Accueil / Économie

Télécoms : comprendre les dessous de la nouvelle plainte d’Inwi contre Maroc Telecom

Temps de lecture

Les logos de Maroc Telecom et Inwi © DR

Wana Corporate (Inwi) dénonce une nouvelle fois les pratiques anticoncurrentielles de Maroc Telecom (IAM). Le Conseil d’administration d’Inwi a ainsi déposé auprès du tribunal de commerce de Rabat une plainte contre IAM le jeudi 16 décembre 2021. Dans cette affaire portant sur le dégroupage et le partage d’infrastructures de la boucle locale de l’opérateur historique, Inwi réclame 6,8 milliards de DH de préjudices. Qu’est-ce que le dégroupage de la boucle locale ? Pourquoi ce dossier ressort-il maintenant ? Que reproche la filiale de la holding royale Al Mada à l’opérateur historique ? Quid de la loi télécom ?

Wana Corporate(inwi) porte de nouveau plainte contre Maroc Telecom (IAM). Cette requête a été déposée le 16 décembre auprès du tribunal de commerce de Rabat à la suite d’une réunion du Conseil d’administration d’inwi.Ce dernier exige 6,8 milliards de DH (MMDH)de préjudices. Il faut préciser qu’ils’agit de la même affaire qu’il y a cinq ans, quand Wana Corporate a porté plainte contre Maroc Telecom pour entrave à la concurrence. Cette plainte a déjà été instruite par l’Agence nationale de la réglementation des télécommunications (ANRT), qui avait décidé d’infliger une amende s’élevant à 10% du chiffre d’affaires d’IAM en janvier 2021. Maroc Telecom a accepté cette sanction et avait versé 3,3 MMDH au Fonds de soutien à la Covid-19 conformément à une décision du trésor public. Sur la base de cette sanction, Wana avait ensuiteestimé qu’il n’y avait plus lieu de poursuivre IAM, parce que son tort a été réparé.

Selon Khalid Ziani, expert IT et télécom,quand cette sanction était tombée «c’était le conseil d’administration de Wana, en l’occurrence les administrateurs majoritaires d’Al Mada, qui avait décidé de retirer cette plainte le 20 février 2021. Une décision très curieuse, car elle n’émanait pas de la présidente directrice générale d’inwi d’à l’époque, Nadia Fassi Fihri, mais des administrateurs d’Al Mada dans le conseil d’administration. Cela présageait un accord entre actionnaires, notamment Al Mada, et IAM pour clôturer cette affaire». Notre intervenant explique que «pour comprendre cette affaire, il faut savoir que Wana était détenu à 69% par Al Mada et à 31% par le groupe koweïtien Zain».

Lire aussi :Maroc Telecom : un monopole déguisé

Pourquoi ce dossier ressort-il maintenant ?

D’après Ziani, «le tribunal de commerce de Rabat n’a pas les prérogatives pour trancher sur les pratiques anticoncurrentielles dans un domaine réglementé par l’ANRT. C’est cette instance qui est habilitée par la loi à gérer les litiges entre opérateurs. Wana a saisi ledit tribunalpour faire pression sur l’ANRT qui avait tardé, d’environ quatre à cinq ans, à trancher sur cette affaire. Cependant, inwi n’est pas sorti gagnante de cette affaire, vu que les 3,3 MMDH ont été injectés dans le Fonds covid-19».

Aujourd’hui, «Wana est de retour avec une nouvelle plainte contre IAM réclamant cette fois 6,8 MMDH de préjudices et dénonçant que les pratiques anticoncurrentielles de l’opérateur historique persistent. Une nouvelle fois, c’est le tribunal du commerce qui a été saisi et non pasl’ANRT», souligne l’expert. Et de préciserque la seule hypothèse qui justifie cette démarche juridique «est qu’inwi est en difficulté financière et qu’il y a une recomposition de son actionnariat, probablement un retrait d’Al Mada au profit de Zain, dont les actions ont augmenté à35%, après une fusion avec Al Ajial Holding dufonds souverain Kuwait Investment Authority. Ainsi, cette plainte intervient pour justifier la non-atteinte des objectifs de Wana et pour forcer IAM à céder des sommes importantes en réparation à inwi».

Lire aussi :Plainte de Wana pour « pratiques anticoncurrentielles »: Maroc Telecom tiré d’affaire

La problématique du dégroupage et du partage des infrastructures

Il faut préciser que la bataille concernant le dégroupage et le partage des infrastructures, bien qu’elle soitfondamentale,n’a toujours pas été résolue par l’ANRT. Khalid Ziani nous a précisé que «toutes les solutions que l’Agence a proposées pour régler ce problème et pour augmenter le partage d’infrastructures n’ont pas abouti». Ainsi, elle est désormais obligée de trouver de nouvelles solutions et de s’inspirer des expériences d’autres pays, notamment pour attirer de nouveaux investisseurs. «Il faut aussi profiter du fait que le Maroc soit un lieu de peering télécom, et où tous les acteurs télécoms veulent se positionner», estime l’expert.

Malheureusement, poursuit-il, «la loi télécom actuelle du pays entrave ces investissements. Cette dernière regroupe à la fois la licence des services télécom et celle des infrastructures télécom. Une chose qui ne se fait pas dans d’autres pays européens ou aux États-Unis, qui, en séparant les deux licences, ont pu ouvrir la voie à de nouveaux investisseurs pour développer et consoliderdavantage leurs infrastructures télécom. Cela a égalementpermis à d’autres acteurs, comme les collectivités territoriales, de devenir clients des opérateurs d’infrastructures».

