LeBrief : Finfévrier, plusieurs projets énergétiques et hydrauliques ont été lancés dans les provinces du sud. Quelle est l’importance de ces projets ?
Abderrahim El Hafidi : De par sa mission stratégique de service public, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) est garant du bon fonctionnement du système électrique national. L’ONEE exploite, entretient et développe le réseau électrique Haute et Très Haute Tension pour assurer, dans les meilleures conditions de sécurité et de coûts, le transport de l’énergie électrique à partir des ouvrages de production jusqu’aux centres de consommation.
Nos provinces du Sud connaissent le développement de très grands projets structurants dans plusieurs secteurs. Parmi ces projets, figurent des projets de production à base d’énergie renouvelable.
Pour accompagner cet essor socio-économique, l’ONEE a réalisé de grands projets et lancé des chantiers ambitieux pour le renforcement de l’alimentation électrique dans les provinces du Sud.
La dernière semaine du mois de février a été marquée par des visites de terrain dans ces régions pour, justement, s’enquérir de l’état d’avancement de grands projets de transport de l’énergie électrique d’un coût global de 4,4 milliards de DH (MMDH). Il s’agit du renforcement de l’alimentation électrique dans les régions du Sud et du raccordement de la ville de Dakhla au réseau électrique national.
Le 1er projet concerne l’extension du poste blindé 400/225 kV (kiloVolt) de Laâyoune II « Poste El Haggounia » par le renforcement du réseau 400 kV. L’ONEE a lancé ce projet dans l’objectif d’assurer l’évacuation des énergies renouvelables en cours de développement dans ces provinces, d’une capacité additionnelle de 800 MW (mégawatt).
D’un montant de plus de 2 MMDH, ce projet consiste en la réalisation de la deuxième artère 400 kV reliant Agadir à Laâyoune requérant, entre autres, l’extension de la partie 400 kV du « Poste El Haggounia ». Le poste existant a été mis en service en 2016 dans le cadre du projet d’évacuation des parcs éoliens de la région du Sud et du renforcement de l’alimentation en énergie électrique. Quant au projet d’extension, les travaux de la 1re phase viennent d’être lancés en mi-février 2021 pour une mise en service courant le premier semestre 2022, la 2e phase sera opérationnelle courant le premier semestre 2023.
Outre le développement économique et social, ce projet permettra, notamment, le renforcement de la sécurité d’alimentation en énergie électrique, la satisfaction de la demande croissante, la valorisation du potentiel des énergies renouvelables et l’amélioration de la qualité de service offerte à la clientèle.
Quant au 2e projet, il concerne le raccordement, par l’ONEE, de la ville de Dakhla au réseau national de transport de l’électricité. Il est à signaler également que le développement de ce projet permettra, par la suite, la réalisation de nouvelles interconnexions avec les pays voisins et participer à l’intégration régionale.
LeBrief : Pour la branche eau, le même effort d’investissement est fourni…
Abderrahim El Hafidi :Concernant les projets hydrauliques, ceux-ci viennent en complément des nombreux projets réalisés ces 20 dernières années et qui ont permis de doter nos provinces du Sud d’une capacité de production d’eau potable de 102.470 m3/j à travers de nombreux forages et puits et 13 stations de traitement dont 5stations de dessalement d’une capacité de 37.780 m3/j et 6 stations de déminéralisation d’une capacité de 38.770 m3/j, de 3.150 km de réseaux de distribution d’eau potable et de 15 stations d’épuration des eaux usées d’une capacité globale de 65.533 m3/j, et ce pour un investissement global de plus de 5 MMDH.
Les projets ayant fait l’objet de nos activités lors des visites du mois de février dans les provinces du Sud revêtent un caractère d’une grande importance puisqu’ils permettent d’améliorer les conditions de vie des populations et contribuent au développement économique, social et environnemental de la région.
En effet, au niveau de la ville de Tarfaya, la mise en service du projet de dessalement d’eau de mer par une station monobloc d’une capacité de 430 m3/j pour un coût qui n’a pas dépassé 8 millions de DH (MDH), a permis de résorber le déficit d’approvisionnement en eau potable qui était enregistré au niveau de cette ville. En outre, et en vue de sécuriser et de renforcer la production d’eau potable de la ville de Tarfaya à moyen et long terme, l’Office réalise un autre projet structurant consistant en une station de dessalement de 1300 m3/j pour un coût de 50 MDHet dont la mise en service est prévue en 2022. D’autre part, un projet d’assainissement liquide au niveau de cette ville est en cours de réalisation avec une enveloppe de 70 millions de dirhams, et consiste en l’extension du réseau d’assainissement et la réalisation d’une station d’épuration d’une capacité de 873 m3/j. Ce projet contribuera en plus à l’utilisation rationnelle des ressources en eau par la possibilité de la réutilisation des eaux usées épurées pour l’arrosage des espaces verts.
