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Covid-19 : controverse autour de la levée des brevets sur les vaccins

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Les États-Unis ont apporté leur soutien à une initiative de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) visant à lever temporairement la barrière des brevets sur les vaccins contre le coronavirus. Cette solution a été proposée et défendue depuis plus de six mois par l’Inde et l’Afrique du Sud, afin de permettre une augmentation de la production mondiale de vaccins. La décision américaine a été applaudie par l’Organisation mondiale de la santé et a motivé l’Union européenne à ouvrir le débat à ce sujet. Cependant, cette dérogation ne fait pas l’unanimité, les fabricants de médicaments et de produits pharmaceutiques prévenant qu’elle pourrait au contraire mettre à mal le développement de vaccins contre la Covid-19.

L’administration Biden se distingue une nouvelle fois de celle de Trump. Dans la soirée du mercredi 5 mai, la représentante américaine au commerce, Katherine Tai, a déclaré que bien que les droits de propriété intellectuelle des entreprises soient importants, les États-Unis «soutiennent la renonciation à ces protections» pour les vaccins contre laCovid-19 afin de mettre fin à la pandémie. La responsable a ainsi confirmé que le gouvernement américain soutient l’initiative de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) visant à lever temporairement la barrière des brevets sur les vaccins contre le coronavirus. Une solution qui a été proposée et détendue depuis plus de six mois par l’Inde et l’Afrique du Sud, et qui a pour butd’accélérerla production mondiale de vaccins.

Tai a affirmé «que les temps exceptionnels exigent des mesures exceptionnelles». Elle a noté que Washington compte désormais entamer des négociations au sein de l’OMC pour tenter d’obtenir une dérogation dans ce sens, mais a prévenu que cela pourrait prendre du temps. Pour le moment, sur les 164 États membres de cette organisation, cent seraient favorables à la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19 et plaident pour la constitution d’un comité spécial sur la propriété intellectuelle pour examiner cette question dès le mois prochain.

L’Inde et l’Afrique du Sud ont été les principales voix, d’un groupe d’environ 60 pays, à tenter depuis six moisd’obtenir l’annulation des brevets sur les vaccins. Ils s’étaient toutefois heurtés à une forte opposition de la part de la précédente administration américaine de Donald Trump, du Royaume-Uni et de l’Union européenne (UE).

Réactions des pays étrangers à la décision des USA

Suite à l’annonce de ce mercredi des USA, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a avancé que «l’UE est également prête à discuter de toute proposition qui aborde la crise de manière efficace et pragmatique». «C’est pourquoi nous sommes prêts à discuter de la manière dont la proposition américaine de dérogation aux protections de la propriété intellectuelle pour les vaccins contre la Covid-19 pourrait contribuer à atteindre cet objectif», a-t-elle précisé ce jeudi 6 mai.

De son côté, le président français Emmanuel Macron s’est dit désormais «absolument favorable» à la suspension des brevets sur les vaccins contre la Covid-19. Le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, a pour sa part affirmé que l’Italie est «très favorable» à cette solution, soulignant sur sa page Facebook que l’Europe devrait saisir cette opportunité et faire preuve de courage. Le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a quant à lui assuré que son payspartage l’objectif du président américain de favoriser l’accès auxvaccins au monde entier.

S’agissantdu chef de l’Organisation mondiale de la Santé,Tedros Adhanom Ghebreyesus, il a qualifié la décision américaine d’«historique» et a affirmé qu’elle marquait «un moment monumental dans la lutte contre la Covid-19».

Par ailleurs, le Maroc, l’Égypte, l’Indonésie, le Pakistan ont également salué l’initiative de l’administration Biden et ont assuréque si les brevets sont levés, ils disposent descapacités nécessaires pour produire les vaccins.

Qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?

La propriété intellectuelle concerne les nouvelles créations et réalisations, telles que les inventions, qui sont protégées par des brevets, des droits d’auteur ou encore des droits de marque. Ceux-ci empêchent la copie du produit ou de la création réalisée et permettent à leur auteur ou producteur d’être récompensé financièrement. Les brevets donnent aux entreprises innovantes un monopole de production pour couvrir les coûts de développement et encourager les investissements. D’ailleurs, les entreprises de biotechnologie affirment que c’est cette protection qui les a incitées à produire les vaccins contre la Covid-19 en un temps record. La remettre en questionentrainerait selon eux uneperte d’enthousiasme sur le développement de traitements ou de vaccins pour les prochaines pandémies.

Qu’impliquecettedérogation ?

Pour les parties en faveur de cette levée de brevets, si cette dernière est approuvée elle permettra d’accélérer la production de vaccins et de fournir des doses plus abordables aux pays moins riches. En effet, de nombreux pays en développement ont déploré que les lois régissant les brevets et d’autres formes de propriété intellectuelle constituent un obstacle à l’augmentation de la production de vaccins et d’autres produits nécessaires pour lutter contre la pandémie. L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a soutenu queplusieurs desÉtats à faible revenu où elle opère «n’ont reçu que 0,3 % de l’approvisionnement mondial en vaccins contre la Covid-19, alors que les États-Unis ont obtenu suffisamment de doses pour protéger l’ensemble de leur population». Un manque d’accès aux doses vaccinales qui s’est davantage exacerbé depuis que l’Inde, qui expédiait des vaccins à d’autres pays, a dû annuler ses exportations pour faire face à la recrudescence des contaminations parmi ses citoyens.

Du côté des fabricants et des entreprises pharmaceutiques, la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19 a été fortement contestée. Selon ces derniers, les brevets ne sont pas le principal obstacle à l’élargissement de l’approvisionnement mondial en vaccin, dénonçant qu’une dérogationpourrait étouffer l’innovation. Le directeur de la Fédération internationale de l’industrie du médicament, Thomas Cueni, a confié à la BBC que le transfert de technologie ne devrait pas être imposé. «Je suis profondément préoccupé par la possibilité de transférer cette technologie, car cela pourrait compromettre la qualité et la sécurité des vaccins, comme nous le constatons actuellement, et cela serait perturbant», a-t-il lancé.D’après lui, les entreprises pharmaceutiques occidentales partagent déjà «sur une base volontaire» la technologie liée à la confection des vaccins anti-Covid. Cueni estime que les barrières commerciales sont à l’origine du déséquilibre actuel de distribution des vaccins, «qui empêchent les entreprises de déplacer leurs marchandises d’un pays à l’autre. Il s’agit des pénuries et de la rareté dans les chaînes d’approvisionnement, qui doivent être traitées». Et de marteler que«c’est aussi, à l’heure actuelle, le refus décevant des pays riches, notamment les États-Unis, de partager rapidement les doses avec les pays pauvres», qui accentue cette pénurie de vaccins.

De son côté, le Dr Amesh Adalja, chercheur principal au Johns Hopkins Center for Health Security, a souligné à Reuters que la levée des brevets «équivaut à l’expropriation de la propriété des sociétés pharmaceutiques dont l’innovation et les investissements financiers ont rendu possible le développement des vaccins contre la Covid-19 en premier lieu». Pour lesfabricants et les entreprises pharmaceutiques, afin de stimuler la production mondiale de vaccin, l’idéal serait de conclure desaccords de licence entre entités biotechniques. Ils citent ainsi en exemple le Serum Institute of India, l’un des principaux producteurs de vaccins contre la Covid-19au monde, qui fabrique le vaccin d’Oxford-AstraZeneca dans le cadre d’un accord de licence avec la société anglo-suédoise.

Enfin, le bras de fer entre pays favorables à la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19 et fabricants qui s’opposent à cette mesure s’annonce très houleux. D’autant plus quecertains experts estiment que les entreprises pharmaceutiques devraient également partager leur savoir-faire, notamment les techniques de production, avec les pays les plus pauvres pour que cette dérogation soit plus bénéfique et efficace.

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