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Élections : le long chemin vers la démocratie

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Depuis son indépendance, le Maroc a connu l’organisation de 20 scrutins. Entre 1960 et 2016, les Marocains ont été appelés à voter 20 fois pour les élections législatives, communales et régionales, sans compter les scrutins référendaires. Mais les élections générales du 8 septembre 2021 sont les premières du genre de toute l’histoire du Maroc. Ce jour-là, les électeurs voteront pour les législatives, les régionales et les communales. Un triple scrutin inédit dans les annales des consultations électorales du royaume.

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Juste après son indépendance, le Maroc, sous la conduite de feu Mohammed V, a entamé une réflexion pour établir les bases d’une démocratie avec des institutions représentatives de la volonté populaire. Avant de se doter d’une Constitution et d’organiser ses premières élections législatives, le royaume se dota d’un Conseil national consultatif dont les membres étaient nommés par le Roi. Ce Conseil a été présidé par feu Mehdi Ben Barka de 1956 à 1959. C’était une phase considérée comme un jalon essentiel de la consolidation de l’action parlementaire, bien que ses membres n’aient pas été élus au suffrage universel. Cette élite nationale avait de grandes compétences et avait préparé le terrain pour une nation qui venait de recouvrer son indépendance. Dès 1960, le peuple marocain fut impliqué dans le processus démocratique du royaume. Au fil des scrutins, la mise en œuvre des dispositions contenues dans les différents textes juridiques régissant les opérations électorales ont permis, plus ou moins, de garantir leur crédibilité.

Les toutes premières élections

C’est le 29 mai 1960 que les Marocains se rendent pour la première fois aux urnes. Il s’agissait des premières élections communales à travers lesquelles 4.590.000 Marocains et Marocaines devaient élire les membres des premiers conseils communaux de l’histoire du Maroc, conformément aux dispositions du Dahir 1-59-161 du 1er septembre 1959. Le taux de participation à ce tout premier scrutin s’est situé à environ 60%. Ce premier exercice démocratique a permis au peuple marocain de désigner les municipalités au suffrage universel direct, donnant un exemple de liberté authentique, très rare dans les pays de même niveau de développement à l’époque. Le 7 décembre 1962, feu Hassan II ayant succédé à son défunt père en 1961, demande aux Marocains de se prononcer sur un projet de Constitution. Ce référendum est boycotté par l’Union nationale des forces populaires (UNFP) mais reçoit un vote très favorable de 80,10% avec une forte participation de 77,88%.

Le 17 mai 1963, le Maroc tient ses premières élections parlementaires. En prévision des élections, un nouveau parti est créé en mars 1963 pour contrer l’Istiqlal et l’UNFP. Il s’agit du Front pour la défense des institutions constitutionnelles (FDIC), dirigé par Ahmed Réda Guédira. Lors des élections, il arrive en tête, mais sans obtenir la majorité (47,9% des voix et 69 sièges sur 144). Il devance l’Istiqlal, qui récolte 28,5% des votes et 41 sièges, ainsi que l’UNFP (19,4%, 28 sièges). Il faut dire que le Parlement était bicaméral et avait un mode de scrutin qui se basait sur un suffrage 100% direct. Le FDIC poursuivra sur sa lancée en connaissant du succès aux élections communales du 28 juillet 1963. Ces deuxièmes élections communales connaîtront un taux de participation aux alentours de 76%.

L’état d’exception

Le 7 juin 1965, soit deux ans après le démarrage de la 1re législature, feu Hassan II prend la décision de dissoudre le Parlement présidé par feu Abdelkrim El Khatib, non en appelant à des élections anticipées mais en déclarant l’état d’exception. La situation était grave et la tension sociale avait atteint son paroxysme. Trois mois plus tôt, des milliers de citoyens ont trouvé la mort dans le soulèvement de Casablanca. Le chômage et l’état général de l’économie avaient suscité la grogne des citoyens. La hausse des prix a accentué la tension. Les étudiants qui s’opposent aux coupures dans l’enseignement supérieur rejoignent le mouvement en juin. Tout celapousse le roi à proclamer l’état d’exception. Dans un discours radio-télévisé, il explique qu’il ne peut « concilier les exigences et les préalables contradictoires des uns et des autres« et qu’il s’est trouvé « dans la double impossibilité de constituer un gouvernement d’union nationale et de dégager une majorité parlementaire« . À l’usage, la Constitution lui est apparue inapte à assurer le fonctionnement normal des institutions parlementaires. Elle sera donc révisée par voie de référendum, et de nouvelles élections auront lieu. En invoquant l’article 35 de la Constitution de 1962, le défunt Souverain s’octroie tous les pouvoirs législatifs et exécutifs.

Les autres scrutins communaux

Le 3 octobre 1969, alors que le Parlement est toujours mis en veilleuse, les citoyens sont appelés aux urnes pour de nouvelles élections communales qui suscitent un intérêt certain avec un taux de participation identique à celui de 1963. Avec ce qui s’est passé au niveau central, les Marocains ont pris conscience de leur responsabilité civique dans la gestion des affaires publiques. Le scrutin communal du 12 novembre 1976 s’est, de son côté, déroulé dans un contexte marqué par l’adoption d’une nouvelle charte communale. Cette dernière a fait du président du conseil communal l’organe exécutif de la commune, parallèlement à un large transfert des pouvoirs de la police administrative, détenus auparavant exclusivement par les représentants locaux de l’administration centrale.

Un autre fait ayant marqué ces échéances est la hausse du nombre des candidats dont le nombre s’est chiffré à quelque 42.638 candidats, contre 25.060 en 1963. Cette tendance haussière s’est confirmée lors de la consultation du 10 juin 1983 avec 54.162 candidats.
Pour ce qui est des élections communales du 16 octobre 1992 et du 13 juin 1997, le corps électoral comptait respectivement 11.513.809 et 12. 941.779 personnes inscrites sur les listes électorales avec un taux de participation de près de 75% sur l’ensemble du territoire national.
Les élections communales du 12 septembre 2003, les premières sous le règne du roi Mohammed VI, ont été, de leur côté, marquées par une évolution en matière de la représentativité féminine, avec un taux de 5% des candidates soutenues par l’ensemble des 26 partis politiques en lice contre 1,62% durant le scrutin communal de 1997. Par ailleurs, ce scrutin a eu la particularité de se tenir dans un cadre juridique nouveau marqué par l’élaboration d’un ensemble de textes portant notamment amendement du statut de la chambre des conseillers, du code électoral et de la charte communale. Le nombre de candidatures déposées au titre de ces élections a connu une hausse de 19,78% par rapport à celui enregistré en 1997, alors que le taux de participation (54,14%) a enregistré une baisse en comparaison avec les taux des précédentes élections communales.

Le taux des candidatures cautionnées par les partis politiques a atteint à son tour 97,5% contre 41,11%seulement lors du scrutin de 1976. Cette montée en puissance des candidats issus de partis politiques a été favorisée par le mode de scrutin par liste qui met davantage l’accent sur le programme électoral que sur les personnes.

Dans le même sillage, plusieurs réformes ont été initiées en prévision des élections communales du 12 juin 2009, notamment les modifications apportées sur le code électoral pour ramener l’âge d’éligibilité de 23 à 21 ans et porter le taux de représentation des femmes à 12%. Le taux de participation à ce scrutin communal a atteint 51%, ce qui signifie que près de 6,8 millions de Marocains ont voté sur un total de 13.360.000 inscrits sur les listes électorales.

Enfin, le 4 septembre 2015, les élections communales, aux côtés des élections régionales organisées pour la première fois au Maroc, ont permis aux citoyens marocains d’élire les membres des conseils communaux et régionaux, au suffrage universel direct, conformément aux dispositions de la Constitution de 2011 qui a conféré une place de choix aux collectivités territoriales (les régions, les préfectures, les provinces et les communes). Le taux de participation de 53,67% à ces élections, montre que les électeurs semblent se réapproprier progressivement le champ politique local.

Les consultations législatives

En 1970, après l’adoption d’une nouvelle Constitution, le Parlement marocain devient monocaméral. La Chambre des représentants regroupe alors des élus issus à hauteur de 67,5% de suffrage indirect contre 37,5% de suffrage direct. Les élections se déroulent en deux étapes. Le 21 août 1970, 150 députés sont choisis par un Collège électoral. Puis, le 28 août 1970, 90 autres députés sont élus au suffrage universel. En 1977, inversion de tendance: 67,5% d’élus au suffrage direct contre 37,5% par suffrage indirect. Les candidats indépendants arrivent en tête de ce scrutin. Ce système uninominal à un tour sera ainsi maintenu jusqu’en 1997, l’année oùla Chambre des représentants sera intégralement élue au suffrage direct.

Pour les élections législatives de 2002, les premières sous le règne du roi Mohammed VI, celles de 2007, 2011 et 2016, le Maroc adopte le scrutin proportionnel plurinominal, aussi appelé «scrutin de liste». A l’exception de 2011, la participation n’a jamais cessé de baisser. En parallèle à ce phénomène, le taux de vote blanc ou nul a, lui, toujours augmenté. En 1963, seuls 4% des bulletins étaient déclarés nuls. En 2011, ils constituent 22% des voix, soit un vote sur 5. On comptabilisera 1,1 millions de bulletins blancs ou nuls lors du scrutin de 2016. C’est dire que la tendance est lourde et révélatrice.

Avec cette longue expérience électorale, le Maroc doit être capable de se doter d’institutions représentatives capables de répondre aux questions et préoccupations des citoyens. La balle est désormais dans le camp des électeurs appelés à choisir des élites par les candidats des 32 partis en lice, en plus des candidats sans appartenance politique (SAP), à même d’assumer la délicate fonction de représentation surtout en cette phase critique marquée par les répercussions de la pandémie de Covid-19.

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