Au niveau de la ville de Laâyoune, un projet d’envergure pour le renforcement de l’approvisionnement en eau potable de la ville et des centres avoisinants est en cours de réalisation avec un taux d’avancement de 75%, et permettra de satisfaire la demande en eau potable au niveau de cette zone jusqu’à l’horizon 2040. Ce projet, dont le coût s’élève à 670 MDH, consiste notamment en la réalisation en première phase d’une nouvelle station de dessalement d’une capacité de production de 26000 m3/j avec une mise en service prévue au deuxième semestre 2021, et en deuxième phase d’une prise directe en mer dont la mise en service est programmée à la fin de 2023.
Quant à la ville de Dakhla, les projets qui y ont été réalisés, notamment la deuxième station de traitement d’eau potable (désulfurisation, élimination d’ammonium et déminéralisation) d’une capacité de 17280 m3/j a permis de tripler la production d’eau potable de la ville. D’autre part, la station d’épuration des eaux usées de la ville de Dakhla, de type boues activées avec une capacité d’épuration de 10000 m3/j, a considérablement amélioré les conditions sanitaires des populations et permettra, grâce aux ouvrages de traitement tertiaire dont elle est équipée, de réutiliser les eaux usées traitées dans l’arrosage des espaces verts contribuant ainsi à la préservation des ressources en eau.
LeBrief : Vous avez évoqué leprojet de raccordement de la ville de Dakhla au réseau électrique national, c’est l’un des projets structurants du programme de développement des provinces du Sud, lancé par le roi Mohammed VI. Où en sont les travaux relatifs à ce raccordement ?
Abderrahim El Hafidi :Permettez-moi de citer les étapes phares ayant marqué le raccordement de nos provinces du Sud au réseau électrique national.
La ville de Laâyoune a été raccordée au réseau électrique national (225 kV) en 1998, ce qui a permis de raccorder la province de Smara en 2000, la province de Boujdour en 2003 et la Province de Tarfaya en 2008. Aujourd’hui, nous sommes dans les dernières étapes de finalisation des essais pour le raccordement de la ville de Dakhla au réseau électrique national.
Le raccordement de la ville de Dakhla au réseau national de transport de l’électricité s’inscrit dans le cadre du programme de développement intégré de la Région de Dakhla-Oued Eddahab, présenté à Sa Majesté le Roi que Dieu l’Assiste, en janvier 2016.
Ce projet grandiose a été réalisé en deuxphases. En premier lieu, il y a eu la réalisation de deux lignes 400 kV d’une longueur de 245 Km chacune, reliant Laâyoune à Aftissat. Ces deux lignes ont été mises en service en février 2018 pour l’évacuation de l’énergie produite par le parc éolien Aftissat, d’une puissance de 200 MW.
Quant à la 2e phase, elle porte sur la réalisation de deux lignes de 254 km chacune, reliant Aftissat à Dakhla, d’un poste électrique 225/60 à Dakhla, d’un poste électrique 60/22 KV à Dakhla et de deux lignes 60 kV aéro-souterraines de 49 km chacune.
Le coût global de ce projet est de l’ordre de 2,4 MMDH, financé à hauteur de 63% par l’ONEE, le reliquat étant financé par la Région Dakhla-Oued Eddahab et les partenaires privés.
Il s’agit d’un projet structurant qui aura des retombées positives en termes d’accompagnement de la croissance économique de la région de Dakhla notamment, à travers la valorisation du potentiel des énergies renouvelables de la région et la valorisation des sites de pêche. La réalisation de ce projet contribuera également au développement des zones situées entre Boujdour et Dakhla, à travers l’amélioration des conditions de raccordement et d’alimentation en électricité des agglomérations et des projets situés à proximité.
D’ailleurs, les études de raccordement d’El Guerguarat au réseau électrique national ont déjà été entamées.
LeBrief : Quand on parle de raccordement au réseau électrique national, est-ce que cela veut dire que le transfert d’énergie s’opérera du Nord vers le Sud et inversement ?
Abderrahim El Hafidi : L’objectif principal de ces réalisations est la sécurisation de l’alimentation en énergie électrique des régions du Sud du Royaume et l’accompagnement de l’essor économique et social croissant de ces régions et, également, bénéficier du potentiel exceptionnel en énergies renouvelables du Sud du Maroc.
L’acheminement donc de l’énergie à partir des ouvrages de production vers les centres de consommation nécessite, comme précité, le renforcement dans une première étape du réseau 400 kV alternatif de la région du Sud du Maroc et l’augmentation, par la suite, de la capacité de transit de ce réseau afin d’assurer le transit dans les deux sens.
À ce sujet il y a lieu de signaler que les études techniques ont montré l’intérêt du recours, pour la première fois au Maroc et en Afrique, à la technologie des liaisons électriques à courant continu. Il s’agit là d’un nouveau projet de développement du réseau national qui sera lancé par l’ONEE pour réaliser une liaison électrique à courant continu (HVDC), d’une longueur d’environ 1600 km, et qui permettra le renforcement de la liaison du sud avec le centre du pays. Le coût total de ce projet, prévu d’être mis en service en 2028, est estimé à 18 MMDH.
