Après 10 ans de gouvernance, le Parti de la justice et du développement (PJD) a essuyé une défaite cuisante lors des élections du 8 septembre 2021. Le parti de la lampe a perdu 112 sièges parlementaires, soit une baisse de 861,53 %, passant de 125 dans l’assemblée sortante à 13, selon les résultats annoncés par le ministère de l’Intérieur.
L’ampleur de la déroute exceptionnelle du PJD était inattendue, mais «elle était une tendance déjà visible», souligne David Goeury, chercheur associé à l’association Tafra et géographe au laboratoire Médiations. Il explique que le déclin de ce parti s’est confirmé lorsqu’il n’apas réussi à mobiliser des candidats aux municipales, locomotives du scrutin législatif. «Déjà, depuis les élections syndicales, le PJD n’a pas réussi à se qualifier pour le dialogue social, il avait perdu son électorat. (…) Et puis, surtout, il n’a pas réussi à mobiliser ses candidats, puisqu’il a perdu 47 de ses candidats aux élections communales entre 2015 et 2021», indique Goeury. Ce dernier avance que les bilans peu convaincants des présidents des communes PJDistes, notamment dans les grandes villesdu pays (Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Tanger ou encore Agadir) ont aussi contribué au vote sanction qu’a subi cette formation.
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De plus, plusieurs autres facteurs ont contribué à la descente aux enfers du PJD. Il s’agit, entre autres, des divisions internes auxquelles il a été confronté concernant deux dossiers majeurs, à savoir: la loi légalisant le cannabis thérapeutique pour laquelle les députés du PJD ont voté contre ; etle rétablissement des relations avec Israël, une «ligne rouge» pour les militants du parti. Outre ces dossiers majeurs, le parti, qui est resté au pouvoir pendant deux mandats gouvernementaux, a prouvé son incapacitéà apporter des changements importants et à développer le potentiel du pays, souligne Mustapha Sehimi, professeur de droit et politologue. Selon lui, l’offre programmatique du PJD était égalementdépourvue «d’identité et de singularité», d’autant plus qu’il n’a pas tenu les promesses qu’il a avancées lors de son dernier mandat, notamment sur le volet économique et social. Le professeur estime aussi que le «manque de charisme politique» du Chef du gouvernement sortant n’a pas servi les intérêts de cette formation.
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S’agissant du nouveau mode de calcul du quotient électoral pource dernier scrutin, les deux experts en politiqueestiment que c’est peut-être cette réforme qui a permis au PJD de conserver certains sièges, notant qu’il serait réducteur d’expliquer sa chute par l’effet de ce mécanisme.
La percée des partis libéraux
Concernant la victoire écrasante du Rassemblement national des indépendants (RNI) aux élections législatives, elle est le fruit de plusieurs années de mobilisation massivede ses militants, notammentau niveau des élections communales. Le parti de la colombe a ainsi remporté 102 sièges, améliorant son score de 65 sièges par rapport à 2016, soit une augmentation de 175,67%. Durant les cinq dernières années, le RNI a déployé son réseau de candidats sur l’ensemble du territoire afind’assurer unmeilleur taux de couverture et atteindre80% des circonscriptions pour mieux défendre ses couleurs. De plus, lors de sa campagne électorale, il a mis en place l’initiative « 100 jours-100 villes »afin de se rapprocher des citoyens urbains. Selon David Goeury, «ce travail sur le terrain a été doublé d’une intense campagne sur les réseaux sociaux adressée prioritairement à des jeunes et des femmes urbains qui étaient donc à même d’adhérer au programme du parti».
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Le chercheur explique que la percée du parti de Aziz Akhannouch a été obtenue grâce à «une stratégie très importante de mobilisation électorale sur le terrain, les communes rurales et les petites villes, et à une stratégie de mobilisation autour de son programme, des nouveaux profils d’électeurs qui sont les jeunes et les femmes en milieu urbain». Ainsi, le RNI a su seprésenter comme une alternative «crédible» au PJD, et ce, en élargissant ses réseaux en dehors des secteurs traditionnels et électoraux et en se positionnant en tant que parti porteur d’une vision progressive. En tant que grand vainqueur de ces élections, cette formation bénéficiera d’une forte représentation dans la Chambre basse et dans les conseils communaux et régionaux.
S’agissantdu Parti authenticité et modernité (PAM), ce dernier a gardé sa deuxième position sur le podium. Il sera représenté à la Chambre des représentants par 86 députés, soit 15 sièges en moins par rapport à 2016. Cependant, pour Abdellatif Ouahbi, chef de file du parti du tracteur, ces résultats sont «très positifs malgré la période que le PAM a traversée et qui a été marquée par des problèmes et des différends d’ordre organique». Il a déclaré que les élections de 2021 constituent une «victoire pour la démocratie dans le Royaume», notant que le taux record de participation confirment l’attachement du peuple marocain au processus démocratique.
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Enfin, il faut noter que les nombres importants de sièges que le RNI et le PAM ont réussià obtenir ont été une grande surprise pour les citoyens, car en raison de la nature du nouveau quotient électoral, l’on s’attendait à ce que le premier parti ne dépasse pas 85 sièges. D’ailleurs, ce nouveau mode de calcul basé sur le nombre des inscrits aux listes électorales et visant à permettre à plusieurs formations d’accéder à la Chambre basse, a impacté le nombre de sièges décroché par le PAM. Cependant, bien qu’il ait permis au PJD de garder 13 sièges, il n’est pas parvenu à assurer le même résultat pour les petits partis, la majorité d’entre eux ayant été éjectés de la course ou faiblement représentés.
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