Pour conclure, notre intervenant a indiqué que «si nous réglons le problème de la loi télécom et que nous séparons la licence de services et de celle des infrastructures, nous résoudrons toutes ses problématiques de concurrence». Et d’ajouter : «ce qu’il faut savoir c’est qu’on accuse l’opérateur historique de faire barrage au partage d’infrastructure qu’il a hérité depuis plusieurs années, mais on oubliequ’il n’a pas hérité de la fibre optique, entre autres services. De ce fait IAM a beaucoup investi pour étendre sa couverture, et ce, dans le respect des réglementations en vigueur. Ainsi, l’ANRT ne devait pas mettre tout sur le dos de Maroc Telecom, mais devait plutôt réviser la loi télécom, qui bloque la concurrence au niveau des services télécom». PourZiani, «l’ANRT doit assumer ses responsabilités et remplir ses prérogatives afin de devenir l’acteur duchangement de cette loi controversée».

Qu’est-ce le dégroupage et le partage d’infrastructure ?

Le dégroupage de la boucle locale, appelé également accès dégroupé au réseau local, est la technique quipermet aux nouveaux opérateurs de télécommunication d’utiliser le réseau local de l’opérateur historique. Ce réseau repose sur une infrastructure constituée de fils de cuivre visant à desservir directement leurs abonnés. L’accès à cette boucle locale permet aux nouveaux entrants d’entrer en concurrence avec les opérateurs notifiés en offrant des services de transmission de données à haut débit pour un accès permanent à l’Internet et pour des applications multimédias à partir de la technologie de ligne d’abonné numérique (DSL), ainsi que des services de téléphonie vocale. Une demande raisonnable pour obtenir un accès dégroupé suppose que cet accès est nécessaire à la fourniture des services du bénéficiaire et que le refus de satisfaire à cette demande est susceptible d’empêcher, de limiter ou de fausser la concurrence dans le secteur.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Les tendances et les défis du marché immobilier au Maroc

Tribune - À Casablanca, l’IPAI a reculé de 1%, avec des baisses de 0,5% pour les biens résidentiels, de 2,7% pour les terrains.

Rédaction LeBrief - 30 décembre 2024

Transferts record : un pilier économique mondial en 2024

Économie - En 2024, les transferts financiers des diasporas vers les pays à faible et intermédiaire revenu atteindront 685 milliards de dollars, selon les données de la Banque mondiale.

Ilyasse Rhamir - 30 décembre 2024

Nouveau souffle pour l’emploi : un plan de 14 milliards de dirhams

Économie - Lors d’une conférence à Tétouan, Sekkouri a dévoilé un plan gouvernemental de 14 milliards de dirhams pour l'emploi.

Rédaction LeBrief - 29 décembre 2024

Marché des changes : dépréciation du dirham face au dollar

Économie - Durant la période du 19 au 24 décembre 2024, le dirham a enregistré une dépréciation de 0,7% face au dollar américain.

Rédaction LeBrief - 28 décembre 2024

Un budget 2025 ambitieux pour ADM

Économie - Le CA de ADM s'est réuni le 23 décembre 2024 pour approuver un budget de plusieurs milliards pour 2025.

Rédaction LeBrief - 27 décembre 2024

Fiscalité : permanence exceptionnelle de la TGR avant la fin d’année

Économie - La TGR informe les contribuables d’une permanence exceptionnelle pour l’échéance fiscale du 31 décembre 2024.

Rédaction LeBrief - 27 décembre 2024

Cannabis licite : bilan 2024 et ambitions pour 2025

Économie - L’année 2024 a été marquée par une forte mobilisation autour de la filière du cannabis licite. Lors de son conseil d’administration, l’ANRAC a présenté un bilan encourageant.

Ilyasse Rhamir - 27 décembre 2024

Rabat : le tourisme en pleine ascension

Économie - Le tourisme à Rabat poursuit sa progression avec une hausse de 4% des nuitées enregistrées dans les EHTC au cours des dix premiers mois de 2024.

Ilyasse Rhamir - 27 décembre 2024
Voir plus

La dette extérieure du Maroc a doublé en 10 ans

Économie - La dette extérieur (69 Mds $) dollars équivaut à 50% du revenu national brut (RNB) et représente près de 110% des revenus de l’export.

Mbaye Gueye - 7 décembre 2024

« L’Offre Maroc » : accélération vers l’hydrogène vert en 2024

Économie - Avec «L'Offre Maroc», le Royaume met en place un programme ambitieux pour catalyser le développement de l'hydrogène vert.

Chaima Aberni - 12 mars 2024

Horizon 2030 : ces grands chantiers qui transformeront Casablanca

Économie - Casablanca se prépare activement à être sous les feux des projecteurs internationaux à l’horizon 2030.

Hajar Toufik - 7 mai 2024

Conseil de la concurrence : soupçons d’entente sur les prix dans le secteur de la sardine

Économie - Le Conseil de la concurrence lance une enquête sur les soupçons d'entente sur les prix dans le secteur de l'approvisionnement en sardine, visant à protéger les consommateurs et à maintenir l'intégrité du marché.

Chaima Aberni - 30 avril 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire