Temps de lecture : 10 minutes

Accueil / Société / Laylat Al-Qadr : les secrets d’une nuit bénie

Laylat Al-Qadr : les secrets d’une nuit bénie

Temps de lecture : 10 minutes

Dossiers

Temps de lecture : 10 minutes

À l’instar des autres pays du monde islamique, le Maroc commémore Laylat Al-Qadr (la Nuit du Destin) dans des circonstances bien particulières à cause de la pandémie de la Covid-19. Pas de prières surérogatoires (Tarawih et Tahajjoud) dans les mosquées à cause du couvre-feu nocturne instauré pendant ce mois sacré. Néanmoins, les fidèles tiennent à veiller et à profiter des bienfaits de cette nuit hors du commun, celle où le Coran a été révélé.

Temps de lecture : 10 minutes

«C’était peut-être la nuit d’hier», affirme Mustapha. «Non, ça sera probablement celle de demain», rétorque Brahim. Même si on a pris l’habitude de commémorer cette Nuit la veille du 27e jour du ramadan, en réalité, Laylat Al-Qadr n’est pas définie avec précision. D’après le prophète (PSL), cette nuit est l’une des nuits impaires des dix derniers jours du mois de Ramadan, soit celles du 21, 23, 25, 27 ou celle du 29. C’est la nuit pendant laquelle l’Archange Jibril (Gabriel) est descendu révéler au Messager de Dieu la parole divine. Sa date est restée secrète afin que les croyants soient plus motivés et mobilisés dans l’espoir que leurs invocations coïncident avec la nuit la plus sacrée de l’année. Laylat Al-Qadr est une nuit de prière et de dévotion. Citée par le Coran comme étant meilleure que mille mois (83 ans et quatre mois), au cours de cette nuit, les portes du ciel s’ouvrent et les anges et l’Esprit descendent sur terre. Dieu a dit: «En vérité, Nous avons révélé le Coran dans la nuit de la Destinée. Et quelle merveilleuse nuit que la nuit de la Destinée ! Car la nuit de la Destinée vaut plus que mille mois réunis ! C’est au cours de cette nuit que descendent, avec la permission de leur Seigneur, les anges et l’Esprit saint pour exécuter tout ordre divin. Et c’est au cours de cette nuit que règne une paix ineffable jusqu’au lever de l’aurore !» (Sourate Al-Qadr)

Une nuit de haute spiritualité

Quelques signes annonciateurs nous permettent toutefois de reconnaître Laylat Al-Qadr. On rapporte, selon certaines interprétations et textes, que c’est une nuit lumineuse remarquable dans le milieu rural pendant laquelle tout Musulman ressent une paix et une quiétude uniques. Et quand le soleil se lève à l’aube, il n’y a pas de rayons. Selon les grands oulémas, c’est lors de cette nuit que s’écrit le destin de l’année en cours, conformément à la volonté de Dieu. C’est la nuit pendant laquelle le Tout-Puissant décrète le destin de toutes les créatures jusqu’à l’année suivante. Il ne s’agit pas du destin absolu auprès d’Allah et qui n’est pas modifiable, mais plutôt du destin révélé aux anges et qui est modifié chaque année selon les actes des êtres humains, d’où la parole prophétique: «Ne repousse le destin que l’invocation» ou encore le Hadith: «la personne peut être privée de subsistance à cause d’un péché qu’elle commet». C’est en cette nuit que sont inscrits les vivants et morts, les personnes honorées et celles avilies ainsi que les différentes subsistances qui seront partagées.

D’innombrables bénédictions

Laylat Al-Qadr est une nuit bénie parce que la bénédiction y est placée du début à la fin. Le compagnon Abou Hourayra a rapporté les propos suivants du prophète (PSL) : «Quiconque veille la Nuit du Destin et prie avec foi et conviction, Dieu absout tous ses péchés passés». Allah associe cette nuit à des mérites incroyables et uniques. Les souhaits de Laylat Al-Qadr sont exaucés par Dieu. Parmi les autres mérites de cette nuit, les anges descendent avec la permission du Seigneur pour répandre miséricorde et paix jusqu’à l’aube. Pour ceux qui ont le cœur ouvert, la sérénité est ressentie au plus profond de soi. Il faut donc multiplier les prières l’essentiel de la nuit, voire toute la nuit pour avoir un maximum de récompense. C’est ainsi que veillait le prophète (PSL) pendant les nuits de la dernière décade du ramadan. Aïcha, Mère des Croyants disait: «Lorsque le prophète (PSL) atteignait les dix dernières nuits du mois de Ramadan, il se serrait la ceinture (il redoublait d’efforts pour se consacrer à l’adoration), il réveillait sa famille pour la prier et il passait ses nuits en prière». La seconde œuvre méritoire recommandée durant les dix dernières nuits du mois sacré est « al-iâtikaf » (retraite pieuse) qui ne se réalise que dans la mosquée selon certaines conditions.

Quelques recommandations

La démarche n’est pas seulement personnelle, elle est aussi collective. Ainsi, pendant cette nuit du mois de ramadan, habituellement (hors pandémie), il y a une grande affluence dans les mosquées du monde entier, qui toutes vibrent de récitations coraniques, de demandes de pardon et de prières. La demande de pardon est vraiment le cœur de cette nuit, qui elle-même est le cœur du mois de ramadan. Pour profiter pleinement de cette nuit exceptionnelle, il y a un « douaâ » (invocation) que le prophète (PSL) a conseillé à Aïcha de répéter pendant Laylat Al-Qadr: «Allah, Tu es pardonneur, Tu aimes pardonner, Pardonne-moi!».Parmi les autres recommandations : «Renforcez également vos prières et essayez de restez éveillés. Pensez aux gens affaiblis qui voudraient bien retrouver leur foi et profiter des bénédictions des dix derniers jours de ramadan», précise un imam casablancais. Il ajoute qu’il est recommandé de faire de longues veillées de prière (qiyâm) durant les nuits où la Nuit du Destin est attendue et d’abandonner les plaisirs mondains pour s’adonner à l’adoration.

Selon le professeur des études islamiques, Abdelkamel Boulaamane, le sens du « qadr »est la vénération ou l’honneur, c’est-à-dire que c’est une nuit qui est vénérée en raison de ses caractéristiques particulières, et parce que celui qui veille pendant cette nuit devient un homme d’honneur. On dit aussi, poursuit-il, « qadar »qui signifie qu’en cette nuit, toutes les choses et tous les actes de l’année à venir sont ordonnés et décidés, conformément à la parole de Dieu :«…Durant laquelle est décidé tout ordre sage». Cette nuit à laquelle une Sourate entière du Saint-Coran est dédiée, marquant ainsi sa singularité et son importance, est similaire au Hajj (pèlerinage), qui une fois accompli de manière correcte, équivaut à une nouvelle naissance de l’Homme; la journée de Arafat étant connue pour être la journée du pardon. Enfin, les savants insistent sur la réalisation de bonnes œuvres (charité, bienfaisance, solidarité) pendant cette nuit. La concurrence dans le bien est largement récompensée pendant cette nuit bénie.

Attention par contre à certaines croyances populaires qui ont la peau dure. Nombre de Marocains croient à des charlatans qui poussent les plus fragiles vers l’inconnu. Beaucoup de gens perdent facilement de vue certains principes et recommandations de la Sunna relatifs à cette nuit. Il est regrettable de voir que cette nuit est aussi une occasion pour certains de s’adonner à des rituels maléfiques. En effet, cette nuit constitue, avec Achoura, les moments les plus rentables pour les chouafates (voyantes) et autres «fqihs» arnaqueurs. Ils sont sollicités pour la soi-disant fidélisation des maris, « alqoboul » (l’acceptation), « ldoun » (l’étain) ou encore »tfoussikha »(la chasse du mauvais œil). Toutes ces pratiques sont bien entendu interdites par la religion musulmane. Elles sont en plus en contradiction totale avec l’esprit de la Nuit du Destin.

Des traditions propres au Maroc

Habituellement, Laylat Al-Qadr est un moment de grande communion. Pour certains, c’est l’occasion de se retrouver en famille pour rompre le jeûne, prier ensemble, lire le Coran, visiter les proches… Pour d’autres, c’est un grand moment religieux et ça se passe à la mosquée la plus proche où l’on se précipite avant même la rupture du jeûne pour assurer une place au premier rang. Il est aussi de coutume de prier dans plusieurs mosquées pendant cette Nuit. Les fidèles tâchent de diversifier les mosquées et d’intensifier la lecture du Saint Coran la veille du vingt-septième jour du mois de ramadan. Certaines personnes accomplissent les Tarawihs en récitant dix hizbs consécutifs du Coran, lors de la prière, jusqu’à l’heure du s’hour (repas avant l’entame du jeûne). Pendant Laylat Al-Qadr, dans toutes les mosquées du Royaume, les fidèles clôturent Sahih Al-Boukhari (L’authentique de l’imam Al-Boukhari) qui est le recueil de Hadiths de référence. Prière et dévotion pour les adultes, nuit magique pour les enfants. Les familles marocaines ont pris l’habitude, à l’occasion de Laylat Al-Qadr, de célébrer le premier jour de jeûne de leurs enfants. Des cérémonies sont organisées et les petits garçons sont habillés en jellabas, jabadors et babouches, alors que les petites filles portent de jolis caftans et tendent les mains pour se faire tatouer de jolis dessins au henné.

ill

Le couscous reste le plat principal préparé pour cette nuit très spéciale. Lors de cette Nuit sacrée, les maisons sont parfumées par de l’encens. Pour se rapprocher davantage d’Allah, les jeûneurs multiplient les bonnes actions et les initiatives bénévoles traduisant les valeurs de solidarité et d’entraide prônées pendant ce mois béni. Il n’est pas rare de voir des visiteurs nocturnes dans les maisons de retraite, les orphelinats, les hôpitaux et les centres pour les personnes aux besoins spécifiques pendant Laylat Al-Qadr. Les bienfaiteurs se déplacent afin d’apporter des mets, des habits ou au moins un soutien moral, à leurs compatriotes.

C’est l’une des occasions que nous autres Marocains commémorons avec beaucoup de ferveur. La revivification de Laylat Al-Qadr consacre les valeurs exemplaires de la société et les traditions ancestrales marquant l’identité marocaine, unie et riche de la diversité de ses affluents. La pandémie de la Covid-19 aura gâché tous les grands événements culturels ces deux dernières années. Malgré tout, les citoyens gardent espoir si ce n’est pourAïd Al-Fitr, ilsespèrent célébrer Aïd Al-Adha (la Fête du Sacrifice) sans aucune restriction. Tout dépendra de l’évolution de la situation épidémiologique dans le pays et de l’état d’avancement de la campagne nationale de vaccination anti-Covid-19.

Laissez-nous vos commentaires

Temps de lecture : 10 minutes

La newsletter qui vous briefe en 5 min

Chaque jour, recevez l’essentiel de l’information pour ne rien rater de l’actualité

Et sur nos réseaux sociaux :

Héritage, la succession qui déchire

Il y a quelques jours, à Casablanca, un homme a égorgé son frère, à la vue de tous ses voisins. La raison ? On vous le donne en mille, un dé…

Quand l’ultime repos devient un luxe

Commençons par une précision essentielle. Chez Le Brief, notre but n'est nullement de dénoncer une quelconque exploitation de la douleur hum…

Mères célibataires et mères divorcées : un vrai calvaire !

La société marocaine est à un carrefour : entre le traditionnel couplet de l’enfant vivant dans une famille unie en apparence et désunie dan…

2ème job, ces Marocains qui ne joignent plus les deux bouts

Madame et Monsieur travaillent. S’il y a quelques années, c’était déjà une révolution en soi, ça ne l’est plus tellement. Maintenant, Madame…

Autopsie d’une déferlante préméditée

C’était prévisible diront certains utilisateurs de TikTok. Oui, mais tout le Maroc n’est pas sur ce réseau social. Alors pour ceux qui n’ont…

Coutumes marocaines, un héritage en péril ?

Vous souvenez-vous de la blague de l’humoriste Gad El Maleh, dans son spectacle Décalages de 1997 : « Je me souviens au Maroc, dans les imme…

Al Haouz : le silence des zones oubliées

Le séisme frappa sans prévenir, avec une violence que nul n’aurait pu anticiper. Les maisons construites de pierre et de terre, fragiles ves…

Al Haouz : un bilan socio-économique très précaire

Un an après le séisme dévastateur à Al Haouz, les secteurs de l'agriculture et du tourisme peinent encore à se relever. Pour soutenir l'agri…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire