La Cour de cassation a tranché sur le débat sur les liens juridiques entre les pères biologiques et les enfants illégitimes (enfants nés hors mariage). Après près de cinq ans de délibérations autour d’une affaire soumise au département de la justice familiale de Tanger en 2016, la Cour de cassation a statué que les hommes ne sont pas responsables des enfants nés hors mariage,malgré l’existence d’un test ADN qui prouve leur paternité, et que seule la mère a une relation juridiquement contraignante avec l’enfant.
Le récent arrêt de la Cour de cassation contredit le jugement de 2017 du tribunal de première instance de Tanger concernant la même affaire. Une décision très inattendue du tribunal avait souligné que le père devrait payer 100.000DH à la mère. Le tribunal avait déclaré que ce dernier a commis une «débauche» (avoir une relation sexuelle en dehors de l’institution du mariage), selon le chapitre 490 du Codepénal. En outre, le juge Mohamed Zerda avait estiméque la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant prévalait sur le Code marocain de la famille dans ce dossier.Il avait confié à l’époque à Maroc Hebdo : «Franchement, je ne sais pas si mon jugement fera jurisprudence. Mais c’est un effort que je me devais de faire. Je ne pouvais rester insensible à la situation de ces enfants privés de leurs droits pour la simple raison que seule une certaine interprétation des textes en vigueur devait être retenue. Tant qu’il y a matière à innover et à proposer des alternatives, pourquoi ne pas le faire ?».
De son côté, la mère avait fait valoir que l’absence du père lui avait causée, ainsi qu’à l’enfant, un préjudice mental, et les procureurs avaient soutenu cette position en invoquant la «responsabilité délictuelle». Cette dernièrefait référence au Code du Dahir, promulgué en 1913, qui stipule : «Tout acte d’un homme qui, sans l’autorité de la loi, a causé sciemment et intentionnellement un dommage matériel ou moral à autrui est tenu de le réparer».
Il faut noter que la plaignante n’avait demandé au tribunal qu’une reconnaissance de la filiation parentale (Al Bounouwa) et non de la filiation paternelle (Al Nassab). La filiation parentale renvoie, uniquement, au lien biologique (lien de sang)entre père et enfant, tandis que la filiation paternelle concerne des droits tels que le nom du père, sa succession, la pension, l’héritage…, etc.
Le Code de la famille
Notons que bien que le droit marocain soit fortement influencé par le système pénal français, les affaires familiales se réfèrent généralement au Code de la famille (Moudawana). Ce derniera été établi conformément à la loi islamique et traite des questions de polygamie, de l’âge minimum du mariage, de la dégradation de la femme dans la société et du droit au divorce. Dans un mariage légitime, ce Code déclare que le père a la responsabilité légale d’élever un enfant. «Les intérêts des enfants en matière de garde sont également garantis par l’attribution de la garde à la mère, puis au père, puis à la grand-mère maternelle», indique le document.
C’est en vertu des dispositions de ce Code que la Cour d’appel de Tanger a annulé le jugement du tribunal de première instance en octobre 2017 après que le père biologique a fait valoir que la Moudawana protège son droit de contester la paternité. Ladite Cour ne s’est pas arrêtée là. En effet, elle a égalementaccusé le juge Zerda d’«abus de pouvoir», car au lieu de se contenterde reconnaître le lien biologique entre le prévenu et sa fille, il aurait, selon l’instance,outrepassé ses prérogatives en prononçant une l’indemnité de 100.000 DHen faveur de l’enfant et de sa mère. Pour justifier son verdict, la Cour d’appel avait en plus invoqué une exégèse d’Ibn Hazm (Al Muhalla XIe siècle) pour dire qu’une fille, née hors mariage, est complètement «étrangère à son père».
Ainsi, la Cour de cassation ne fait, en fait, qu’appuyer cette invalidation concernant les enfants illégitimes, et ce, en faisant fides lois internationales sur les droits de l’enfant.
Contradictions juridiques
L’article 32 de la Constitution stipule que «la famille fondée sur les liens du mariage légitime est la cellule de base de la société», mais ajoute que «l’État assure une égale protection juridique et une égale considération sociale et morale à tous les enfants, quel que soit leur statut familial». En outre, l’article 148 de la Moudawana contredit l’article 32, en précisant que «la filiation illégitime ne produit aucun des effets de la filiation légitime à l’égard du père». Alors que de son côté, la mère ne reçoit pas le même jugement puisque l’article 146 stipule que «la filiation, qu’elle résulte d’une relation légitime ou illégitime, est la même à l’égard de la mère, quant aux effets qu’elle produit». De plus, l’article 148 est en contradiction avec l’article 7 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant qui stipule que les enfants ont «le droit de connaître leurs parents et d’être élevés par eux».
Enfin, l’arrêt de la Cour de cassation portant sur les enfants illégitimes, qui a été clôturé en septembre 2020 avant d’être rendu public mi-avril 2021, n’a pas manqué de provoquerl’ire des associations et des militants de défense des droits des femmes, des enfants et des hommes. Pour Saida Kouzzi, associée fondatricede l’association Mobilising for Rights Associates (MRA), la décision de la Cour de cassation impose une révision et un amendement urgents des dispositions du Code de la famille. «Le nombre de mères célibataires et d’enfants nés hors mariage est assez élevé au Maroc. Personne ne nie que c’est un phénomène assez présent ; on ne peut donc pas s’en tenir à des lois qui soient déconnectées de la réalité marocaine», lance-t-elle. Khadija El Amrani, avocate spécialisée dans le droit de la famille, a pour sa part insisté, lors d’une interview accordée à TelQuel, sur l’urgence d’établir un Code de l’enfant, à l’image de plusieurs pays africains. Ce Code servira, selon elle, de par son arsenal juridique à mieux protéger les intérêts des enfants, et ce, à travers la mise en place de lois claires «pour ne plus donner aux juges le pouvoir d’apprécier, de dire oui ou non, car pour l’instant, les lois ne sont pas précises, notamment dans les affaires de reconnaissance de paternité».
Arts et métiers : une ambition maroco-française au service de l’innovation industrielle
Société - Le 5ᵉ CA de l’école Arts et Métiers, campus de Rabat, s’est tenu le 16 décembre 2024 sous la présidence de Ryad Mezzour.
Rédaction LeBrief - 16 décembre 2024Enseignement : des réformes urgentes face à un système en crise
Société - Le dernier rapport de la Cour des comptes dresse un état des lieux préoccupant du secteur de l’enseignement au Maroc.
Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024Spoliation immobilière : un homme d’affaire écope de six ans de prison ferme
Société - La Chambre criminelle de première instance a condamné Abdallah Boudrika à six ans de prison ferme pour spoliation immobilière.
Mbaye Gueye - 16 décembre 2024Alerte Météo : vents violents au nord du Maroc
Société - La DGM a émis un bulletin d’alerte de niveau orange concernant des rafales de vent localement fortes prévues lundi dans certaines provinces du nord du Maroc.
Ilyasse Rhamir - 14 décembre 2024Saigner pour guérir
Dossier - Rien qu’un rasoir, une pipette et un seau ne peuvent guérir. Car la saignée est réputée pour être «miraculeuse».
Atika Ratim - 14 décembre 2024Deux soldats des FAR périssent dans l’explosion d’une mine
Société - Une mine antichar a explosé, causant la mort de deux soldats des Forces armées royales (FAR) et blessant grièvement un troisième.
Ilyasse Rhamir - 13 décembre 2024Caravane médicale : coopération sud-sud renforcée entre le Maroc et le Sénégal
Afrique, Société, Société - La deuxième édition de la caravane médicale humanitaire multidisciplinaire a été lancée jeudi à Diass, à 40 km de Dakar.
Farah Nadifi - 13 décembre 2024Protection sociale : 15 millions de Marocains couverts
Société - Mustapha Baitas a annoncé que 3.769.000 travailleurs indépendants sont désormais inscrits au régime de couverture médicale.
Ilyasse Rhamir - 13 décembre 2024Le CSPJ rappelle ces magistrats à l’ordre
Société - Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) démontre une volonté affirmée d’instaurer une gouvernance plus intègre.
Mbaye Gueye - 17 décembre 2024DGSN : numérisation des démarches administratives
Société - La DGSN introduit le portail interactif E-Police. Ce projet centralise une variété de services administratifs dans un espace numérique conçu pour tous les citoyens marocains.
Ilyasse Rhamir - 18 décembre 2024La DGSSI alerte les bénéficiaires de l’aide sociale
Société - Ce faux site incite les utilisateurs à fournir des informations personnelles sensibles, notamment le numéro de la CIN ou de la carte bancaire.
Mbaye Gueye - 4 décembre 2024Décès de Aïcha Ech-Chenna : le Maroc perd une grande militante
Société - Aïcha Ech-Chenna s’est engagée, depuis plus de 50 ans, dans le combat pour les droits des mères célibataires.
Khadija Shaqi - 26 septembre 2022Jours fériés et vacances scolaires au Maroc en 2025
Société - L'année 2025 au Maroc est marquée par une riche variété de célébrations et de fêtes. Elles témoignent de la richesse culturelle du Royaume.
Mbaye Gueye - 2 janvier 2025L’imam Hassan Iquioussen sera expulsé vers le Maroc
Société - Le Conseil d'État français a tranché, ce mardi 30 août, le litige qui opposait le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à l’imam marocain Hassan Iquioussen.
Hajar Toufik - 30 août 2022Affaire Hassan Iquioussen : l’imam est introuvable
Société - L'imam Hassan Iquioussen, dont le Conseil d'État français a validé l'expulsion, a été inscrit au fichier des personnes recherchées.
Hajar Toufik - 31 août 2022