Accueil / Économie

Mohamed Rahj : «Il faut taper fort sur les personnes qui refusent de payer leurs impôts»

Temps de lecture

Expert et consultant national et international dans le domaine de la fiscalité, Mohamed Rahj analyse pour Lebrief.ma, les chiffres du récent rapport de la Direction générale des impôts (DGI) ainsi que les contours du projet de loi-cadre sur la réforme fiscale. Interview.

LeBrief : Quelle lecture faites-vous du bilan de l’année 2020 de la Direction générale des impôts (DGI) dévoilérécemment ?

C’était une année difficile marquée par la pandémie de la Covid-19 qui a eu un impact important sur les recettes fiscales. On peut faire une lecture sur plusieurs niveaux. D’une part, comme on a réduit les importations, ça a eu un impact négatif sur la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée, NDLR) etles droits de douane. Concernant l’IR (Impôt sur le revenu, NDLR), beaucoup de salariés ont perdu leurs jobs et par conséquent, ils n’avaient rien à cotiser.

Au niveau de la TVA, on a constaté une réduction de la consommation parce que les Marocains se contentaient du minimum. Les dépenses ont porté essentiellement sur les produits alimentaires et les médicaments abandonnant ainsi tout ce qui est superflu. Cependant, il y a tout de même quelques points positifs tels que l’augmentation générale constatée dans les amnisties fiscales qui ont rapporté près de trois milliards de dirhams de recettes supplémentaires.

Lire aussi :Rapport de la DGI : la crise sanitaire a impacté les recettes fiscales

LeBrief : À quoi faut-il s’attendre en 2021 ?

D’après les indicateurs publiés par les différentes instances, il y a une légère reprise de l’activité. Tout le monde s’attend à ce que cette reprise se confirme dans les prochains mois. On s’attend à un taux de croissance d’entre 4,5 et 5,5% qui générera de la valeur ajoutée.

LeBrief : Comment le projet de loi-cadre pourrait-il rendre le système fiscal plus équitable ?

Cela prendra beaucoup de temps. Lors des assises de fiscalité de Skhirat de 2019, tout le monde était d’accord sur la nécessite et l’urgence de garantir l’égalité devant l’impôt. Les choses sont simples. C’est une question de volonté. Il faut faire en sorte que le principe de l’égalité soit assuré. C’est un principe universel qui doit être respecté. Actuellement, vous avez des activités au Maroc qui ne participent pas à l’effort national en matière de fiscalité. Je pense essentiellement au secteur informel. Le manque à gagner est autour de 40 milliards de DHpar an. Ce n’est pas rien.

LeBrief : À votre avis, comment devrait procéder l’administration fiscale pour remédier à ce fléau ?

Grâce à la digitalisation, la traçabilité reste et l’administration fiscale a donc les moyens aujourd’hui de détecter tous les risques en matière d’évasion fiscale. Je pense que ce problème va au-delà de l’administration fiscale, ça devrait être une volonté politique. Il faut agir de telle sorte qu’une partie de l’économie informelle paye ses impôts pour ne pas vivre des dramescomme on l’a vécu il y a quelques mois à Tanger. D’une part, le secteur informel doit participer à cet effort et de l’autre, il faut renforcer les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

LeBrief : Quelles sont les failles détectées sur le plan de l’impôt?

Il faut absolument revoir le système d’imposition en matière d’IRet d’IS (Impôt sur les sociétés, NDLR). Actuellement, dans l’impôt sur le revenu, il y a des taux libératoires ce qui veut dire que vous avez certains secteurs d’activités qui, en payant 15%, sont libérés de toute obligation sur le plan fiscal. Cela concerne le foncier, l’immobilier et l’agriculture ou le taux le plus élevé atteint 20%. De l’autre côté, un simple salarié va payer 38%. Je trouve que c’est un non-sens sur le plan économique, social et sur le plan de l’éthique que quelqu’un paye 15% et qu’un autre paye 38%.

Aujourd’hui, il n’y a plus de confiance entre l’État, le contribuable et l’administration fiscale

Il y a également des sociétés qui payent des impôts et taxes et d’autres qui ne payent rien. Plus de 70% des entreprises ne payent absolument rien mis à part la petite cotisation minimale, car ils déclarent systématiquement des déficits. Il faut une reprise de confiance, car aujourd’hui il n’y a plus de confiance entre l’État, le contribuable et l’administration fiscale. L’élargissement de l’assiette fiscale est possible, mais il suffit de le vouloir et taper fort sur les sociétés qui refusent d’y adhérer, car en fin de compte, c’est une question de citoyenneté.

