Promulguée depuis 2005 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la journée mondiale du don d’organes et de la greffe a lieu chaque année le 17 octobre. L’idée de cette journée mondiale est partie d’un constat alarmiste : il n’y aurait en moyenne qu’un organe disponible pour une demande trois fois supérieure.
Des milliers de personnes sont atteintes de maladies pour lesquelles il n’existe pas encore de traitements efficaces permettant de les guérir. Au stade terminal, quand ces maladies affectent des organes vitaux comme le cœur, les poumons, le foie, les reins, le pancréas, les intestins, le patient atteint ne peut plus échapper à la mort. La décision de faire un don d’organes et de tissus est ainsi un cadeau très précieux empreint de générosité. Les personnes qui ont subi une transplantation d’organe se voient offrir une deuxième chance de vivre une vie saine et productive, et de retrouver leur place auprès de leurs amis, leur famille et leur communauté.
Scientifiquement, cette pratique consiste à prélever chirurgicalement un organe ou un tissu sur une personne (le donneur d’organes) et à le placer sur une autre personne (le receveur). La transplantation est nécessaire parce que l’organe du receveur est défaillant ou a été endommagé par une maladie ou une blessure. Le don d’organe en vue d’une transplantation peut être envisagé lors du décès de la personne ou de son vivant.
Une pratique bien encadrée
Les opérations de transplantation d’organes et de tissus humains ont connu une évolution remarquable au Maroc. Les hôpitaux militaires et les centres hospitaliers disposent des moyens techniques nécessaires et de ressources humaines qualifiées. Les progrès spectaculaires réalisés dans le domaine des sciences de la vie (médecine, biologie, génétique) ont renouvelé la réflexion sur les relations entre les comportements humains et les normes juridiques. L’individu peut ainsi disposer de son corps, sous réserve de ne pas porter atteinte à sa condition d’être humaindigne.
Désormais, le corps humain a trouvé son application utilitariste dans la société notamment avec l’essor de la transplantation. Cette pratique est régie au Maroc par un cadre légal. Il s’agit de la loi n° 16-98 relative au don, au prélèvement et à la transplantation d’organes et de tissus humains. L’article 2 de cette loi entend par organe humain l’élément du corps humain pouvant se régénérer ou non ainsi que les tissus humains à l’exclusion de ceux liés à la reproduction. Cette loi détermine deux types de dons d’organes, celui accompli par une personne vivante et celui accompli sur une personne décédée. Elle est soumise à trois grands principes : le consentement présumé, la gratuité du don et l’anonymat entre le donneur et le receveur.
Il faut savoir que dans toutes les législations contemporaines, le consentement du représentant légal est exigé. Cependant, cela ne suffit pas, le consentement de l’incapable est également requis chaque fois qu’il manifeste la faculté de discernement. Son opposition exclut même tout prélèvement comme en France, auCanada et en Finlande.
Concernant la gratuité, le don d’organes est un acte de générosité et de solidarité entièrement gratuit. La loi interdit toute rémunération en contrepartie de ce don. Enfin, le nom du donneur ne peut être communiqué au receveur, et réciproquement. La famille du donneur peut toutefois être informée des organes et tissus prélevés ainsi que du résultat des greffes, si elle le souhaite.
Quelle est la procédure ?
La loi actuelle reprend les grands principes de la loi française Caillavet de 1976, en lui apportant des modifications contenues dans les lois de bioéthique de 1994 relatives à la question des prélèvements dans un but scientifique avec un rôle important pour la famille des défunts. Pour devenir donneur, la procédure est simple. Il suffit de faire la demande auprès du président du Tribunal de première instance de la ville de résidence et de signer le registre de donneurs. Ensuite, une carte d’inscription sur le registre des donneurs d’organes est mise à la disposition du donneur. Dans le cas de la personne vivante, le donneur doit également exprimer son consentement au prélèvement devant le président du tribunal de première instance compétent. Le législateur marocain a conditionné le prélèvement par l’intérêt thérapeutique d’un receveur déterminé (article 9). Il s’agit notamment des ascendants, descendants, frères, sœurs, oncles, tantes du donneur ou leurs enfants. Le lien de parenté entre le donneur et le receveur prévu au premier alinéa du présent article doit être prouvé. Dans le cas d’un prélèvement effectué dans l’intérêt du conjoint du donneur, le mariage doit être contracté depuis une année au moins.
S’agissant du prélèvement d’organes sur une personne est décédée, l’article 13 stipule que «toute personne majeure jouissant de ses pleines capacités peut, de son vivant, et selon les formes et conditions prévues à la présente section, faire connaître sa volonté d’autoriser ou d’interdire des prélèvements d’organes sur sa personne après son décès, ou de certains d’entre eux seulement». La déclaration du donneur potentiel est enregistrée auprès du président du tribunal de première instance compétent à raison du domicile du donneur, ou du magistrat spécialement désigné à cet effet par le président, explique l’article 14 de ladite loi. Cette déclaration est reçue sans frais après que le magistrat se soit convaincu de la volonté libre et éclairée du donneur potentiel et, notamment, se soit assuré que le legs est effectué gratuitement et au seul profit d’un organisme habilité à recevoir les dons d’organes.
La personne qui entend, de son vivant, effectuer un prélèvement sur son cadavre doit informer sa famille et ses proches de sa décision. Et si son nom n’est pas inscrit dans le registre du tribunal, la famille peut malgré cela donner l’autorisation au médecin de greffer la personne concernée. La décision finale revient à la famille quand le donneur n’a pas indiqué son refus dans le registre. Le refus peut être exprimé par une déclaration reçue par le président du tribunal – ou le magistrat désigné à cette fin – compétent stipule l’article 15.
Avant de procéder à une transfusion, il est primordial qu’il y ait compatibilité entre le donneur et le receveur. On pense souvent, à tort, qu’avoir le même groupe sanguin et le même rhésus que quelqu’un en attente de greffe suffit à pouvoir lui donner un organe. Pourtant, la réalité est un peu plus compliquée. Les facteurs peuvent inclure le type de sang, l’état immunitaire ou encore la distance géographique entre le donneur et le receveur. En revanche, le sexe, l’âge ou le niveau du revenu ne sont jamais pris en compte.
Quand le receveur est sélectionné, une équipe chirurgicale se déplace à l’hôpital pour greffer l’organe. L’organe est alors transporté dans un véhicule spécialement équipé dans des conditions d’hygiène et de traçabilité de températures et la chirurgie a lieu dans une salle d’opération à environnement stérile.
Une pénurie
La transplantation d’organes est l’une des grandes avancées de la médecine moderne. Le Maroc n’a adopté une loi en la matière qu’en 1999. Néanmoins, la pratique demeure très timide. Cet acte humanitaire reste très peu pratiqué au Maroc, 20 à 25 greffes seulement sont réalisées chaque année, ce qui est trop peu comparé aux besoins. En effet, le besoin de donneurs d’organes est beaucoup plus important que le nombre de personnes qui font des dons. De plus, la probabilité d’avoir un jour besoin d’un organe est nettement supérieure à celle de devenir un jour donneur d’organes. Selon les statistiques de l’Association marocaine de lutte contre les maladies rénales, «seules 1100 personnes, dont plus de 700 à Casablanca, se sont inscrites aux registres de don d’organes après la mort, mis à la disposition des volontaires au niveau des différents tribunaux de première instance du Royaume». De plus, depuis 1986, le Maroc n’a effectué que «630 greffes rénales, dont 60 à partir de sujets en état de mort encéphalique, soit environ 17 greffes par million d’habitants depuis 1990». À titre de comparaison, en une année, plus de 5.000 greffes ont été réalisées en France et en Espagne tous organes confondus. Soulignant que plus de 32.000 Marocain(e)s souffrent d’insuffisance rénale, l’association a appelé à agir pour sauver ces «personnes qui décèdent chaque jour par manque d’organe».
Ainsi, bien qu’elle soit une procédure simple qui répond au noble objectif de sauver des vies humaines, cette pratique n’est pas ancrée dans l’esprit des Marocains, étant donné les obstacles qui entourent la conception du corps humain. La stagnation de la pratique au Maroc est due aussi à l’organisation de son système de santé qui se penche sur une médecine préventive et non curative.
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