Accueil / Économie

La fusion SNRT-2M-Médi1TV analysée par Jean-Claude Fyon

Temps de lecture

Après l’annonce de la restructuration du pôle audiovisuel public par le ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Othman El Ferdaous, Jean-Claude Fyon, expert des médias actif au Maroc, analyse pour LeBrief les impacts de ce regroupement sur l’avenir du secteur et de son écosystème. Entretien.

Le regroupement de la SNRT et de 2M dans une seule organisation était attendu…

Jean-Claude Fyon : Cela fait plus de dix ans que Fayçal Laraïchi était le tycoon en titre d’un pôle public qu’il ne parvenait pas à concrétiser. On serait tenté de dire « enfin! ». Une économie de 150 millions de DH (MDH) est déjà évoquée sur base des synergies à mettre en place, sur un budget global de deux milliards de DH (MMDH). Le contrat de gestion dira jusqu’à quel niveau d’intégration industrielle (y compris en termes d’effectifs) l’efficience gagnera.

On ne s’attendait pas en revanche à ce que le pôle public profite de sa concentration pour faire main basse sur l’opérateur privé Médi1, ce qui pose la question de l’équilibre public-privé. C’est en tant qu’opérateur privé que Médi1 a reçu en 2006 la licence qu’il « revend » aujourd’hui au public sans que le régulateur de l’audiovisuel s’exprime publiquement. 18 ans après la proclamation de la fin du monopole de l’État sur l’audiovisuel,l’opération restaure un contrôle public de fait sur le marché de la télévision nationale.

Pourquoi dites-vous que l’équilibre public-privé est rompu?

Jean-Claude Fyon: Avec le passage de Médi1 au public, le pôle privé de télévision se réduit à peau de chagrin: Chada TV et les projets Dima Kids et Dima Doc. C’est une suite logique. Depuis l’entrée en application en 2005 de la loi sur l’audiovisuel, tout a été fait pour retarder l’arrivée de nouveaux entrants privés. Exemple récent: les chaînes Dima Kids et DimaTVfont partie d’un bouquet de cinq chaînes thématiques, dont trois sont toujours refusées au porteur du projet, ce qui met des bâtons dans les roues de son modèle économique. Si la télévision privée parvient à se développer demain, elle aura manifesté bien du talent.

Le ministre a évoqué la perspective de partenariats public-privé…

Jean-Claude Fyon : Le projet porterait sur des synergies dans le secteur des nouveaux produits, comme l’animation, les jeux vidéo, et aussi sur la réponse aux besoins de formation. Le ministre niche cet appendice dans ce qu’il appelle joliment une zone d’accélération audiovisuelle, et renvoie l’ensemble « après étude sur l’état du marché »…

Fondamentalement, s’ils ne veulent pas détricoter le processus de libéralisation enclenché par le décret-loi de 2002 ouvrant la voie à la libre entreprise de communication audiovisuelle, le gouvernement et le régulateur vont devoir rapidement donner des gages aux opérateurs privés. Cela veut dire permettre aux projets télévisuels du privé d’aboutir pleinement. Cela veut dire aussi permettre aux radiodiffuseurs privés en place de se renforcer par la création de programmes complémentaires susceptibles d’asseoir leur pérennité économique. Se pose également la question du partage équitable des ressources du Fonds pour la promotion du paysage audiovisuel et des annonces. Ce fonds a servi à combler les déficits de la SNRT.La dernière loi de finances en a ouvert le bénéfice aux acteurs privés de la Radio-TV, mais leur part resterait très marginale:40 MDH grand max (sur un total de plus de 350 MDH).

Quel sera l’impact de la fusion sur le marché de la publicité ?

Jean-Claude Fyon: Le pôle public veut mettre en place une régie pour toutes ses chaînes TV et radio. Les négociations sont avancées pour le rachat par la SNRT de Régie 3 (qui commercialise déjà les espaces publicitaires de 2M et Médi1). Les annonceurs TV risquent de se retrouver demain face à un interlocuteur unique en situation de leur imposer ses prix. Pour le Conseil de la concurrence, il y a là matière à s’autosaisir face au risque d’abus de position dominante.

Quelle place pour le public dans cette transformation de la télévision publique?

Jean-Claude Fyon : On verra comment le pôle public redessine son offre de valeur et quel rôle le régulateur sera en mesure de jouer dans l’établissement des cahiers des charges. Au-delà de l’offre qui pourra être présentée par le pôle public, la diversité est un gage de qualité qui s’obtient aussi par une pluralité d’acteurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Un standard de qualité international (ISAS 9001) a été développé depuis 2003 pour les services audiovisuels. En 2016, la HACA a participé à la mise à jour de cette norme sans qu’elle soit d’application au Maroc. Ce standard permet aux médias de mesurer leur conformité à une série de critères, dont, précisément, la satisfaction de l’audience, la qualité et la diversité des contenus et des points de vue, l’innovation et la créativité, l’indépendance éditoriale et managériale, la participation et l’interactivité…

La transformation du pôle public offre une bonne occasion de mettre l’audiovisuel public national à l’épreuve de cette norme qualitative.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Bank Al Maghrib : réduction du taux directeur à 2,5%

Économie - Le Conseil de Bank Al Maghrib (BAM) a annoncé, lors de sa dernière réunion trimestrielle, une baisse de son taux directeur de 25 points de base.

Rédaction LeBrief - 17 décembre 2024

Cryptomonnaies : le Maroc se prépare à encadrer le marché

Économie - Les autorités financières nationales ont décidé de passer de l’interdiction pure à la régulation de la cryptomonnaie.

Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024

Attijariwafa bank : visa de l’AMMC pour l’émission d’un emprunt obligataire subordonné de 1,5 MMDH

Économie - L'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) a annoncé avoir visé, vendredi dernier, un prospectus relatif à l'émission d'un emprunt obligataire subordonné d'un montant global maximal de 1,5 MMDH.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Entrepreneuriat : plus de 68.000 entreprises créées en 2024

Économie - Selon les derniers chiffres dévoilés par l’OMPIC, 68.263 entreprises ont vu le jour au Maroc au cours des 9 premiers mois de 2024.

Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024

Intermédiaires d’assurances : l’ACAPS a émis 284 décisions en 2023 (rapport)

Économie - L'ACAPS a émis 284 décisions relatives aux intermédiaires d'assurances en 2023, contre 264 décisions en 2022.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Marrakech accueille le congrès annuel de KATA pour séduire le marché touristique coréen

Économie - L’Office National Marocain du Tourisme, a réussi un coup stratégique en accueillant, pour la première fois, le congrès annuel de KATA, à Marrakech.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Un volume d’échanges de 1,21 MMDH à la Bourse de Casablanca

Économie - La bourse de Casablanca a clôturé, ce lundi, avec un volume global des échanges qui a dépassé 1,2 milliards de dirhams (MMDH)

Mbaye Gueye - 16 décembre 2024

Bourse de Casablanca : près de 4,2 MMDH levés, 6 IPO opérées sur 4 ans

Économie - Depuis 2020, la bourse de Casablanca a réalisé six introductions en bourse (Initial Public Offering) pour un montant global souscrit à 82,3 s MMDH, avec des levées de près de 4,2 MMDH.

Mbaye Gueye - 16 décembre 2024
Voir plus

L’ONMT s’allie à Norwegian pour relier Tanger à Copenhague

Économie - L’ONMT a signé un partenariat avec la compagnie aérienne Norwegian pour lancer une liaison aérienne directe.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

PLF 2025 : un budget citoyen pour tous

Économie - Le budget citoyen détaille les notions liées au budget de l’État ainsi que les étapes de préparation et d’approbation du PLF

Ilyasse Rhamir - 26 novembre 2024

Agadir : entre tourisme et défis climatiques

Économie - Agadir est devenue en quelques années un havre de paix pour des milliers de retraités français. Cependant, cette douceur de vivre s’accompagne de défis environnementaux et sociaux, notamment la crise de l’eau.

Ilyasse Rhamir - 29 novembre 2024

Entrepreneuriat : plus de 68.000 entreprises créées en 2024

Économie - Selon les derniers chiffres dévoilés par l’OMPIC, 68.263 entreprises ont vu le jour au Maroc au cours des 9 premiers mois de 2024.

Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024

Gouvernement-syndicats : réforme fiscale et hausse des salaires

Économie - L'accord du gouvernement lors de la session d'avril 2024 du dialogue social central marque une avancée pour les revenus des salariés au Maroc.

Chaima Aberni - 6 mai 2024

AIF 2024 : signature de trois accords entre le Maroc et la BAD

Économie -Le gouvernement marocain a procédé à la signature de trois accords de financement avec la Banque africaine de développement (BAD).

Mbaye Gueye - 5 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire