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Fouzia Marouf : «Rock, décomplexée, la jeunesse iranienne crée son propre mode de vie»

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Loin des préjugés ambiants, «PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran» est un solo show consacré au quotidien de la jeunesse iranienne. Signé par le photographe marocain Youness Miloudi, cette série inclassable nous embarque dans une déambulation libre, rock et incarnée qui se tient du 3 au 20 novembre à la galerie Nouchine Pahlevan à Paris (parallèlement à Paris Photo). Entretien inspiré avec la curatrice, Fouzia Marouf.

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LeBrief : Vous êtes à l’origine de l’exposition «PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran» signée par Youness Miloudi, quelle est la genèse de ce solo show?

Fouzia Marouf : Je suis avec intérêt et attention le travail de ce photographe depuis plusieurs années. Nous nous sommes rencontrés lors d’un reportage que je menais à Tanger. C’était un événement exclusivement dévolu au 8eart axé sur la zone Afrique du Nord et qui réunissait des photographes documentaires issus d’Algérie et du Maroc. Certains sont basés en Europe, d’autres sur le continent africain. D’emblée, les travaux et la démarche de Youness Miloudi m’ont interpellé: sa curiosité pour la jeunesse iranienne et son inclination pour l’humain puisqu’il a sillonné plusieurs continents afin de réaliser ses différents projets. Nous avons poursuivi nos échanges à Paris. De plus, avant d’être curatrice, mon premier métier de cœur est le journalisme. J’ai été très réceptive à son regard et à la teneur humaine qui traverse son art. Il était naturel de l’inviter à présenter ce solo show concernant une région dont la population et les mœurs sont méconnues, trop souvent perçus par le prisme géopolitique ou encore religieux. J’ai conscience qu’il n’est pas aisé d’exposer de la photographie documentaire, medium qui ne répond pas à certains codes commerciaux mais j’ai pris ce risque et je l’assume. Aussi, c’est à une nouvelle génération de photographes documentaires qu’est consacrée l’exposition «PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran». A fleur de vérité, Youness Miloudi, porte un regard dénué de préjugés sur un pan de la jeunesse iranienne, forte d’une civilisation millénaire. Mûri, rêvé, pensé, son projet ponctué de nombreux voyages à Téhéran, a été façonné au fil de plusieurs années tel un conte urbain. Chaque image interpelle notre perception visuelle. Son approche spécifique questionne les potentialités et la matérialité de la photographie. Cette série inclassable milite en creux, sur plusieurs fronts contre la tyrannie des pensées: le 8eArt, incarnant dès lors, un ultime signe de contre-pouvoir.

Que vous inspire cette thématique, liée à la jeunesse et à la liberté?

Elle aborde la jeunesse, le meilleur baromètre en termes d’expression, de vitalité et de liberté aux quatre coins du monde! Si photographier c’est écrire avec la lumière pour révéler l’intime, l’insondable, aux lisières des frontières et de l’identité, les travaux de cet artiste distillent un goût pour les images vraies. Jouant avec les limites de la matière photographique, il structure ses portraits afin de mieux convoquer l’inconscient et nous embarque au cœur des méandres de la métropole iranienne. Il pose à travers sa mise en perspective, les différents visages de Téhéran: lumineux, jouissifs, nocturnes… Comme autant de personnages propres à une narration contemporaine pour mieux nous conter «PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran» (2017-2018), alliance subtile qui met en lumière des protagonistes à mi-chemin entre Persepolis et California. Tiraillés entre tradition et modernité. Nous déambulons au rythme du pouls battant de Téhéran, tentaculaire, fascinante, portée par une jeunesse éprise de vie qui dicte ses codes, ses préoccupations et ses envies de liberté. Ses 25 photographies prennent la mesure d’un aperçu de la vie quotidienne dans l’une des régions les plus méconnues de la planète. Ces jeunes flirtent, font la fête, pratiquent leur art et tentent de vivre pleinement comme n’importe où ailleurs. Nous sommes au plus fort de l’esprit underground, la marge: emblématique de cette jeunesse, emplie de vitalité qui compose, détourne les nombreux parfums d’interdits. Rock, décomplexée, elle crée un mode de vie qui lui est propre. Nous sommes témoins de cette énergie effrénée, ce monde traversé par la fureur de rire, de vivre, de créer. Au-delà de la dimension esthétique, cette série démontre que ces jeunes sont habités au quotidien par la conviction de leurs idéaux. Et, mon rôle de curatrice est de raconter une histoire avec cette matière à la fois spécifique et universelle afin de proposer une expérience sensible, sensorielle au public, à la profession ou encore à la critique.

Comment le public parisien a accueilli cette exposition?

Très enthousiaste ! Pétri de questionnements sur l’Iran, les visiteurs avouent qu’ils ont toujours souhaité s’y rendre sans oser le faire. Les femmes sont particulièrement réceptives à la photographie que nous avons choisie en guise d’affiche: le portrait d’une jeune street artiste qui tient une bombe aérosol, inspirée, inscrite dans l’action au plus fort de son art. Une femme qui n’est pas issue de la profession ou de la critique m’a confié qu’elle lui inspirait la liberté. Un plasticien, m’a confiéà ce titre: «j’aime la mèche toute en courbe évoquant la liberté, le mouvement et le geste de l’artiste. La main gantée avec la bombe, très street art, renforce cette impression. Ça contraste avec le nom Téhéran qui en France, du peu que l’on en connaît, sonne comme un symbole d’oppression, plus encore envers les femmes» (Sic). Cela démontre qu’il y a toujours une vie parallèle, un besoin de création à l’ombre de tous les interdits, souvent exprimé par la marge, l’underground. C’est quand on souffre, qu’on crée dans l’urgence avec ses tripes et sa rage. Quel chef d’œuvre est né du confort bourgeois? Balzac a signé La Comédie Humaine en écrivant la nuit à coup de café pour échapper à ses créanciers, il avait même scié les pieds de ses meubles pour qu’ils ne soient pas emportés par les huissiers à ses trousses. Khaled n’a jamais réalisé un album aussi puissant que Kutché, avec le compositeur Safy Boutella, ils étaient jeunes, habités et aux abois. Chaïbia, a créé son grand œuvre en découvrant la frénésie du monde hors du Maroc. Quant à Baya, dont l’art a impressionné et inspiré Picasso, elle s’est aussi extraite de son univers traditionnel en prenant son envol, loin de sa terre natale, l’Algérie.

Pour revenir à PerseFornia, ses images frappantes, réalistes, saisissent le changement: le mouvement, les cris de liberté et les envies d’ailleurs. Pluralité des visages, mouvement des corps, mains en action, ces hommes, ces femmes, révélés au fil d’une nouvelle écriture, incarnent une part du miroir de l’Iran contemporain, montré au grand jour par un artiste humaniste. Youness Miloudi, donne à voir à travers «PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran», des clés de compréhension au plus fort de problématiques humaines, animé par l’authenticité de son approche artistique et d’un récit alternatif. Traité avec force et sincérité, «PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran», ravive les mémoires, éveille les consciences et je l’espère, fédérera tous les publics. Ce serait formidable, si cette exposition photographique dédiée à la jeunesse iranienne voyageait au-delà de Paris: à Casablanca, à Dakar, à Alger, à Istanbul ou encore à Buenos Aires!

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