Lire aussi :Projets de loi-cadre sur la fiscalité et les EEP : un tournant pour le Royaume

Dernier articles
Les articles les plus lu

Quand la croissance des recettes ne freine pas le déficit

Économie - L'exécution budgétaire du Maroc a montré des signes de tensions financières, avec un déficit qui s’est creusé de 11,6 MMDH par rapport à la même période en 2023.

Mbaye Gueye - 20 décembre 2024

Le besoin de financement du Trésor en légère baisse à fin novembre

Économie - À fin novembre 2024, le besoin de financement du Trésor s’est établi à 55,9 MMDH, contre 59,2 MMDH à la même période en 2023.

Rédaction LeBrief - 20 décembre 2024

Légère hausse de l’inflation en novembre 2024

Économie - En novembre 2024, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 0,8% par rapport à novembre 2023, selon le HCP.

Rédaction LeBrief - 20 décembre 2024

Tanger-Tétouan-Al Hoceima : plus de 9.700 entreprises créées au T3-2024 (OMPIC)

Économie - Selon l’OMPIC, 9.761 entreprises ont été créées dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima durant les neuf premiers mois de 2024.

Mbaye Gueye - 20 décembre 2024

12-18 décembre : le déficit de liquidité bancaire se creuse de 2,4%

Économie - Le déficit de liquidité bancaire au Maroc s'est creusé de 2,4%, atteignant 138,9 milliards de dirhams.

Rédaction LeBrief - 20 décembre 2024

Délais de paiement : l’amende réajustée au nouveau taux directeur

Économie - La Direction générale des Impôts (DGI) a annoncé que les factures dont le délai de retard du paiement commence à partir du 1er décembre 2024, sont passibles d’une amende pécuniaire fixée au nouveau taux directeur (TD) de Bank Al-Maghrib (BAM).

Mbaye Gueye - 20 décembre 2024

Casablanca-Pékin : RAM relance sa liaison directe

Économie - La RAM relancera sa ligne directe Casablanca-Pékin dès le 20 janvier 2025, ce qui renforce des liens entre le Maroc et la Chine.

Ilyasse Rhamir - 20 décembre 2024

Essaouira : Akhannouch préside le développement de la station Mogador

Économie - Akhannouch a présidé à Essaouira une cérémonie de signature d’une convention pour le développement de Mogador.

Rédaction LeBrief - 20 décembre 2024
Voir plus

Hard-discount toujours plus bas, mais à quel prix ?

Dossier - Le hard-discount a-t-il trouvé LA recette miracle pour proposer LA bonne affaire ? Pas sûr… la lame peut être à double tranchant.

Sabrina El Faiz - 7 décembre 2024

ANCFCC : bon cru 2020

J.R.Y - 19 mars 2021

La Chambre des représentants adopte le PLF 2025 en deuxième lecture

Économie - La Chambre des représentants a approuvé, à la majorité, en deuxième lecture, le projet de loi de finances (PLF) n°60.24 pour l’année budgétaire 2025.

Mbaye Gueye - 6 décembre 2024

She Impulse : l’AFEM révolutionne l’entrepreneuriat féminin au Maroc

Économie - L’AFEM a dévoilé, mardi 3 décembre 2024, sa nouvelle feuille de route stratégique baptisée « She Impulse : Créateur de valeurs ».

Ilyasse Rhamir - 5 décembre 2024

Tourisme marocain : entre traditions et nouvelles ambitions

Économie - Entre la montée en puissance du tourisme interne et l’importance accrue du tourisme culturel, le Royaume repense son approche pour s’adapter à la demande croissante.

Ilyasse Rhamir - 3 décembre 2024

Pirater ou réguler : le défi BeIN Sport au Maroc

Économie, Entreprise - Face à la prolifération des serveurs IPTV illégaux, qui permettent aux utilisateurs d’accéder à ses contenus sans payer, BeIN Sport s’interroge sur les moyens de protéger ses droits.

Ilyasse Rhamir - 5 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire