Temps de lecture : 5 minutes

Accueil / Histoire / 11 juin 1936 : premières grandes grèves des Marocains sous protectorat

11 juin 1936 : premières grandes grèves des Marocains sous protectorat

Temps de lecture : 5 minutes

Gros plan

Temps de lecture : 5 minutes

En 1936, le Maroc, alors sous protectorat français, fut le théâtre de mouvements sociaux significatifs marqués par une série de grèves ouvrières. Ces événements constituèrent une étape clé dans l’histoire de la lutte pour les droits des travailleurs marocains et révélèrent les tensions croissantes entre les aspirations sociales des ouvriers et les structures coloniales en place.

Temps de lecture : 5 minutes

Sous protectorat français, il fallait faire et se taire. Les travailleurs marocains avaient évidemment moins de droits et d’opportunités que les fonctionnaires français. Les conditions sociales n’étaient pas idéales. Et c’est peu dire.

Les années 1930 furent marquées par une montée en puissance des mouvements ouvriers à travers le monde, notamment en Europe, où les revendications pour de meilleures conditions de travail et des droits sociaux prenaient de l’ampleur. Le Maroc, sous protectorat français depuis 1912, n’échappa pas à cette vague de contestation. Il faut dire que la crise économique mondiale de 1929 avait exacerbé les conditions de vie des ouvriers. Ceux-ci se trouvaient de plus en plus marginalisés et exploités par un système colonial favorisant les intérêts économiques de la métropole au détriment des populations locales.

En 1936, plusieurs facteurs contribuèrent à l’émergence des grèves au Maroc. Le Front populaire, arrivé au pouvoir en France en 1936, apporta avec lui des réformes sociales qui nourrirent les espoirs des travailleurs marocains. La création de la Confédération générale du travail (CGT) au Maroc a permis aux ouvriers de s’organiser et de faire entendre leurs revendications de manière plus structurée et unifiée.

11 juin 1936 : premières grandes grèves des Marocains sous protectorat

Les grèves de juin 1936 au Maroc
Albert Ayache

Le 11 juin 1936

Le Maroc sous protectorat n’avait jamais vu une mobilisation urbaine de cette envergure. Le 11 juin 1936, une grève générale est déclenchée dans les principales villes. Travailleurs marocains et français marchent ensemble dans les rues des principales villes industrielles : Casablanca, Rabat, Fès, Khouribga et Louis-Gentil (aujourd’hui Youssoufia). Le Maroc, touché de plein fouet par la crise internationale, voit l’appauvrissement des classes les plus vulnérables tout au long des années 1930. L’exode rural augmente le nombre de personnes dans une classe ouvrière qui proteste contre des conditions de travail très dures. La colère monte et, à l’été 1936, le problème devient politique.

Les principales revendications portaient sur l’amélioration des conditions de travail, l’augmentation des salaires, la réduction des heures de travail et l’établissement de droits syndicaux. Les travailleurs marocains, inspirés par leurs homologues européens, commencèrent à réclamer une justice sociale qui leur était largement refusée par les autorités coloniales.

Lire aussi : Le 11 janvier 1944 : un tournant dans l’histoire du Maroc

En France, même son de cloche: Front populaire, 1936, déguisements et sketches lors des grèves dans une cour d’usine. Un homme tient un panneau « Ce que nous ne voulons plus voir », et un homme, « Le capital », tient en laisse un camarade, « La misère » © DR – Mémoires d’Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

En France, même son de cloche: Front populaire, 1936, déguisements et sketches lors des grèves dans une cour d’usine. Un homme tient un panneau « Ce que nous ne voulons plus voir », et un homme, « Le capital », tient en laisse un camarade, « La misère » © DR – Mémoires d’Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

Dès leur début, en mai 1936, les grèves touchèrent plusieurs secteurs, notamment les chemins de fer, les ports et les mines. Les cheminots marocains, par exemple, se mirent en grève pour exiger des augmentations de salaire et une réduction du temps de travail. Les dockers des ports de Casablanca et de Tanger suivirent le mouvement, paralysant les activités portuaires et mettant en lumière la dépendance de l’économie coloniale à la main-d’œuvre locale.

