C’est une page de tournée pour l’un des plus importants groupes privés du royaume. Cette semaine a connu l’annonce du changement de l’identité institutionnelle du Groupe FinanceCom sous la dénomination O Capital Group. C’est le résultat de la fusion de deux holdings familiales. Il faut dire que la démarche s’inscrit dans le cadre d’une mesure incitative créée en 2020 afin d’encourager les groupes familiaux à se restructurer autour d’une société holding. Une mise à niveau nécessaire pour être en phase avec les exigences de l’économie mondiale. C’est d’autant plus impactant quand on sait qu’au Maroc, plus de 90% des entreprises sont familiales.

L’information a fait jaser dans les milieux d’affaires. L’abandon par Othman Benjelloun de la dénomination FinanceCom revêt une grande symbolique. Le personnage est un grand entrepreneur. C’est aussi l’un des investisseurs qui a su bien placer ses billes dans des secteurs clés : banque, assurance, télécoms, transport, tourisme… «Grâce à la fusion des deux holdings familiales (FinanceCom et Holding Benjelloun Mezian, ndlr) et à la réorganisation des portefeuilles d’activité, O Capital Group se dote d’un capital social d’un milliard de DH et des moyens élargis lui permettant de poursuivre ses investissements et de développer sereinement son ancrage et son rayonnement sur l’échiquier national, continental et mondial», précise un communiqué du Groupe. Toute entité familiale étant contrôlée par les membres d’une même famille, elle se compose en général du père, de l’épouse et, le plus souvent, des enfants, dans une perspective de succession. On ne peut d’ailleurs qualifier une entreprise de familiale qu’au bout de la seconde génération. C’est le schéma retenu par O Capital Group puisque les actions sont partagées entre le fondateur Othman Benjelloun, son épouse Leila Mezian, son fils Kamal et sa fille Dounia.

Les grandes holdings familiales

Il y a tout d’abord Al Mada, holding d’investissement détenue par la famille royale. En 1980, feu Hassan II décide de racheter les participations de Paribas dans l’ex Omnium nord-africain (ONA) qui fusionnera avec la Société nationale d’investissement (SNI) en 2010 avant que cette dernière ne devienne Al Mada en 2018. Aujourd’hui, Al Mada est l’un des plus grands fonds d’investissements à capitaux privés de la scène panafricaine. Il opère dans sept secteurs : services financiers, matériaux de construction, distribution, télécommunications, mines, énergie, immobilier et tourisme. Le pilotage stratégique et opérationnel d’Al Mada est assuré par cinq organes de gouvernance : un Conseil d’Administration composé de 12 personnalités qualifiées issues du monde des affaires, qui se réunit deux fois par an et quatre comités spécialisés émanant du Conseil d’Administration pour lesquels leurs différents membres apportent expertise et expérience spécifiques. À la tête de la holding royale, Hassan Ouriaghli occupe le poste de président-directeur général.

HO

En juillet 2020, le magazine Forbes a établi un classement intitulé les « 100 entreprises familiales arabes les plus puissantes au Moyen-Orient 2020 ». Quatre groupes marocains figuraient dans ce top 100. Il s’agit dans l’ordre d’Akwa (25e), FinanceCom devenu O Capital Group (38e), Diana Holding (83e) et Holmarcom (88e).

En tête du classement, on retrouve aussi le groupe Akwa de la famille Akhannouch. Créé en 1959, le groupe englobe une dizaine d’entreprises, dont Afriquia Gaz, qui possède l’une des plus grandes capacités de stockage de gaz au Maroc, indiquait Forbes. Puis Diana Holding créée par Brahim Zniber en 1956 et qui opère dans l’agriculture, l’élevage, l’aviculture, le commerce et la distribution. Et enfin, le groupe Holmarcom, fondé par Abdelkader Bensaleh en 1978 avec des entreprises de grande taille dans la finance, l’immobilier, l’agro-industrie, la distribution et la logistique.

Holmarcom

La liste dressée par Forbes n’inclut pas d’autres mastodontes de l’économie marocaine comme Sanam Holding de la famille Alj qui détient des participations dans plusieurs sociétés exerçant dans la distribution, le tourisme, le cinéma et l’immobilier commercial. D’autres groupes ont aussi leurpoids aussi bien à l’échelle nationale que continentale à l’instar de Saham Group, holding créée en 1995 par Moulay Hafid Elalamy et dirigée aujourd’hui par ses enfants. Le groupe est depuis plus de deux décennies un acteur africain dans les domaines de l’assurance, l’assistance, l’offshoring, la santé et l’immobilier. Dans ce secteur du bâtiment, on ne peut passer outre les groupes Addoha de la famille Sefrioui et Alliances appartenant à la famille Alami Lazraq. Et pour conclure, Ynna Holding fondé en 1948 par feu Miloud Chaâbi et qui est actif aussi bien dans l’immobilier, l’industrie, le BTP et l’hôtellerie que dans la grande distribution et l’agroalimentaire.

L’entreprise familiale, un modèle gagnant?

Un travail mené dans le cadre d’un partenariat entre le groupe de recherche « Chaire des entreprises familiales » de ESCA Ecole de Management et Casablanca Finance City (CFC) a révélé en 2018 que les entreprises familiales cotées en bourse sont plus performantes financièrement que les entreprises non familiales et représentent de ce fait de bonnes opportunités pour les investisseurs. Sur l’échantillon étudié de 16 valeurs, et en se basant sur les critères Rendement-Risque, l’auteur Mohamed Mounir Amine a constaté que les entreprises familiales ont une performance, statistiquement significative, supérieure à celle du marché représenté par l’indice Masi. «Elles offrent un potentiel de gain, surtout à long terme et sont moins risquées que le marché», constatait-il.

De par le monde, ce sont bel et bien les entreprises familiales qui ont créé des sagas dans le monde de l’entrepreneuriat. Les grands conglomérats qui opèrent dans de nombreux secteurs et pays sont à l’origine de petites entreprises familiales qui ont grandi grâce au labeur de plusieurs générations. Parmi quelques-unes des entreprises familiales connues, citons : Salvatore Ferragamo, Benetton et le Groupe Fiat en Italie ; L’Oréal, le Groupe Carrefour, LVMH et Michelin en France ; Samsung, Hyundai Motor et le Groupe LG en Corée du Sud ; BMW et Siemens en Allemagne ; Kikkoman et Ito-Yokado au Japon ; et enfin Ford Motors Co et les magasins Wal-Mart aux États-Unis. L’importance de labonne gouvernance de ces firmes tentaculaires a poussé le Fonds monétaire international (FMI) via la Société financière internationale (SFI) à créer un Manuel de gouvernance des entreprises familiales.

Transmission etpérennisation du patrimoine

À la mort du self made man Miloud Chaâbi, c’est son épouse Mama Tajmouati qui a hérité de la présidence de Ynna Holding. La transition s’est faite en douceur et sans accroc. Saïd Alj, fondateur et toujours président du groupe Sanam a pour sa part décidé de passer la main à ses enfants Mehdi et Kenza progressivement depuis plusieurs années. Mais ces deux exemples ne sont malheureusement pas très courants au sein des holdings familiales qui connaissent de sérieux problèmes de succession.

Selon le Baromètre BDO-ANPME rendu public en 2009, 40% des entreprises familiales marocaines sont en phase de transmissionà la seconde génération. Le côté familial y est pour quelque chose, le fondateur cherche toujours quelqu’un qui lui ressemble pour lui transmettre son entreprise. Mais cela n’explique pas tout. Les dirigeants des entreprises familiales ont de la difficulté dans la définition d’une vision stratégique commune, l’attribution de postes de direction, la communication entre les différents actionnaires et l’intégration des nouvelles générations.

«Beaucoup de groupes familiaux n’anticipent pas la transmission et la pérennisation d’un patrimoine qui est souvent l’œuvre d’une vie voire de plusieurs générations», expliquait Benzarti Wassim, dirigeant du cabinet Westfield Morocco à Casablanca dans les colonnes de L’Observateur du Maroc et d’Afrique au mois de décembre 2020. L’expert préconisait la restructuration des groupes familiaux autour des sociétés holdings pour permettre aux dirigeants de préparer la transmission de leur patrimoine tout en le sécurisant et en plaçant leurs héritiers dans des postes à responsabilités.

À noter que depuis le 1er janvier 2020, une exonération fiscale est accordée pour la constitution d’entreprises familiales en holding. Le passage à une société holding est justifié par la nécessité de faciliter la transmission et d’opter pour un système de gestion plus performant. Une piste pour régler cet épineux problème qui tourmente le monde entrepreneurial. En effet, la presse rapporte fréquemment des cas de litiges familiaux portés devant les tribunaux et qui sont parfois dévastateurs pour des groupes familiaux voire destructeurs d’emplois. Comment concevoir qu’un groupe privé, leader de son secteur, soit dilapidé par un membre de la famille sans scrupule ou sans expérience?

Mises à mal par la crise liée à la pandémie de Covid-19, les entreprises familiales tentent tant bien que mal d’innover et de diversifier leurs activités pour survivre. La plupart des entreprises familiales marocaines optent pour le statut juridique Société à responsabilité limitée (SARL). En cette ère de disruption et de transformation des modèles traditionnels, le nombre d’entreprises familiales tirant partie des opportunités apportées par les nouvelles technologies et la transformation digitale a considérablement augmenté. Il est intéressant de voir une nouvelle génération d’entrepreneurs fonder des startups familiales. C’est le cas d’un frère et d’une sœur issue d’une famille d’entrepreneurs.

Amine et Zineb

Forts de leur expérience professionnelle commune en tant que Business Manager en cabinet de conseil, Amine et Zineb Khayatei ont créé «Kwiks, FastRecruiter Community» avec l’ambition de démocratiser l’accès à un recrutement de qualité. Un bel exemple d’aventure entrepreneuriale 2.0 en familleet pourquoi pas une future holding marocaine en devenir…

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