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Espagne : le feuilleton judiciaire de Brahim Ghali n’est pas fini

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Un vice de procédure permet à la justice espagnole de rouvrir l’enquête pour génocide visant le chef du Front Polisario, Brahim Ghali. Le dossier avait été classé fin juillet suite au non-lieu prononcé par le juge Santiago Pedraz le 29 juillet. L’affaire concerne la plainte déposée par l’Association sahraouie pour la défense des droits de l’Homme (ASADEDH). Le leader séparatiste fait l’objet d’une autre plainte, toujours en cours, déposée par le dissident polisarien Fadel Breika.

«L’Audience nationale a révoqué le non-lieu dicté par le juge Santiago Pedraz», a indiqué la justice espagnole dans un communiqué, évoquant plusieurs erreurs de procédure. Fin juillet, un juge avait classé l’affaire qui portait sur des « faits présumés commis contre des citoyens marocains entre 1975 et 1990« , estimant qu’ils étaient prescrits, que «la commission du délit de génocide n’était pas établie, et que les témoignages des témoins contredisaient les affirmations contenues dans la plainte», déposée en 2008. Les magistrats ont expliqué que les crimes signalés par l’ASADEDH (génocide, blessures, détention illégale, terrorisme, torture et disparitions) «sont punis de peines qui dépassent la limite objective de la procédure abrégée». Ainsi, ils ont indiqué qu’il aurait fallu suivre le cours de la procédure ordinaire puisque la plainte relève de la chambre criminelle, et non du juge d’instruction. Àce titre, ils ont ordonné la révocation du non-lieu décidé par le juge Pedraz le 29 juillet dernier. En ce sens, la chambre a souligné que la procédure doit être adaptée pour que, plus tard, «des décisions appropriées soient rendues concernant la conclusion du résumé avec ou sans poursuite de Brahim Ghali».

Lire aussi :Brahim Ghali devant la justice espagnole : ce qu’il risque

L’objet de la plainte de l’ASADEDH

L’association a en fait porté plainte contre plus d’une vingtaine d’agents du Front Polisario et de la sécurité algérienne qu’elle accuse d’avoir commis de graves violations des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf de 1975 à 1990. Concrètement, l’ASADEDH a dénoncé un nettoyage ethnique contre les minorités tribales (Tekna, Aitusa, Yegutt) et contre les habitants du Sahara. Pedraz a pris la décision de classer l’affaire pour insuffisance de preuves sur la participation de Brahim Ghali en personne aux abus. Il a aussi souligné des contradictions dans le rapport des plaignants et un manque de précision dans les témoignages sur l’implication de Ghali.

Par ailleurs, le magistrat espagnol avait estimé que la responsabilité pénale pour ces crimes allégués est expirée, car le Code pénal applicable (celui de 1973) qui institue une prescription de 20 ans, largement dépassée. Enfin, le juge espagnol a argumenté sa décision par le fait queles comportements exposés dans la plainte n’intègrent pas tous les éléments du crime de génocide. Ladite plainte parlant de minorités, le juge a refusé d’aller plus loin dans cette direction arguant qu’«il n’y a aucune trace de ces sous-groupes» dans lesquels les plaignants répartissent les habitants du Sahara.

La plainte de Fadel Breika

Cependant, l’ASADEDH n’est pas la seule plaignante contre Ghali devant la justice espagnole. Pedraz a entre les mains un autre dossier présenté par le dissident du polisario qui porte la nationalité espagnole, Fadel Breica. Ce dernier a déposé plainte contre Ghali pour les tortures qu’il aurait subies dans les camps de Tindouf en 2019. Selon Breika, après qu’il ait organisé des manifestations contre les dirigeants du polisario à Tindouf, il a été arrêté et transféré dans un centre de détention clandestin où il aurait été battu et électrocuté, entre autres pratiques. Cette seconde plainte était en stand-by dans l’attente d’un dernier témoin, un homme qui avait été détenu dans la même prison que Breika et qui pourrait rendre compte des violations des droits humains.

Lire aussi :La justice espagnole laisse Brahim Ghali en état de liberté

Enquête sur l’entrée et la sortie de Ghali

À l’issue de l’audition de Brahim Ghali le 1er juin dernier par visioconférence depuis l’hôpital de Logrono où il se faisait soigner, le juge de l’audience nationale n’a prononcé aucune mesure à l’encontre du chef du mouvement séparatiste. Ignorant les doléances des victimes, notamment espagnoles, le juge n’a donné aucune suite aux plaignants qui ont réclamé la confiscation du passeport de ce criminel et sa détention provisoire. Rien n’empêchait donc ce dernier de quitter l’Espagne, en toute quiétude, de la même manière qu’il y est entré ou plutôt à visage découvert, puisqu’aucune charge n’a été retenue contre lui. C’est d’ailleurs ce qu’il fera quelques heures plus tard à bord d’un avion affrété par le gouvernement algérien.

Lire aussi :L’affaire Brahim Ghali divise les politiques en Espagne

Cette affaire a créé une crise diplomatique grave entre Rabat et Madrid. Qui a ordonné l’entrée puis la sortie de Brahim Ghali en Espagne en violation totale des procédures en vigueur? Le président du tribunal d’instruction numéro 7 de Saragosse, Rafael Lasala, étudie s’il y a eu collusion dans l’entrée et la sortie de Ghali d’Espagne. Le magistrat a convoqué pour le 4 octobre prochain l’ancienne ministre des Affaires étrangères Arancha González Laya à témoigner en tant qu’accusée. D’autres responsables politiques ou administratifs seront également entendus comme l’ex-secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères, la directrice de cabinet du ministre de l’Intérieur ou encore la directrice de la « Fabrique nationale de la monnaie et du timbre », une structure chargée de fabriquer les passeports. Nous y reviendrons.

Lire aussi :Affaire Brahim Ghali : l’ex-cheffe de la diplomatie espagnole sera auditionnée le 4 octobre

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