Accueil / Politique

Maroc-Algérie : les dessous d’une rupture

Temps de lecture

Malgré la main tendue fin juillet par le roi Mohammed VI, l’Algérie a décidé ce mardi de rompre officiellement ses relations diplomatiques avec le Maroc. Le régime algérien a accusé le royaume “d’actions hostiles” à son égard. Dans un communiqué rendu public mardi soir, le ministère des Affaires étrangères marocain dit «regretter cette décision» et «rejette catégoriquement les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent». Détails.

La rumeur circulait depuis quelques jours dans les médias, elle est aujourd’hui bien officielle. L’Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc. Une annonce faite mardi après-midi par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ratmane Lamamra, lors d’une conférence de presse. Dans son discours, ce dernier accuse le Maroc «d’actions hostiles»à l’égard de son pays. «Les services de sécurité et la propagande marocains mènent une guerre ignoble contre l’Algérie, son peuple et ses dirigeants», a-t-il dit. Lamamra a précisétoutefois que la décision de rompre les relations diplomatiquesn’impactera pas les citoyens des deux pays puisque les services consulaires continueront de travailler normalement.

Lire aussi :Maroc-Algérie : l’interminable querelle

Cette décision algérienne intervient à moins d’un mois du discours royal du 31 juillet dans lequel le Souverain avait tendu la main au voisinalgérien. «Plus que deux nations voisines, le Maroc et l’Algérie sont deux pays jumeaux qui se complètent. Par conséquent, à sa plus proche convenance, j’invite Son Excellence le Président algérien à œuvrer à l’unisson au développement des rapports fraternels tissés par nos deux peuples durant des années de lutte commune», avait réclamé le roi Mohammed VI invitant le président Abdelmajid Tebboune à faire “prévaloir la sagesse” dans ce dossier.

Le Maroc a même proposé son aide lors des derniers incendies en Algérie qui ont coûté la vie à plus de 69 personnes. Une aide malheureusement refusée par la présidence algérienne.

Une décision “regrettable” et “injustifiée”

Quelques heures après la décision algérienne de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc, le Royaume a réagi dans un communiqué officiel. Il dit «regretter cette décision complètement injustifiée, mais attendue – au regard de la logique d’escalade constatée ces dernières semaines – ainsi que son impact sur le peuple algérien».

Lire aussi :Analyse de la main tendue du roi Mohammed VI à l’Algérie

Le communiqué ajoute que le Maroc «rejette catégoriquement les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent»et restera «un partenaire crédible et loyal pour le peuple algérien et continuera d’agir, avec sagesse et responsabilité, pour le développement de relations intermaghrébines saines et fructueuses». Fin de citation.

Maroc-Algérie, un conflit sans fin

Voilà plusieurs décennies que le Maroc et l’Algérie se livrent une guerre diplomatique et médiatique. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la rupture des relations diplomatiques est annoncée. Le 7 mars 1976, Rabat met fin à ses relations avec Alger après que cette dernière ait reconnu la pseudo « République arabe sahraouie démocratique » comme étant un « État sahraoui ». Près d’une vingtaine d’années plus tard, l’attentat à l’hôtel Atlas-Asni de Marrakech perpétré le 24 août 1994 creuse les divergences entre les deux pays.

Lire aussi :Malgré les manœuvres de l’Algérie, le Parlement arabe confirme son soutien indéfectible au Maroc

Àl’époque, l’attentat est attribué à l’Algérie par le Maroc en raison de l’origine franco-algérienne des terroristes. Le Maroc impose le visa à tous les Algériens.Parallèlement, l’Algérie décide de fermer les frontières terrestres. La date du mardi 24 août 2021, soit la date de la rupture des relations diplomatiques n’est probablement pas anodine. Elle intervient 27 ans jour pour jour après les attentats de l’hôtel Atlas Asni.

Un cumul d’accrochages et de tensions

Des événements survenus récemment tels que le déblayage de l’accès au poste-frontière de Guerguerat, la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis et la normalisation des relations diplomatiques du Maroc avec Israël ont donné une autre dimension à cette tension. Aussi, la déclaration mi-juillet dernier de l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale dans laquelle il estimait que «le vaillant peuple kabyle mérite (…) de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination», a rajouté une couche à cette rivalité.

Le ministre des Affaires étrangères Ratmane Lamamra est d’ailleurs revenu ce mardi sur cette déclaration d’Omar Hilale en la qualifiant de «dangereuse et irresponsable». Contacté par LeBrief, Nabil Adel, enseignant chercheur et directeur du groupe de recherche en géopolitique et en géoéconomie de l’ESCA nous déclare que les relations entre le Maroc et l’Algérie n’ont jamais été « normales ». «Depuis l’indépendance du Maroc, les périodes de tension l’ont largement emporté face aux périodes de normalité»,souligne Nabil Adel.

