Le drame du petit Rayan, décédé à la suited’unechute accidentelle dans un puits clandestindans un village près de Chefchaouen, abouleversé des millions de personnes au Maroc comme à l’étranger. Cette tragédie a notamment gagné en ampleur grâce aux lives diffusés surles réseaux sociaux. Elle a démontré que les médias ont le pouvoir de fédéreret de rapprocher les gens autour d’une même et unique cause. Cependant, la surmédiatisation de cette affaire a été largement critiquée en raison des multiples dérapages journalistiques constatés et de la prolifération desfake news. En effet, dans une quête acharnée pour l’exclusif et le sensationnel, plusieurs médias et influenceurs n’ont pas hésitéà partager de fausses informations pour augmenter leur notoriété et visibilité sur internet.
Ces infractions « inhumaines », vu la détresse et le chagrin de la famille du jeune défunt, ont été sévèrement condamnées par l’instance de régulation de la presse écrite et électronique. Dans un communiqué de presse, cette dernière a dénoncé le non-respect de la déontologie journalistique relevé lors de la couverture médiatique de l’opération de sauvetage. Younes Moujahid, président du Conseil national de la presse, a confié en ce sens à nos confrères de Le Matin : «l’affaire Rayan est un exemple des crises humanitaires pouvant constituer un vrai challenge pour la presse, particulièrement celle en ligne. Cette tragédie avait valeur de test pour cette presse qui devait prouver sa disposition à remplir sa mission sociale et respecter les valeurs professionnelles».
Selon lui,le Conseil a mobilisé une équipe pour identifier et répertorier tous les dépassements liés à la couverture du drame de Rayan. «Les cas identifiés seront ensuite transférés à la commission d’éthique pour qu’elle se prononce sur les mesures disciplinaires à engager. Il s’agirait d’une soixantaine de médias électroniques majoritairement natifs du web», a-t-il précisé.
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Le diktat croissant de l’image
Pour analyser les comportements qui ont été observés pendant et après l’opération de sauvetage de Rayan, LeBrief.ma a contacté Soumaya Naamane Guessous, professeure universitaire, sociologue et écrivaine. Pour notre intervenante, «toutes les réactions observées pendant et aprèsce drame doivent être analysées sous le prisme de l’éthique». Elle nous explique qu’il y a eu effectivement manipulation et exploitation de cette tragédie, notant qu’il y a «tout un travail à faire sur la notion de valeur et d’éthique en termes d’utilisationdes images». «On n’a pas le droit d’exploiter la détresse des autres pour gagner des likes ou des followers. Et c’est là quele problème se pose», s’indigne-t-elle. La sociologue avance : «ce qui est désolant, c’est qu’aujourd’hui la majorité des médias cherchent le sensationnel au lieu d’informer la population.C’est une concurrencemalsaine loin de toutes valeurs et à laquelle s’adonnent aussi les influenceurs. Et elleconsiste à attirer le plus large audimat, le plus de vues,le plus de likes et le plus d’abonnés aux dépensdu malheur des autres. On viole ainsi sans vergogne l’intimité et la vie privée de ces famillesen détresse».
Pour la professeure Guessous, cette concurrence doit impérativement être contrôlée et la procédure judiciaire visant à protéger les personnes ciblées par les réseaux sociaux et les influenceurs doit être raccourcie. «Aujourd’hui, quand on se tourne vers la justice pour des affaires similaires, il est très difficile et compliqué d’obtenir gain de cause. C’est une procédure couteusequi prend beaucoup de temps. La victime a en plus besoin d’un avocat, elle doit fournir des preuves qui sont difficiles à présenter vu leur aspect virtuel et doit identifier son assaillant, qui est généralement quasi impossible à déterminer», regrette-t-elle.
Par ailleurs, Soumaya Naamane Guessous nous a confié que, malheureusement, les réactions qui ont été observées au cours de cette tragédie n’émanaient pas toutes de sentiments de solidarité, de compassion ou d’humanisme.En effet, l’on a constaté aussi beaucoup d’opportunisme, notamment du côté d’influenceurs qui ont fait le déplacement jusqu’au lieu du drame pour promouvoir leur chaîne YouTube ou leur compte Instagram. Notre interlocutrice soutient enfin qu’il faut revenir et respecter la déontologie journalistique et encadrer davantage les influenceurs et les informationsqui circulent sur les réseaux «pour protéger les valeurs humaines et pour préserver les citoyens, leur intimité et leur vie privée». Ces éléments ne doivent pas être négligés par la presse et les médias au détriment de «l’influence croissante du diktat de l’image».
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