LeBrief : Vous êtes humoriste et coach, comment peut-on allier les deux?
Saad Mabrouk : Beaucoup de gens s’accordent à dire que l’humoriste est une personne qui réussit à souligner le caractère comique d’une situation ou d’un personnage, ils pourraient même s’aligner à une nouvelle vision que leur offre un humoriste. Vu de cette manière, on remarque que la pratique de l’humour et le coaching convergent vers la capacité à prendre du recul, à observer de manière objective en étant à l’écoute de ce qui nous entoure.Je souhaite illustrer cela en faisant le parallèle entre un sketch et une séance de coaching : il est nécessaire de poser le décor pour que le sketch fonctionne, et «prendre la température» du public… ce qui demande une attention accrue, une écoute et une bonne «pédagogie», des outils nécessaires à la réussite d’un coaching.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé récemment au coaching ?Quel a été le déclic?
Je pense faire partie de ces gens qui, lors de cette crise du Covid-19, ont eu la chance de trouver un moment pour mieux se connaître, faire une pause puis revenir vers ce qui leur tient à cœur.Avant de décider de faire du Stand Up, j’avais pris, sur un coup de tête, la décision de changer radicalement mon orientation scolaire des Sciences mathématiques aux métiers de la Communication et du management. J’avais compris plus tard que ce qui avait animé mon choix était la passion des métiers de la «Formation» dans lesquels je retrouvais une part de pédagogie et un échange auprès des autres et surtout une créativité à concevoir et à déployer des modules.
Quelques années plus tard, après l’expérience acquise de plus de cinq ans aux Masterclass du Marrakech du rire et les multiples scènes de Stand Up, ainsi que la chance d’avoir animé de nombreuses conférences en «Motivational speaking» en parallèle de mon expérience professionnelle et managériale, je commençais à voir le potentiel qu’il y avait en combinant les deux aptitudes: Humour et Développement personnel.J’ai ensuite décidé d’intégrer une certification qui a duré plus d’un an et demi, et la vision est beaucoup plus claire depuis.
Vous avez choisi pour votre thèse « l’humour dans le coaching ». Pourriez-vous nous en dire plus?
L’idée est d’utiliser l’humour «bienveillant et sérieux» pour offrir aux coachés la possibilité de s’élever et illustrer la situation autrement, voire de nouvelles possibilités que vous ne trouverez pas dans le coaching ou la thérapie traditionnels. Mettre les gens à l’aise lors d’une séance met en relief des forces que la plupart reconnaîtront intuitivement. Le coach encourage ainsi son client à faire face à ses défis : il se donne le droit d’en rire, s’offre plus d’espace de réflexion, et approfondit l’analyse.Intégrer l’humour en coaching peut être étonnamment rapide et efficace. Cela peut fonctionner d’une façon très élégante même avec des clients qui ne réussissent pas le pari du changement en suivant les méthodes conventionnelles. Rappelons qu’un humour utilisé à bon escient est capable de nous nourrir en une bonne dose de sérotonine, d’endorphine et une bonne dose d’oxygène au cerveau. Un mix parfait pour réduire le stress et détendre les muscles, c’est là où la nouvelle façon de voir les choses prend son véritable appui.
De manière plus globale, comment percevez-vous le métier de coach au Maroc ?
Coach est un métier qui, contrairement à ce que les réseaux sociaux illustrent, n’est pas nouveau au Maroc. Il est certes en pleine expansion depuis quelques années, en revanche plusieurs professionnels exercent le métier depuis plus d’une décennie. D’ailleurs, ICF-Maroc, une association marocaine dédiée au coaching professionnel, existe depuis 16 ans et est affiliée à l’International Coach Federation qui est la première association internationale de coaches professionnels. Plusieurs entreprises et de plus en plus de particuliers s’y intéressent aussi, car nombreux sont ceux qui, grâce au respect de la pratique et leurs propres efforts, ont obtenu de bons résultats à l’issue du processus.Cela n’exclut pas qu’en parallèle d’un énorme effort fourni par plusieurs professionnels, existe une réalité dans laquelle nous retrouvons des personnes qui ne respectent pas la déontologie du coaching, voire même d’autres qui ne sont pas formés et s’autoproclament coach.Le vide juridique et réglementaire ouvre la voie à des amateurs, arnaqueurs… et aux conséquences de leurs actions.
Lire aussi :Coaching … Un Métier entre Éthique et Vulgarisation (avec Fatimazhara Bennis)
Comment lutter alors contre cette anarchie du secteur?
Le coaching fait partie de ces métiers qui ne peuvent être mieux régulés que par leurs pairs ! C’est une pratique qui demande une formation assez solide (100 heures et plus) un respect d’une déontologie partagée et un exercice supervisé par l’organisme formateur au début.Des efforts sont, par ailleurs, fournis depuis quelques temps auprès du ministère de la Fonction publique et de celui de l’Emploi. Je souhaite souligner toutefois que la responsabilité d’un bon déroulement du processus de coaching est une responsabilité partagée. Le coach devra, d’une part, exercer suivant un respect total de la déontologie du métier. D’autre part, le coaché est à responsabiliser quant au choix du coach selon la formation, le parcours de ce dernier et la confiance qui s’installe au premier rendez-vous.
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
J’entame plusieurs collaborations auprès d’organisations ou de centres de formation qui s’articulent autour de la prise de parole en public ainsi que le rire en développement personnel, ce qu’on appelle le Skoaching. Je poursuis aussi la production d’un Podcast hebdomadaire, Mindest Talks, qui combine développement personnel et humour. Dans un autre contexte, je participe à l’animation d’ateliers d’humour et de mise en scène.Le Stand Up est aussi de la partie, je prépare les rodages de mon second spectacle d’humour dans quelques petites salles à Casablanca.
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