Lire aussi :Incendies en Algérie : le président pointe un doigt accusateur sur le Maroc

Interrogé sur la probabilité d’assister à une nouvelle escalade algérienne, notre politologue affirme qu’un conflit armé n’est pas à exclure et qu’il y aura bel et bien un avant et un après-décision de rupture : «Ce ne sera pas forcément l’Algérie contre le Maroc, mais l’Algérie peut armer et lâcher ses milices de Tindouf, il faudra s’y attendre. L’Algérie sent que le conflit sur lequel elle a investi des centaines de milliards de dollars lui échappe et n’acceptera pas une défaite cuisante sans plonger toute la région dans l’instabilité», dit t-il. Notre source ajoute enfin qu’aujourd’hui tout dépendra de la manière avec laquelle la diplomatie marocaine va gérer cette phase. Affaire à suivre.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Le Maroc, au cœur des réflexions sur l’avenir mondial

Politique - Rachid Talbi El Alami, a souligné l'importance de rétablir la paix et la sécurité mondiale en respectant le droit international et la souveraineté des États.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Le Maroc, moteur de l’intégration africaine (Driss Lachguar)

Politique - Driss Lachguar, premier secrétaire de l’USFP, a souligné l’importance des liens historiques, culturels et stratégiques entre le Maroc et le continent africain.

Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024

Conseil de gouvernement : examen de sept projets de décret

Politique - Le Conseil de gouvernement, présidé par Aziz Akhannouch, se réunira jeudi à Rabat pour examiner plusieurs projets de décret et des propositions de nomination.

Rédaction LeBrief - 17 décembre 2024

Cour des comptes : le stress hydrique, un état d’urgence climatique et stratégique

Politique - Le rapport 2023-2024 de la Cour des comptes met en lumière les défis liés à la gestion hydrique.

Farah Nadifi - 17 décembre 2024

Le Parlement abrite le « Congrès du Futur » les 17 et 18 décembre à Rabat

Politique - Le Parlement marocain, avec ses deux Chambres, organise, en collaboration avec la Chambre des députés et le Sénat de la République du Chili, la prochaine édition du «Congrès du Futur»

Rédaction LeBrief - 17 décembre 2024

Akhannouch : bâtir aujourd’hui, rayonner en 2030

Politique - Aziz Akhannouch a mis en avant les progrès significatifs réalisés par le Maroc grâce à des choix stratégiques déterminants.

Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024

Akhannouch : les infrastructures, moteur du Maroc de demain

Politique - Aziz Akhannouch a souligné que le développement des infrastructures constitue un pilier central pour le progrès du pays.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Al Qods : le Parlement arabe salue le rôle du roi Mohammed VI

Politique - Le Parlement arabe a salué le rôle central du roi Mohammed VI, Président du Comité Al Qods, dans la défense de la cause palestinienne.

Ilyasse Rhamir - 15 décembre 2024
Voir plus

Le Roi adresse un message aux participants au Symposium international sur « la Justice transitionnelle »

Politique - Le roi Mohammed VI a adressé un message aux participants au Symposium international sur « la Justice transitionnelle », organisé à Rabat

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

Cour des comptes : le stress hydrique, un état d’urgence climatique et stratégique

Politique - Le rapport 2023-2024 de la Cour des comptes met en lumière les défis liés à la gestion hydrique.

Farah Nadifi - 17 décembre 2024

CDM 2030 : la BAD investit 650 M€ au Maroc

Politique - Le président de la BAD, a annoncé l’élaboration d’un projet de financement de 650M d’euros, destiné au développement des infrastructures ferroviaires et aéroportuaires du Royaume.

Ilyasse Rhamir - 6 décembre 2024

Bourita reçoit le président de l’Assemblée nationale de la Mauritanie

Politique - Le Maroc et la Mauritanie confirment leur volonté de renforcer leurs relations, comme en témoigne la rencontre entre Bourita et Bemba Meguett.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

Les dessous de la carte

Dossier - Prononcé devant le Parlement du Maroc le 29 octobre, quels secrets, quelles promesses, quelle histoire se cache derrière le discours d'Emmanuel Macron ?

Sabrina El Faiz - 2 novembre 2024

PLF 2025 : des réformes pour un avenir social plus équitable

Politique - Le projet de loi de finances (PLF) pour l'exercice 2025 met en avant un ensemble de mesures visant à consolider l’État social.

Farah Nadifi - 22 novembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire