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Les Kennedy et les Bush aux États-Unis, les Trudeau au Canada, les Debré en France ou encore les Ghandi-Nehru en Inde… Partout dans le monde, des familles ont accédé au pouvoir au fil des générations.Avecla succession politique de père en fils en Afrique, les républiques sont devenues héréditaires. Cephénomène héréditaire des dynasties politiques n’est pas un signe de bonne santé de la démocratie au niveau continental, il ne l’est pas non plusdans le cas marocain. Le fait d’avoir les mêmes noms qui reviennent peut conduire à une lassitude des électeurs et à une perte de confiance dans la pratique politique.
Les origines
Au Maroc, l’histoire des familles constituant l’élite «savante»remonte au XVIIe siècle.Sous le règne du sultan Moulay Ismaïl, la famille El Fassi prend position dans le cercle du pouvoir. Elle le restera jusqu’à nos jours mêmesi d’autres familles comme les Bensouda au XVIIIe siècle, les Guennoun et les Mernissi au XIXe siècle, ont émergé. Mais la famille El Fassi va prendre le dessus aux abords des années 1910, quand deux El Fassi, Abbas et Abdellah, respectivement Grand vizir et ministre des Affaires étrangères, sous la supervision du sultan Moulay Abdelhafid, négocient l’accord du Protectorat. Quelques décennies plus tard, la famille El Fassi se place en première ligne de l’opposition à la France coloniale. Les El Fassi brilleront à travers le Manifeste de l’indépendance et la création du Parti de l’Istiqlal avec Allal El Fassi, Mohamed El Fassi et Malika El Fassi.
La saga se poursuivra après l’indépendance quand les El Fassi occuperont des postes-clés dans les hautes sphères de l’État. Ali Behaddou, auteur d’un livre « Maroc : les élites du Royaume »édité en 1997, révèle que «sur 339 hommes de pouvoir âgés de 30 à 70 ans et représentant 50 familles les plus riches du Maroc, 17% sont mariés avec leurs cousines parallèles. 69% d’entre eux ont contracté un mariage communautaire, une forme déguisée de l’endogamie parentale».
Les El Fassi en sont le parfait exemple. L’ex-secrétaire général de l’Istiqlal, Abbas El Fassi, n’est autre que le cousin et gendre de Si Allal El Fassi, fondateur du parti. La fille de Abbas El Fassi est mariée à Nizar Baraka, actuel secrétaire général du parti de la balance. Les El Fassi sont également des cousins de Taïeb Fassi Fihri, ex-ministre des Affaires étrangères et frère de Ali Fassi Fihri, ex-directeur général de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), qui est le mari de Yasmina Baddou, ex-ministre de la Santé, fille de feu Mohamed Baddou qui était membre du Comité exécutif de l’Istiqlal. Sans oublier Abdelouahad El Fassi, l’autre ex-ministre de la Santé, fils du leader Allal El Fassi.
Cette particularité n’est pas propre à la famille El Fassi. D’autres familles ont fait une montée fulgurante dans les années 1960, 1970 et 1980 comme Benhima, Douiri, Radi, Filali, El Joumani, Chaâbi, Basri, Haddaoui, Slimani et Ould Rachid. Certaines ont trusté les nominations importantes dans les organismes publics, d’autres ont investi le Parlement.
Ascendants et descendants siégeant côte à côte
Les familles parlementaires ont toujours suscité un intérêt particulier chez les journalistes et photographes à chaque rentrée du Parlement. Il est curieux de voir une famille arriver pour assister à la séance d’ouverture de la session d’automne présidée par le Roi. Les héritiers siègent à côté de leurs aînés.
Certains sont députés, les autres conseillers. Pas de différence le jour d’ouverture du Parlement, les deux Chambres tenant une séance commune. Lors des précédentes législatures, les élus d’une même famille faisaient leur entrée main dans la main à l’hémicycle. On se souvient de la famille du grand istiqalien soussi Ali Qayouh avec trois de ses enfants, Ismail, Abdessamad (ex-ministre de l’Artisanat) et Zineb. Le dirigeant socialiste Abdelouahad Radi, doyen des parlementaires, avait siégé aux côtés de son frère Driss (conseiller de l’Union constitutionnelle) et son neveu Yassine (député de l’Union constitutionnelle). Un autre socialiste était accompagné de son épouse et de son frère au Parlement. Il s’agit de Abdelhadi Khairat élu au nom du parti de la rose à la Chambre des représentants tout comme son épouse Jamila Yamlahi et frère Soufiane élu à la Chambre des conseillers.
Tel père, tel fils
Certains fils d’emblématiques figures politiques ont tracé leur chemin sur les pas de leurs aînés ou ont emprunté des voies complètement opposées. Ali Bouabid, fils du grand leader socialiste Abderrahim Bouabid, a claqué la porte du parti de son père et préfère faire de la politique autrement. C’est le cas aussi de Omar Balafrej, petit-neveu de Haj Ahmed Balafrej, l’un des fondateurs de l’Istiqlal qui avait remporté son siège de député lors de la 10e législature sous les couleurs de la l’ex-Fédération de la gauche démocratique (FGD). Ali Bouabib et Omar Balafrej avaient tous deux soutenu le Mouvement du 20 février (M20F).
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Youssef Belal, a suivi la même trajectoire ou presque. Fils de Aziz Belal, figure de proue du Parti du progrès et du socialisme (PPS) mort aux États-Unis en 1982, après de longues années de militantisme au sein du parti du livre, il quittera le navire sur fond de profond désaccord avec la ligne officielle du parti. Politologue et universitaire de renom, Aziz Belal a édité plusieurs ouvrages de sociologie politique dont le plus célèbre demeure « Le cheikh et le calife ». C’est aussi un fervent militant pour une monarchie parlementaire.
Enfin, Bachir Ben Barka, fils de Mehdi Ben Barka, leader tiers-mondiste assassiné en 1965, poursuit le combat depuis 56 ans pour que la vérité sur le meurtre de son père soit révélée au grand jour et que justice soit faite. Bachir Ben Barka est un fervent défenseur des libertés au Maroc. Son engagement s’est illustré à travers une grève de la faim qu’il avait observée l’an dernier en solidarité avec l’historien Maâti Monjib, incarcéré à l’époque.
Candidats aux élections du 8 septembre 2021
Parmi plus de 6.000 candidats aux législatives et 157.000 candidats aux élections régionales et communales, il y avait plusieurs fils et proches de certaines personnalités. Ceux-ciont marqué pendantplusieurs décennies la scène politique nationale. Sur les listes électorales présentées par les partis, un bon nombre de candidats enfants ou proches de secrétaires généraux de formations politiques ou de centrales syndicales, des parlementaires ou encore des présidents de régions. Naoufal Chabat, fils de l’ancien secrétaire général du Parti de l’Istiqlal (PI), Hamid Chabat, était dans la course dans la circonscription de Taza; Hassan Lachgar, fils du premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Driss Lachgar, a tenté sa chance à Rabat-Youssoufiaet Yassine Radi, fils du conseiller et ancien dirigeant de l’Union constitutionnelle, Driss Radi, s’est porté candidat à Sidi Slimane, le fief électoral familial.
La liste est encore longue puisque Hassan Laenser, fils du secrétaire général du Parti du Mouvement populaire (MP), Mohand Laenser, s’est présenté dans la circonscription de Boulmane. Abdelmajid El Fassi, fils de l’ancien secrétaire général du PI et ancien chef de l’exécutif, Abbas El Fassi, a retenté sa chance dans la circonscription Fès-Nord. Quant à Abdessamad Archane, fils de l’ancien chef du Mouvement démocratique et social (MDS), Mahmoud Archane, de qui il a hérité le secrétariat général du parti, il s’est lancé dans lareconquête deson fief de Tifelt.
Pour l’universitaire Rachid Azraq, auteur du livre « La question électorale au Maroc : une contribution à une étude comparative des systèmes électoraux« , la candidature des fils et proches des dirigeants politiques est discriminatoire, dans le sens où elle porte atteinte à l’égalité des chances et nuit à la crédibilité des instances élues. Selon ce spécialiste des affaires parlementaires et des partis, la jeunesse d’aujourd’hui «rejette la chasse aux opportunités pratiquées par une partie de l’élite familiale, qui a conduit à un ébranlement de la confiance dans toutes les institutions élues et provoquées un état croissant de tension sociale».
Les « nouveaux »élus
Certains « fils et filles de »chefs de partis politiques ont réussi à se faire élire lors du scrutin du 8 septembre dernier. Des jeunes élus dont certains répondaient aux critères instaurés par les partis, qui ont longtemps milité au sein de leurs formations politiques et qui, au vu de leur parcours, avaient autant le droit de se présenter aux élections que les autres militants. Ainsi, Hassan Lachgar a obtenu un nombre important de voix dans la circonscription de Rabat-Chellah. Socialiste dans l’âme, ingénieur de formation, Hassan Lachgar était chef du cabinet du ministre la Justice sortant. Du côté de Fès, la réélection de Abdelmajid El Fassi ne faisait aucun doute. Le jeune député est arrivé troisième sur les quatre sièges pourvus dans la circonscription Fès-Nord. Idem pour Hassan Laenser qui a réussi à rempiler à Boulemane alors que d’autres partis ont tout fait pour déloger le MP de son bastion.
Yassine Radi a également été réélu à Sidi Slimane pour un nouveau mandat à la Chambre basse. Enfin Rim Chabat, tête de liste régionale, a réussi à assurer son siège à la Chambre des représentants, permettant au passage au Front des forces démocratiques (FFD) d’améliorer son score.
Le paysage politique marocain ressemble à un gigantesque arbre généalogique. Les El Fassi, les Chaâbi, les Abaâkil, les Radi, les Qayouh… Tant de dynasties politiques qui ont plombé le principe de renouvellement des élites au sein des institutions élues. Les « fils de »sont devenus les « enfants de »avec une place plus importante accordée aux femmes. La logique de notabilité où on se transmet le pouvoir est considérée par certains comme une consécration du principe d’égalité entre tous les candidats, sachant que tous les citoyens marocains ont le droit de soumettre leurs candidatures s’ils remplissent les conditions légales et d’éligibilité. Sauf que les citoyens veulent non seulement de nouveaux visages, mais aussi de nouveaux noms qui refléteraient ce Maroc pluriel, accordant les mêmes chances à tous les « enfants de »ce même peuple.
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