LeBrief : Pour la branche eau, vous misez sur les stations de dessalement de l’eau de mer pour alimenter les villes côtières et leurs environs. Est-ce que ces installations sont suffisantes pour répondre aux besoins de la population ?
Abderrahim El Hafidi : Il faut d’abord rappeler que les ressources en eau conventionnelles au Maroc sont caractérisées par leur répartition inégale sur les plans spatial et temporel. Cette situation s’aggrave sous l’effet conjugué des changements climatiques et de l’accroissement de la demande en eau potable consécutive à l’évolution socio-économique que connaît notre pays.
Ainsi, le recours au dessalement de l’eau de mer est un impératif, et permet effectivement d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande dans les zones littorales dépourvues ou enregistrant un déficit en ressources en eau conventionnelles. Heureusement, le Maroc dispose de 3.500 km de côtes qui constituent un gisement intarissable de ressource en eau. À ce titre, l’Office a recouru aux techniques de dessalement dès le milieu des années 70 au niveau des provinces du Sud et a, par conséquent, capitalisé un savoir-faire avéré en la matière.
Ceci ne doit pas occulter le fait que les procédés de dessalement sont onéreux en terme d’investissement et de charges d’exploitation, à cause notamment de leur aspect énergivore.
Mais grâce au savoir-faire capitalisé par l’Office depuis plus de 4 décennies dans le dessalement, et à la veille technologique qu’il assure dans ce domaine, l’ONEE emploie les technologies les plus avancées pour optimiser aussi bien les investissements requis dans ce domaine que le coût d’exploitation, et ce en agissant notamment sur le volet consommation énergétique.
En effet, l’Office utilise une technologie éprouvée et compétitive qui est l’osmose inverse et adopte les dernières évolutions technologiques qui ont permis une réduction significative de la consommation énergétique, grâce notamment à l’amélioration des rendements des installations de pompage, au développement des systèmes de récupération d’énergie et aux techniques d’alimentation électrique adaptatives des membranes de dernière génération employées. Ces évolutions ont permis de diviser par deux la consommation énergétique des stations de dessalement ces 10 dernières années.
D’autre part, l’ONEE met à profit la baisse importante du coût de l’énergie renouvelable, notamment d’origine éolienne en programmant le couplage de ses stations de dessalement à des parcs d’EnR éoliens ce qui se traduira par une réduction encore plus importante des coûts d’exploitation des stations de dessalement. Cette démarche est déjà en cours d’implémentation au niveau des stations de dessalement d’Agadir et de Dakhla.
LeBrief : Qu’en est-il des localités situées à l’intérieur des terres et qui disposent de ressources hydriques très limitées ?
Abderrahim El Hafidi : Il faut préciser que la limitation des ressources en eau peut concerner l’aspect qualitatif ou l’aspect quantitatif. Dans le premier cas, des traitements spécifiques de potabilisation des eaux sont mis en œuvre tels que la déminéralisation des eaux saumâtres.
Dans le deuxième cas, des projets de transfert d’eau sur des distances importantes sont réalisés et permettent d’acheminer les eaux à partir des zones disposant d’un excédent jusqu’aux lieux souffrant d’un manque de ressources en eaux. Plusieurs cas ont été concrétisés avec des transferts sur des distances qui dépassent les 100 km, et d’autres projets sont en cours de réalisation ou d’étude.
LeBrief : Comme vous l’avez souligné, le secteur de l’assainissement liquide est d’une grande importance compte tenu de ses retombées positives sur les plans sanitaire et environnemental. Quel est votre plan d’action pour développer le réseau d’assainissement liquide et des stations d’épuration ?
Abderrahim El Hafidi : Dans le domaine de l’assainissement liquide, un Programme national d’assainissement liquide (PNA) a été initié par les pouvoirs publics en 2005 dans l’objectif de pallier au retard enregistré dans ce secteur. Ce programme a évolué en 2018 pour devenir le Programme national mutualisé d’assainissement urbain et rural et de réutilisation des eaux usées (PNAM).
L’ONEE s’est inscrit dans cette dynamique depuis l’année 2000, en réalisant un investissement de près de 12,2 MMDH, ayant permis des avancées significatives dans ce secteur.
Ainsi, le nombre de villes et centres où l’Office gère le service d’assainissement liquide a atteint 142 villes et centres en 2020 cumulant une population de près de 5,8 millions d’habitants. Le nombre de stations d’épurations dont l’Office dispose a atteint 119 d’une capacité d’épuration globale de 450.405 m3/jour.
Quant aux prévisions futures dans ce domaine, l’Office envisage de réaliser durant les cinq prochaines années, 61 stations d’épuration avec une capacité globale supplémentaire de l’ordre de 100.000 m3/jour et de prendre en charge la gestion du service d’assainissement liquide au niveau de 46 nouvelles villes et centres abritant une population de l’ordre de 600.000 habitants, et ce moyennant un investissement de l’ordre de 4,3 MMDH.
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