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Maroc-Espagne : crise ouverte entre les deux royaumes

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Les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Espagne sont de plus en plus tendues. Ce mardi, l’ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich, a été rappelée pour consultation à Rabat. Le Royaume attend toujours des réponses convaincantes de la part de l’Espagne concernant l’accueil de Brahim Ghali, chef du Polisario, sur ses terres et indique que «sous-estimer le Maroc se paie cher et comptant».

C’est un véritable bras de fer auquel se livrent le Maroc et l’Espagne depuis près d’un mois. L’arrivée de Brahim Ghali, chef du mouvement séparatiste du Polisario, le 23 avril dernier en Espagne sous une fausse identité, a déclenché une véritable crise diplomatique entre les deux pays. Le Maroc a exigé des réponses claires sur cet acte, mais ne les a pas reçues. L’Espagne a simplement mentionné que cette arrivée se justifie par «des raisons humanitaires»liées à l’état de santé de Brahim Ghali. Un argument qui est très mal passé du côté du département de Nasser Bourita.

Cet accrochage s’est aggravé depuis le lundi 17 mai 2021. En effet, plus de 8.000 migrants sont arrivés (pour la plupart à la nage) à Sebta depuis la ville de Fnideq. L’Espagne, qui n’a jamais connu un flux de migrants aussi grand dans le préside occupé, a renvoyé 4.800 migrants à Fnideqdurant ces dernières 48 heures.

Le pays ibérique accuse directement le Maroc d’avoir contribué à l’entrée des migrants. «L’Espagne est actuellement défiée par un pays tiers, le Maroc», a déclaré ce mercredi matin Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol, ajoutant qu’il ne s’agit «pas seulement d’un manque de respect envers l’Espagne, mais envers toute l’Union européenne».

Par ailleurs, l’ambassadrice marocaine Karima Benyaich a été convoquée mardi au bureau de la ministre des Affaires étrangères espagnole Arancha Gonzalez Laya. «Je lui ai rappelé que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l’Espagne et du Maroc», a soulignéla ministre espagnole dans un point de presse. Quelques heures plus tard, l’ambassadrice marocaine a étérappelée à Rabat pour consultation. Dans un entretien à l’Agence Europa Press, Karima Benyaich indiquera quedans les relations entre pays, les actes ont des conséquences, et «il faut les assumer».

L’Europe a également haussé le ton. Le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a déclaré sur une radio publique espagnole que l’Europe ne se laisserait intimider par personne sur le thème migratoire. Il indique que Sebta est «une frontière européenne et ce qui se passe là-bas n’est pas le problème de Madrid, c’est le problème de tous les Européens».

De son côté, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes Clément Beaune a souligné que «l’afflux de milliers de migrants sur Sebtan’est pas une « crise migratoire » mais un « moment difficile » dans la relation entre le Maroc et l’Espagne, et plus largement l’Union Européene. Le responsable français aassuré « la solidarité complète » apportée à l’Espagne car selon lui, «l’entrée en territoire espagnol, c’est l’entrée en Europe, et donc protéger les frontières de l’Espagne c’est protéger les frontières de l’Europe».

L’Espagne débloque 30 millions d’euros au Maroc

Le quotidien espagnol El Paisa souligné ce mardi que le pays ibérique a approuvé, lors de son Conseil des ministres de ce mardi 18 mai, l’octroi de 30 millions d’euros au Maroc pour freiner l’immigration irrégulière. Ce don était déjà prévu dans le budget, mais a été accordé ce mardi en pleine crise entre les deux pays. C’est la deuxième fois que l’Espagne consacre une aide directe au Maroc dans ce domaine après un versementde 32 millions d’euros lors de l’été 2019.

Par ailleurs, l’Espagne, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Arancha Gonzalez Laya, a demandé au parti politique espagnol Podemos de «ne pas entrer dans la provocation avec le Maroc». Elle souligne que «l’Espagne court un risque grave si le gouvernement entre dans une provocation avec le Maroc». Aranacha Gonzalez Laya préconise «un assouplissement de la position espagnole sur le Sahara». D’après le site espagnol El Confidential Digital, la ministre a adressé des instructions spécifiques aux représentants de Podemos pour éviter, dans ces moments de tension maximale, d’exiger un référendum au Sahara, de ne pas proposer d’accueillir les dirigeants du Front Polisario et de ne pas accuser Rabat de «faire chanter l’Espagne».

«Sous-estimer le Maroc se paye cher»

Mustapha Ramid, ministre d’État en charge des droits de l’Homme et des relations avec le Parlement, est revenu sur son compte Facebook sur la tension qui règne entre les deux pays.

«L’accueil par l’Espagne du chef des milices séparatistes du Polisario, sous une fausse identité, sans tenir compte des relations de bon voisinage qui exigent coordination et consultation, ou du moins de prendre le soin d’en informer le Maroc, est un acte irresponsable et totalement inacceptable», souligne Ramid, qui juge que l’Espagne a l’obligation de respecter les droits du Maroc dans la mesure où celui-cirespecte les siens. «Qu’attendait l’Espagne du Maroc quand elle a hébergé le responsable d’une bande qui a pris les armes contre lui ? Qu’aurait perdu l’Espagne si elle avait consulté le Maroc au sujet de l’accueil de cet individu ? Pourquoi l’Espagne n’a-t-elle pas annoncé la présence sur son sol de l’individu en question en sa véritable identité ? N’est-ce pas là une preuve de sa conscience que l’acte commis est contraire aux relations de bon voisinage ?», s’exclame Mustapha Ramid.

Ce dernier souligne que «l’Espagne a préféré sa relation avec le mouvement séparatiste du Polisario et son mentor l’Algérie à sa relation avec le Maroc qui a tant sacrifié au nom du bon voisinage. Le Maroc est donc dans son plein droit de faire savoir à l’Espagne l’ampleur de ses souffrances au nom de ce bon voisinage et qu’il ne va pas accepter de sous-estimation, afin qu’elle puisse revoir sa politique et ses relations avec son voisin et respecter ses droits comme il respecte les siens».

Des précédents dans les relations tendues entre les deux pays

Ce n’est pas la première fois que le Maroc vit une période délicate avec son voisin de l’autre côté de la Méditerranée. En juillet 2002, un conflit avait éclaté entre les deux pays à propos de l’îlot Leila-Perejil situé à huit kilomètres de Sebta. Des membres des forces auxiliaires marocaines s’étaientpositionnées sur l’îlot pour y établir un poste de contrôle dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine. L’Espagne avait considérécet acte comme une invasion de “son territoire” et avait mobiliséplusieurs bateaux de guerre et hélicoptères dans la région. La crise diplomatique entre les deux pays dura au total près de quinze mois avant de rentrer dans l’ordre.

Plus récemment, en août 2014, un patrouilleur de la Guardia Civil a intercepté un yacht du roi Mohammed VI. Cet événement a conduit Rabat à suspendre la coopération en matière de sécurité avec l’Espagne et plus de 1.400 migrants sont arrivés sur les côtes espagnoles en deux jours. Le gouvernement de Mariano Rajoy a fini par s’excuser par différents canaux et a renvoyé le lieutenant-colonel Andrés López Garcia qui commandait la Guardia Civil à Sebta.

Une chose est sûre, les tensions entre le Maroc et l’Espagne peuvent durer des semaines ou même des mois, mais aucun des deux pays ne peut se permettre une crise permanente, car les enjeux sont beaucouptrop importants.

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