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Pegasus : les dessous d’une affaire de grande envergure

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Conçu en 2013 et vendu officiellement à des organisations étatiques pour la surveillance des personnes soupçonnées de terrorisme, le logiciel Pegasus est aujourd’hui au centre des débats au Maroc et à l’étranger. Qu’est-ce que ce logiciel ? Quelle est sa mission principale ? Quelles ont été les réactions internationales à ce sujet ? Quels impacts sur les relations entre pays ? Dans cet article, nous allons essayer de répondre à toutes ces questions et vous livrer par la même occasion une idée simple et claire sur cette affaire d’espionnage.

Pegasus, jamais ce nom n’aura fait autant de bruits qu’aujourd’hui. En effet, le logiciel d’espionnage fait actuellement la une des médias en raison de “rumeurs” d’espionnage de personnalités publiques, de journalistes, d’opposants politiques et de militants des droits de l’Homme dans plusieurs pays à travers le monde. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important d’expliquer ce que c’est ce logiciel, sa fonction et son histoire.

L’affaire Pegasus

Lancé en 2013 par l’entreprise israélienne NSO Group, Pegasus est conçu pour attaquer les téléphones mobiles sous iOS et Android. Ce logiciel d’espionnage permet d’écouter les conversations téléphoniques, mais pas que. Il peut activer le micro, la caméra, le carnet d’adresses, lire les messages échangés par mail ou sur les messageries les plus sécurisées.

À la base, ce logiciel a été conçu pour suivre les personnes soupçonnées de terrorisme à travers le monde, mais depuis peu, quelques révélations ont surgi sur une utilisation internationale de ce logiciel à des fins d’espionnage de journalistes, d’opposants politiques…etc.

Dernièrement, des investigations menéespar leconsortium de journalistes Forbidden Stories (Plus de 80 journalistes représentants 17 médias internationaux)avec l’expertise informatique de l’ONG Amnesty International, révèlent plusieurs affaires d’espionnage.L’enquête se fonde sur l’exploitation par les journalistes d’une liste « ultra secrète » qui contiendraitplus de 50.000 numéros de téléphoneprésélectionnés par les États clients de l’entreprise israélienne NSO. Ces révélationsontpoussé plusieurs gouvernements à réagir à l’échelle internationale et nationale.

Les réactions internationales

Hormis le Maroc, des pays comme le Rwanda, le Mexique, la Hongrie, l’Inde, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ont été ciblés par ces accusations portées par 17 médias étrangers. La plupart de ces pays ont décidé d’ouvrir une enquête à ce sujet.En France notamment, l’affaire Pegasus révèle que le numéro du président français et de 15 membres de son gouvernement en 2019 figuraient dans la liste desnuméros potentiellement ciblés par la Maroc.Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, avait souligné que ces faits sont «extrêmement choquants et graves»et qu’il y aurait des «demandes d’éclaircissements». «Le gouvernement français est extrêmement attaché à la liberté de la presse et c’est très grave d’avoir des techniques qui visent à nuire à la liberté des journalistes, leur liberté d’enquêter et d’informer», déclare Gabriel Attal.

De son côté, Jean Castex premier ministre français assure qu’il serait irresponsable que le gouvernement français se prononce actuellement sur ces choses tant qu’il ne sait pas exactement ce qu’il en est : «Il faut que nous regardions cela de très près compte tenu de la gravité des accusations. Le président Macron a ordonné touteune série d’investigations au sens large de l’État, nous attendons le résultat».

Lire aussi :Les téléphones de personnes « sensibles » ciblés par le logiciel d’espionnage Pegasus

En Inde, l’entourage du Dalai Lama apparaît également dans le listing du logiciel espion Pegasus. Dalai Lama ne possède pas de smartphones, le listing a donc concerné son entourage. Les numéros de téléphones de 17 personnalités constituant sa garde rapprochée ont été inscrits parmi les cibles potentielles de Pegasus, y compris l’assistant personnel du Dalaï Lama, trois de ses secrétaires et son actuel Premier ministre Penpa Tsering.

Au Mexique, le logiciel présente plus de15.000 numéros mexicains dont des trafiquants de drogue, des journalistes mais aussi le Chef d’État actuel Andrés Manuel López Obrador. En effet, l’enquête de Pegasus révèle que les membres de la famille et des associés de l’actuel président mexicain Andrés Manuel López Obrador ont été mis sur écoute entre 2016 et 2017.

Par ailleurs, le Parlement israélien qui avait jusque-là gardé le silence a décidé ce jeudi d’ouvrir une enquête parlementaire et de mettre en place une commission pour enquêter sur ce sujet. Par ailleurs et pour ce qui est des responsables du groupe NSO, ces derniers nient les faits et assurent que le volet sécurité est pris très au sérieux par l’entreprise. «Nous mettons en place des processus minutieux avant de décider à qui nous allons vendre nos systèmes et parmi ces modalités nous devons comprendre les procédures en vigueur dans chaque pays pour pouvoir l’utiliser», souligne Haim Gelfand, responsable de la conformité chez NSO. Ce dernier précise que tout a été fait pour que ce logiciel ne puisse servir qu’à sa mission de base, à savoir éviter les actes terroristes et criminels. «Si nous sentons que nous n’avons pas la latitude nécessaire en termes de vue d’ensemble des décisions pour utiliser le système, alors nous ne le vendons pas au client», dit-il.

La réaction marocaine

Le Maroc a clairement condamné les accusations avancées par les médias étrangers assurant que ces allégations sont “mensongères et infondées”. Dans un communiqué rendu public ce jeudi, la présidence du ministère public affirme avoir donné ses instructions au procureur général du Roi près de la Cour d’appel de Rabat pour ouvrir une enquête judiciaire sur ces “fausses allégations et accusations contenues dans des articles de presse publiés par des journaux étrangers”.

Parallèlement, le Royaume a décidé d’attaquer Amnesty International et Forbidden Stories pour diffamation devant le tribunal correctionnel de Paris. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, Nasser Bourita a souligné que les assertions fallacieuses avancées par Forbidden Stories sont basées sur «des supputations et des conjectures», et constituent «un sabotage à grande échelle».

Répondant à une question sur les affirmations de Forbidden Stories, Bourita a mis au défi l’association, créée en 2017, de produire la moindre preuve à ce sujet. «Le Maroc les met au défi de produire la moindre preuve comme il l’a fait en juin 2020 avec Amnesty Interntional qui déjà avait formulé de pareilles accusations», souligne le chef de la diplomatie marocaine.

Bourita fait en effet référence à un rapport publié par Amnesty International en juin 2020 et qui accuse le Maroc d’avoir eu recours au logiciel Pegasus pour espionner le journaliste Omar Radi. Nasser Bourita a également souligné que les interrogations persistent sur l’identité des partis voulant faire du mal au Maroc et toucher à la confiance, portée en interne et à l’étranger, à l’État marocain. «Qui a intérêt à ostraciser le Maroc ? Qui a intérêt à l’empêcher de jouer ce rôle constructif à l’international ? Ce sont là, pour moi, les vraies questions qu’il faut poser», estime Bourita.

De son côté, Olivier Baratelli, avocat du Royaume du Maroc dans cette affaire, a affirmé dans une sortie médiatique que le Royaume n’a «jamais fait appel à la société NSO et n’a jamais utilisé de logiciel Pegasus». Baratelli assure également que «toute personne ou organisme portant des accusations contre le Maroc, devra en produire la preuve ou assumer sa dénonciation calomnieuse, devant la justice».

Quel avenir pour la relation Maroc-France après ces révélations ?

Contacté par LeBrief, le politologue Hicham Barjaoui déclare que face au volume de la coopération sécuritaire entre les pays et l’importance des questions stratégiques qui les lient, cette polémique n’aura pas de grandes conséquences dans le futur.

«Je ne pense pas que ces enquêtes et révélations auront de lourdes conséquences. La France a besoin de la coopération sécuritaire du Maroc, notamment sur les questions migratoires, la lutte contre le terrorisme, cela fragilise en quelque sorte la portée des conséquences qui peuvent émaner de ces révélations», assure Barjaoui.

Notre interlocuteur souligne également qu’il y a probablement un règlement de comptes dans cette affaire. Un règlement de compte qui ne serait pas forcément entre les gouvernements, mais entre des «courants intergouvernementaux», dit-il.

Lire aussi :Sahara : le plan d’autonomie marocain soutenu par la France

«Il n’est pas interdit de penser que le recours à ces révélations est un moyen de pression officieux sur le Maroc après que ce dernier ait gagné des points auprès des USA et Israël. La reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis et le rétablissement des relations diplomatiques avec Israël ont profondément changé les vocations stratégiques avec l’Europe», assure l’expert.

Il affirme que la France a été largement dépassée par les États-Unis d’Amérique depuis que ces derniers ont décidé officiellement et par la voie diplomatique de reconnaître la marocanité du Sahara. «Historiquement, on disait que l’Europe en général et la France en particulier sont les alliés stratégiques du Maroc dans la question de son intégrité territoriale. Aujourd’hui, la position américaine a apporté de grands changements à cette grille d’analyse», souligne le politologue.

Une question se pose. L’alliance avec les USA et Israël dérangerait-elle autant la France au point de divulguer des informations mensongères et semer la zizanie au sein de la plus haute sphère du pays ? Difficile pour l’heure de répondre à cette question, mais une chose est sûre, le Maroc fort de sa position affirmée à l’international continuera de prendre note de ces comportements et ne ménagera aucun effort pour y faire face.

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