Les autorités françaises réagirent avec une combinaison de répression et de concessions limitées. La répression prit la forme d’arrestations, de violences policières et de licenciements massifs. Cependant, face à la détermination des grévistes et à la pression internationale croissante, certaines concessions furent accordées, telles que des augmentations de salaire modestes et des améliorations mineures des conditions de travail.

L’historien Albert Ayache observe : «Ces colères s’aggravaient de passions politiques qui opposaient, comme en France, droite et gauche, Croix de Feu et Front populaire ! L’opposition marocaine urbaine, conduite par de jeunes intellectuels groupés dans le Comité d’Action Marocaine, se manifestait uniquement sur le plan des idées». Bien que certaines revendications des travailleurs soient partiellement satisfaites, celles des premiers nationalistes sont réprimées.

Lire aussi : RDC : le roi Philippe de Belgique «regrette» les abus de l’époque coloniale

Un tournant historique

Les grèves de 1936 marquèrent un tournant important dans l’histoire sociale du Maroc. Bien que les gains obtenus aient été limités, ces événements consolidèrent la conscience de classe parmi les ouvriers marocains et renforcèrent les mouvements syndicaux. La solidarité manifestée durant les grèves contribua à forger une identité ouvrière collective et à sensibiliser davantage la population marocaine aux injustices sociales engendrées par le système colonial.

Ces grèves eurent également un impact sur le mouvement nationaliste marocain. Les revendications ouvrières et les luttes sociales commencèrent à se lier de manière plus étroite aux aspirations pour l’indépendance nationale. Les nationalistes marocains réalisèrent que la lutte pour les droits sociaux et économiques était intrinsèquement liée à la lutte contre la domination coloniale.

Laissez-nous vos commentaires

Temps de lecture : 5 minutes

La newsletter qui vous briefe en 5 min

Chaque jour, recevez l’essentiel de l’information pour ne rien rater de l’actualité

Et sur nos réseaux sociaux :

protectorat

3 octobre 1603 : mort d’El Mansour Dahbi

Le règne d’Ahmed El Mansour commence sous le signe de la victoire. En 1578, son frère, le sultan Abd al-Malik, meurt pendant la bataille de …
protectorat

Historique : découvertes archéologiques à Oued Beht

Trêve de bavardages et de suspens, venons-en aux faits. Les fouilles, réalisées sur le site de Oued Beht, près de Khémisset, ont révélé des …
protectorat

Il était une fois… la belle Essaouira

Amoureux de nature, de paix et d’ambiance mystique, la ville d’Essaouira est faite pour vous. Située sur la côte atlantique du Maroc, la Per…
protectorat

A l’origine de la commémoration de Mawlid Annabawi au Maroc

Selon les récits historiques, c'est à l'époque des Fatimides, une dynastie chiite qui régnait en Égypte, que les premières célébrations ont …
protectorat

Il était une fois la Brigade marocaine, un 5 septembre 1914

En 1914, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, l'Europe plonge dans un conflit d'une ampleur sans précédent. Les forces allemandes ava…
protectorat

30 août 1993 : inauguration de la Mosquée Hassan II

Érigée à moitié sur l’eau, à moitié sur terre, la Mosquée Hassan II de Casablanca symbolise tout le savoir-faire marocain. Le projet de la M…
protectorat

Du 5 au 22 août 1907 : le bombardement de Casablanca

Au début du XXe siècle, le Maroc se trouve dans une situation politique instable, entre les visées expansionnistes des puissances européenne…
protectorat

20 août 1953 : exil du roi Mohammed V à Madagascar

Au début des années 1950, le Maroc, sous protectorat français depuis 1912, voit les tensions entre les autorités coloniales et les nationali…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire