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Le Brief: Le gouvernement a pris récemment des décisions qui n’ont pas été sans impact sur le secteur touristique: suspension des liaisons avec des marchés européens émetteurs de touristes, instauration d’un pass vaccinal obligatoire, annulation de l’assemblée générale de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), maintien des mesures restrictives… Comment la profession a-t-elle réagi face à ces décisions?
Wissal El Gharbaoui: La profession a été très surprise et stupéfaite des décisions qui ont été prises à la dernière minute et de manière inattendue. Je tiens avant tout à rappeler que la Confédération nationale du tourisme (CNT) ne conteste pas ces décisions, la sécurité des Marocains et des visiteurs demeurant la priorité absolue. Nous nous y inscrivons sans aucune réserve. Mais, ce que nous demandons c’est que nous soyons au moins associés à ces décisions et mesures afin de nous y préparer et gérer sereinement leur déploiement. Je rappelle que la CNT et l’ensemble des opérateurs du secteur ont été les premiers à demander la mise en œuvre d’un parcours sanitaire qui inclurait non seulement le pass vaccinal, mais en même temps la priorisation de la vaccination pour les travailleurs du secteur touristique justement pour éviter d’être pénalisé par un risque sanitaire qui empêcherait ou retarderait la prise de service et la reprise du travail.
Certains s’attendaient à un allégement des mesures restrictives après l’instauration du pass vaccinal obligatoire…
Effectivement, il se trouve que cette décision de mise en place du pass vaccinal n’est pas venue en substitution des autres mesures restrictives, mais elle est venue en plus de ces mesures. À quoi sert alors cette décision si on maintient le couvre-feu à 23h, l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la fin de l’année et les restrictions sur les capacités des établissements. C’est inexplicable et extrêmement pénalisant pour l’industrie touristique. Les pertes se chiffrent à plusieurs milliards de DH et vont continuer à s’accumuler. Les conséquences seront extrêmement fâcheuses sur le secteur.
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Comment la suspension des liaisons aériennes avec certains pays retardera-t-elle la reprise du secteur?
Ces décisions lourdes ne se prennent pas à la dernière minute, car elles sont difficiles à mettre en place dans des délais aussi courts. La fermeture de liaisons aériennes suppose que l’on puisse recenser ceux qui sont dans les pays concernés, les rapatrier et regarder aussi au niveau des engagements pris avec la clientèle qui a déjà réservé pour les vacances d’hiver. Cette clientèle n’est pas encore en nombre suffisant, mais elle constitue néanmoins un premier signal de reprise que nous attendions tous avec enthousiasme vu l’amélioration de la situation sanitaire. On a été violemment surpris et nous redoutons les conséquences comme les demandes de remboursement et de dédommagement de la clientèle. Ceci viendra aggraver une situation déjà désastreuse. Il faut que quelqu’un nous explique comment les entreprises vont pouvoir faire face à cette grogne de leur clientèle. Ceci sans parler de l’impact sur l’image et la crédibilité de la destination Maroc. Personne ne voudra maintenant prendre le risque de programmer son voyage au Maroc, car on prend des décisions hâtives sans qu’on laisse le temps aux opérateurs de se préparer. C’est malheureux pour une industrie déjà mise à genoux depuis plus de 20 mois.
Qu’en est-il de la décision d’annulation de l’assemblée générale de l’OMT, qui était prévue début novembre à Marrakech? Est-elle justifiée?
C’est avec une très grande inquiétude et surprise que la profession a accueilli cette décision inattendue d’annulation. Nous ne trouvons aucune explication ou justification. Nous sommes dans une situation sanitaire stable. D’ailleurs, plusieurs responsables gouvernementaux qui participent à différents grands événements internationaux ont vu que leur organisation se passe de manière fluide et sans contraintes. Pourquoi ces pays peuvent organiser ces événements et pas nous? Je me pose la question. La frustration est d’autant plus importante que cette assemblée générale de l’OMT aurait été l’occasion de donner un signal fort d’amorçage de reprise qui aurait permis de passer une saison d’hiver respectable et commencer à préparer 2022 pour pouvoir sortir enfin de cette triste réalité du secteur.
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Le contrat-programme signé avec l’Etat l’année dernière peine encore à voir le jour. Pourquoi ce retard?
Permettez-moi d’abord de vous rappeler le poids du secteur. Le tourisme représente aujourd’hui 11% du PIB, 1,5 million d’emplois directs et 20% des exportations. Ce secteur stratégique pour l’économie du pays a été mis à l’arrêt depuis plus de 20 mois à cause de décisions administratives liées à une situation légitime. Maintenant, il faudra réfléchir, ensemble et de manière responsable, à des mécanismes de soutien financier pour compenser les opérateurs de ce secteur. Le contrat-programme devait répondre à cette problématique. Il a été élaboré le 6 août 2020 avec 22 mesures, dont une seule a été déployée, celle liée au versement de l’indemnité forfaitaire de 2.000 DH pour les salariés du secteur. Déjà cette indemnité a mis beaucoup de temps et de complication pour son déploiement, mais s’est arrêtée depuis le 30 juin, alors que l’activité était encore à l’arrêt. Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’opérateurs sont en crise et sans réponses. Je ne vous cache pas que la situation est dramatique. Il y a eu des drames humains et sociaux qui se sont produits à la suite de cette crise qui n’a fait que trop durer. Le problème c’est que non seulement cette crise ne donne pas de visibilité, mais que les pouvoirs publics ne donnent pas de compensation et ne tentent pas d’équilibrer la casse économique qu’a subie le secteur. Nous nous posons de réelles questions sur la volonté de faire sortir le secteur de la crise.
Avez-vous été, comme formulé dans le contrat-programme, accompagnés par le secteur bancaire?
La CNT a lancé une enquête de conjoncture dont les résultats sont en cours de consolidation, mais dont les premiers chiffres sont extrêmement inquiétants. Près de 78% des entreprises du secteur n’ont pas pu bénéficier des produits bancaires mis en place dans le cadre du contrat-programme, à savoir les dispositifs Damane Relance et Damane Oxygène, car toutes les conditions exigées sont dissuasives au lieu que l’on soit dans une démarche de facilitation. C’est triste et dangereux pour la stabilité du tissu économique. Lorsqu’on voudra relancer la machine économique, on ne trouvera plus d’entreprise pour le faire. La résilience de ce secteur est liée à notre capacité à rester en vie même si nous sommes encore en apnée, jusqu’à ce que nous puissions re-respirer par nous-mêmes. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’accompagner ce secteur jusqu’à ce qu’il puisse marcher tout seul. Ce n’est pas fait. Deuxièmement, à peu près 26% de nos entreprises pensent changer de métier à l’issue de cette crise. C’est une perte en termes de ressources humaines, de valeur ajoutée et de compétitivité.
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Quelles sont vos principales revendications?
L’indemnité de la CNSS s’est arrêtée alors que nous étions en pleine crise. Nous demandons à ce que cette indemnité puisse être reconduite depuis le 1er juillet 2021 et qu’elle soit versée jusqu’au moment où on aura cristallisé une véritable reprise, au minimum au mois de mars 2022. Nous demandons à ce qu’il y ait une intervention urgente et rapide concernant le traitement du passif fiscal de 2020 et 2021. C’est absolument anormal de payer des taxes alors que la plupart réalisait zéro dirham de chiffre d’affaires. La taxe professionnelle a été exigée aux opérateurs en pleine période d’arrêt de travail. L’Etat et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) se sont engagés sur plusieurs mesures. Malheureusement, elles sont restées sur le papier et n’ont pas été déployées. C’est absolument impensable que l’on continue de rester dans cette situation de flottement. Il est nécessaire, urgent et vital que l’on ait des réponses claires et des solutions à la mesure de la crise que nous traversons. Tout ce que nous demandons, c’est de construire ensemble avec les pouvoirs publics les solutions les plus adaptées qui ne peuvent en aucun cas être des solutions à minima, car la crise est majeure.
Vous avez réclamé une réunion avec le Comité de veille économique (CVE). A-t-elle été finalement tenue?
Le Comité de veille économique ne s’est plus réuni depuis plusieurs mois. On dirait que tout va très bien que le CVE n’a plus besoin de se réunir. En tout cas, chez nous, des entreprises agonisent toujours et une grande partie des établissements hôteliers, soit près de 80%, sont toujours fermés. Nos responsables ne sont pas vraisemblablement conscients que ce secteur est en train d’être achevé. Une mobilisation plus prononcée, plus visible et plus audacieuse est nécessaire et elle est fortement réclamée par les opérateurs pour que l’on puisse avancer.
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Avez-vous rencontré la nouvelle ministre du Tourisme ?
Nous espérons la rencontrer au début du mois de novembre. J’espère que cela se fera dans de bonnes conditions, même si je trouve que la date de cette rencontre est tardive au vu de l’urgence de la situation.
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