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Mariage des mineurs : la société civile monte au créneau

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Malgré leur interdiction, les mariages des mineurs continuent de se multiplier au Maroc. Près de 20.000 demandes d’autorisation en dérogation ont été reçues par les tribunaux durant l’année 2020 et les deux tiers ont été acceptées. Une situation inquiétante qui alerte la société civile. Le point avec Mehdi Alioua, sociologue et militant associatif.

Le nombre de mariages des mineurs reste toujours très élevé au Maroc. Malgré une légère baisse par rapport à l’année 2019, les chiffres dévoilés mardi 23 novembre par Moulay El Hassan Daki, procureur général du Roi prés la Cour de cassation et président du Ministère public, restent inquiétants. 19.966 demandes d’autorisation de mariages ont été présentées en 2020, dont 13.335 ont été acceptées, soit 66,7% du total des requêtes.

Moulay El Hassan Daki a déclaré que ce phénomène est «préoccupant et dépasse l’exception». Il faut savoir que l’âge légal pour se marier au Maroc est de 18 ans, mais la Moudawana prévoit des dérogations pour des cas « exceptionnels ».

Lors de son intervention durant une journée d’étude sur l’abandon scolaire, tenue au siège de la préfecture de Ben Guérir, le président du Ministère public a déclaré que «la réalité a engendré une situation qui n’est pas suffisamment conforme à la philosophie du législateur, qui a voulu faire de ce mariage une exception dans ses limites les plus étroites».

Il estime également que «les juges ne sont pas responsables du nombre considérable de demandes visant à marier des mineurs, car c’est lié à un ensemble de facteurs socioculturels et économiques».

«La culture, la pauvreté et la quête de liberté»

Contacté par nos soins, Mehdi Alioua, sociologue et militant associatif, note que les chiffres ne traduisent pas la réalité de la situation. «Il y a différentes raisons qui expliquent ce fléau. La culture, la pauvreté et la quête de liberté sont les plus prépondérantes», souligne notre source. Et d’ajouter : «Dans certaines régions, les familles continuent de marier leurs enfants très jeunes à travers des relations inter-familiales. Malgré le fil du temps et les années, cette pratique n’a pas disparu et continue d’être omniprésente dans les traditions marocaines».

Lire aussi :La crise sanitaire engendrerait le mariage de 10 millions d’enfants

Interrogé sur les moyens de lutter contre ce phénomène social, Mehdi Alioua estime que l’amélioration de la qualité de vie pourrait être un élément décisif dans cette lutte. «Une sécurité sociale, un accès à la santé, à la retraite, la garantie d’un revenu minimum d’invalidité en cas de maladies, d’accidents graves..etc. Tout cela pourrait se présenter comme une solution qui mènerait à moins de mariage des mineurs», souligne notre intervenant.

Ce dernier précise que l’idée du couple est récente dans la société marocaine. «Dans plusieurs endroits, on ne conçoit pas deux personnes qui sortent ensemble sans être mariées. Aujourd’hui, dans le milieu urbain, le cas est différent même si la famille reste présente et suit de près le couple», expliqueMehdi Alioua.

Des chiffres trompeurs

Selon le ministère de la Justice, les cas de mariage de mineurs sont en forte baisse depuis quelques années. 33.489 actes de mariage de mineurs avaientété enregistrés en 2014, contre 30.230 en 2015, 27.205 en 2016 et 20.738 actes en 2019.

Cependant, ces chiffres ne refléteraient pas la réalité du terrain. Selon plusieurs associations, ces statistiques ne concernent que les mariages autorisés par les juges dans les tribunaux. Ils ne recensent pas les mariages à la fatiha qui représenteraient environ 10% des mariages enregistrés à l’échelle nationale, selon une étude sur le mariage des mineures au Maroc commanditée par « Droits et Justice » en 2019.

Lire aussi :Mariage des mineures : l’accélération de l’amendement de la loi s’impose

Les associations qui luttent contre ce fléau s’accordent à dire que l’éradication du mariage des mineurs doit faire preuve d’une réelle volonté politique et d’une modification du Code de la famille. Les militants appellent à supprimer les articles 20, 21 et 22 de la Moudawana et à œuvrer pour la promotion et la gratuité de l’enseignement et de la formation professionnelle obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans. Des mesures qui permettraient aux mineurs de développer leurs compétences et assurerleur avenir économique et social.

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