Dakhla-Oued Eddahab : une région en or
En superficie, la région de Dakhla-Oued Eddahab représente 18,4% du territoire national. Située dans l’extrême sud du royaume, elle est limitrophe de la Mauritanie et ouverte sur l’océan Atlantique avec une façade maritime de 667km. Selon le dernier recensement général réalisé par la Haut-Commissariat au Plan (HCP) en 2014, la région compte 114021 habitants, soit à peine 0,3% de l’ensemble de la population marocaine. La ville de Dakhla, capitale de la région est surnommée la perle bleue. C’est une destination touristique de choix et un spot unique pour les sports de glisse. La ville est dotée d’un aéroport international dont le trafic est en constante augmentation. Actuellement, la ville abrite 43 établissements hôteliers qui comptent 1.825 lits touristiques. Cette capacité litière sera portée à plus de 6.000 lits d’ici à la fin de l’année 2023.
Un brin d’histoire
C’est en 1884 que l’Espagne s’empare de Rio de Oro (littéralement fleuve d’or) et crée la Sociedad de Africanistas y colonistas en s’installant officiellement à Villa Cisneros (Dakhla). Le royaume ibérique connaît l’importance stratégique de ce vaste territoire avec ses importantes ressources halieutiques et ses importants gisements de phosphates (site de Boucrâa). Certains observateurs évoquent encore de nos jours des visées espagnoles sur le Mont Tropic, une colline marine située dans la zone atlantique de Oued Eddahab. De nature volcanique, le Mont Tropic regorgerait de métaux rares comme le tellure, un semi-métal indispensable à l’élaboration de cellules photovoltaïques.
La deuxième étape de la présence espagnole à Oued Eddahab vient après l’occupation de Dakhla en 1885 par les Espagnols dont les ambitions avaient été renforcées par l’accord signé en 1904 conclu discrètement avec la France reconnaissant les prétentions espagnoles sur Rio de Oro et Sakia El Hamra. C’est ainsi qu’à partir de 1934, l’Espagne, jusque-là implantée seulement sur la côte, s’installa effectivement à l’intérieur du pays en occupant la ville de Smara, sachant qu’elle considérait cette partie du Sahara comme faisant partie intégrante de sa part dans le protectorat sur le Maroc, laquelle partie était gouvernée à la fois par le Khalifa du Sultan et le délégué espagnol résidant à Tétouan.
Après l’organisation de la Marche verte en 1975, Rio de Oro sera intégré à la Mauritanie, suite à l’Accord tripartite (Maroc-Espagne-Mauritanie) signé le 14 novembre 1975 à Madrid. Cet accord de décolonisation du Sahara permettra le départ des troupes espagnoles et le passage de Oued Eddahab sous le giron de la République islamique de Mauritanie. Confrontée à des attaques répétitives du Polisario soutenu par l’Algérie, en plus d’un coup d’État ayant renversé le président Mokhtar Ould Daddah en 1978, la Mauritanie, conduite par le colonel Mustapha Ould Salek, essaya tant bien que mal de résister aux agressions polisariennes à partir d’Akjoujt. Ne pouvant sécuriser ce territoire, Nouakchott décide de plier bagages.
Oued Eddahab sera récupéré par le Maroc en 1979. Et c’est à Rabat, le 14 août 1979, que les oulémas, notables et chefs de tribus de la province de Oued Eddahab, s’étaient rendus au Palais royal pour présenter à feu Hassan II leur serment d’allégeance. Faut-il rappeler que c’est sur le principe de l’allégeance que la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye a rendu son verdict en octobre 1975? La CIJ a clairement signifié qu’au moment de la colonisation par l’Espagne, des «liens juridiques d’allégeance»existaient entre les tribus du Sahara et le Sultan du Maroc. Lors de la cérémonie organisée au Palais royal de Rabat le 14 août 1979, feu Hassan II eut l’ingénieuse idée de distribuer des armes aux représentants des tribus sahraouies de Oued Eddahab pour signifier l’obligation de défendre ce territoire, un engagement réciproque entre le Roi et les chefs de tribus.
Le 4 mars 1980, le défunt Souverain était allé à la rencontre de la population de Oued Eddahab dans le cadre d’une visite officielle à Dakhla à l’occasion de la fête du Trône. La cérémonie d’allégeance a été organisée à Dakhla pour insuffler un élan fédérateur à l’unité nationale. Depuis la récupération de Oued Eddahab, le Maroc n’a cessé d’investir dans le développement socio-économique de la région.
Le développement en marche
De petites bourgades sans équipementde base, les villes de Oued Eddahab sont devenues des cités modernes. Dès la fin de la sécurisation du territoire par les Forces armées royales (FAR) en 1980, l’État marocain mettra d’énormes moyens pour une mise à niveau de cette région dépourvue alors d’infrastructures de base et de moyens de communication. La ville de Lagouira, dont on ne cesse de ressasser le nom quand on parle de l’intégrité territoriale du royaume (de Tanger à Lagouira), restera elle une cité fantôme. Limitrophe de la ville mauritanienne de Nouadhibou, les militaires mauritaniens l’investissent de temps à autre même si la Mauritanie n’a aucune prétention sur cette péninsule. Pourtant la commune urbaine de Lagouira, située à 400 km au Sud de Dakhla, sera concernée par les élections générales du 8 septembre 2021. Sans commentaire…
Quoiqu’il en soit, l’État a fait le nécessaire en matière d’équipements. En 1979, le réseau routier de la région Dakhla-Oued Eddahab ne comptait que 67 km de routes revêtues dans un état très vétuste. Aujourd’hui, la 12e région du Maroc dispose de 1327 km deréseau routier revêtu. La région abrite un complexe portuaire incluant deux ports qui se situent dans la baie de Oued Eddahab. Le premier, l’ancien port, a été transformé en port militaire et le second, le nouveau, a été mis en service en 2001. L’activité de ce dernier est essentiellement basée sur l’exploitation des ressources halieutiques, l’importation des hydrocarbures et les flux des bateaux de croisières. Ce port dispose d’une zone industrielle de 270 ha, dont 20% sont aménagés pour les industries de transformation, les zones de stockage, les zones administratives et une zone franche d’exportation.
La pêche est sans conteste la première activité de la région avec une production halieutique s’élevant à 607.143 tonnes, soit 46% de la ?production halieutique nationale en volume et 34% en valeur.??? Vient ensuite le tourisme avec des arrivées en constante évolution boostées par les sports de glisse (kitesurf, wind?surf…). Enfin, l’agriculture commence à se développer grâce aux nouvelles technologies bien que la région soit l’une des plus arides dans le monde. Ainsi, le cheptel est de l’ordre de 95.000 têtes, la production annuelle des primeurs (tomates, melons…) atteint 66.0?00 tonnes et les cultures biologiques et fourragères avoisinent les 2000 tonnes.
Les grands projets structurants
Après l’achèvement des travaux de raccordement de la ville de Dakhla au réseau électrique national et le démarrage de la phase finale des essais de ce projet phare, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) a programmé plusieurs projets afin d’accompagner le développement socio-économique au niveau des communes et centres de la région comme l’électrification du poste-frontière de Guergarate via son raccordement au réseau électrique du centre de Bir Gandouz.D’ailleurs, ces deux localités seront dotées de zones logistiques de dernière génération de 30 Ha chacune. Les appels d’offres relatifs aux travaux d’aménagement de ces zones de distribution et de commerce ont été lancés. On ne peut parler des grands projets structurants dans la région Dakhla-Oued Eddahab sans évoquer la voie express Tiznit-Dakhla et le futur complexe portuaire Tanger Atlantique. Pour 10 milliards de DH (MMDH), Tiznit et Dakhla seront raccordées par une voie express de 1055 km.
Il s’agit d’une route transcontinentale reliant l’Europe à l’Afrique subsaharienne à travers le Maroc dont la livraison est prévue en 2022. Quant au gigantesque projet Dakha Atlantique, c’est une infrastructure portuaire qui permettra de renforcer les échanges commerciaux entre les continents européen et africain. Doté d’une zone d’échange commerciale et d’une autre dédiée à la valorisation des activités de la pêche maritime, le port Dakhla Atlantique sera à même de repositionner toute la région sur les routes maritimes internationale en particulier dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). La construction de ce nouveau complexe portuaire à Ntireft relevant de la commune rurale El Argoub, à 40 km au nord de la ville de Dakhla, coûtera la somme de 12,4 MMDH.
Doté d’une conception évolutive et extensible, ce projet portera sur la réalisation d’un port en eaux profondes sur la façade Atlantique de la régionselon trois composantes, à savoir un port de commerce à une profondeur de -16 m/zéro hydrographique, un port dédié à la pêche côtière et hauturière, et un port dédié à l’industrie navale. Ce port sera adossé à une zone industrialo-logistique de 1.650 hectares destinée à offrir des services industriels et logistiques de qualité. Livraison prévue en 2029.
Avec la voie express Tiznit-Dakhla et le nouveau projet du port Dakhla Atlantique, les liens économiques et commerciaux entre le Maroc et sa profondeur africaine seront renforcés. À l’instar de Tanger Med, le nouveau complexe portuaire Dakhla Atlantique constituera une interface maritime d’intégration économique et un hub de rayonnement continental et international. Si la région Dakhla-Oued Eddahab a connu un essor indéniable depuis 1979, il n’en demeure pas moins que c’est l’État qui a porté l’effort d’investissement. Il est temps que les investisseurs privés nationaux et étrangers prennent le relais et que la population locale se prenne en charge pour un développement durable et inclusif.