnaire et pragmatique, il perçoit la nécessité de doter le Maroc d’une Constitution capable de concilier la tradition monarchique avec les principes modernes de gouvernance.
La genèse du texte du 14 décembre
La rédaction de la Constitution de 1962 s’inscrit dans un processus politique complexe, dans lequel plusieurs forces politiques tentent de s’exprier. Feu le roi Hassan II joue un rôle central dans cette entreprise. Conscient du besoin de légitimation à la fois interne et internationale, il s’entoure de juristes, d’intellectuels et de conseillers politiques pour élaborer un texte des plus équilibrés.
Puis advient la définition du rôle de la Monarchie. La Constitution consacre la Monarchie comme pivot du système institutionnel marocain, tout en introduisant des éléments d’une démocratie parlementaire embryonnaire.
Promulguée le 14 décembre 1962, la première Constitution du Maroc repose sur des piliers qui traduisent les aspirations d’un pays à la fois enraciné dans ses traditions et tourné vers l’avenir.
La monarchie constitutionnelle
La Constitution de 1962 consacre le rôle central du Roi en tant qu’Amir Al-Mouminine (Commandeur des croyants) et garant de l’unité nationale. Le Roi incarne le pouvoir exécutif suprême tout en jouissant de prérogatives étendues, notamment en matière de diplomatie, de défense et de nomination des hauts fonctionnaires.
La séparation des pouvoirs
Le texte introduit une répartition formelle des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Le Roi nomme le premier ministre, le parlement est élu au suffrage universel indirect. Le système judiciaire, quant à lui, est proclamé indépendant, bien que sous la tutelle du Monarque en tant que garant suprême de la justice.
Les libertés fondamentales
La Constitution de 1962 établit un cadre pour les droits et libertés des citoyens, notamment la liberté d’expression, d’association et de réunion. Ces principes, bien qu’innovants, restent soumis à des restrictions dans un contexte où la primauté de l’ordre public est fortement mise en avant.
L’unité et l’identité nationale
Le texte affirme l’attachement du Maroc à son identité arabo-islamique tout en reconnaissant la diversité culturelle du pays.
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L’adoption de la Constitution par voie référendaire, le 7 décembre 1962, avant sa promulgation, suscite des réactions favorables et parfois contrastées du côté gauchiste. Le taux élevé de participation, officiellement de 84% et le large soutien au texte traduisent l’adhésion d’une partie de la population à ce nouveau cadre institutionnel. Pour beaucoup, il s’agit d’un moment historique, témoignant de la maturité politique du Royaume.
La Constitution de 1962 constitue indéniablement un jalon fondateur dans l’Histoire du Maroc moderne. En posant les bases d’un État de droit, elle marque une rupture avec le système traditionnel et amorce un processus de modernisation institutionnelle. Ce texte ouvre la voie à une réflexion continue sur la gouvernance et la participation politique au Maroc.