La tension est de plus en plus palpable entre le Maroc et l’Algérie. Ce mercredi 18 août, les autorités algériennes ontdécidé de «revoir» leurs relations diplomatiques avec le Maroc. Le Royaume est accusé par son voisin d’être impliqué dans les incendies meurtriers qui ont ravagé le nord du pays. Selon un communiqué de la présidence algérienne, «les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l’Algérie ont nécessité la révision des relations entre les deux pays et l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières ouest». Rabat n’a pas réagi à ces accusations.
Cette décision a été prise lors d’une réunion extraordinaire du Haut conseil de sécurité algérien, présidée par le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune. Cette rencontre a été consacrée à l’évaluation de la situation après les gigantesques feux de forêt, qui avaient débuté le 9 août dernier.
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Des incendies d’origine «criminelle»
Après l’Italie, le Canada, la Grèce, la Turquie ou encore les États-Unis, l’Algérie a été à son tour frappée par de gigantesques feux, qui ont fait au moins 90 morts. Les derniers feux de forêt ont été éteints, a annoncé mercredi la Protection civile algérienne. Les sept foyers restants ont été neutralisés dans six wilayas (préfectures). Ces gigantesques incendies ont détruit des dizaines de milliers d’hectares de forêts dans 26 wilayas sur les 58 que compte l’Algérie.
Le président Tebboune a affirmé que la plupart des incendies étaient d’origine «criminelle». Le gouvernement évoque également l’implication d’une organisation indépendantiste kabyle basée à Paris d’être impliquée dans ces incendies et dans le lynchage d’un homme accusé à tort de pyromanie en Kabylie. 61 suspects ont été arrêtés depuis le meurtre de Djamel Ben Ismaïl le 11 août. Le mouvement islamo-conservateur Rachad établi à Londres a également été accusé. Ces deux mouvements ont été classés par Alger comme «organisations terroristes» le 18 mai dernier.
Toutefois, la zone sinistrée ne se limite pas à la Kabylie, mais s’étend de la frontière tunisienne à la wilaya de Blida, au Sud d’Alger. De plus, cet été, des incendies se sont déclenchés dans plusieurs pays, notamment sur les rives de la Méditerranée. Selon plusieurs experts, le dérèglement climatique est à l’origine de la multiplication de ce phénomène. L’Afrique du Nord est souvent considérée comme un «point chaud du changement climatique». Au Maroc, en raison de l’augmentation de la température moyenne, des incendies se sont déclenchés dans plusieurs régions. Le nord du Royaume a été touché par des feux de forêt, favorisés par de fortes chaleurs et du vent.
Les efforts du Maroc pour aplanir les divergences
Alors que les escalades politiques et médiatiques entre les deux nations avaient atteint une dangereuse crête, le Maroc a tracé une nouvelle perspective : celle de la réconciliation entre Alger et Rabat, de la reprisedes relations que des décennies de tensions ont paralysée. C’est dans cette optique que le roi Mohammed VI aconsacré une grande partie de son discours prononcé à l’occasion de la fête du Trône à la relation avec l’Algérie. Dans cette allocution royale destinée à ouvrir les frontières, le Souverain a déploré le regain de tensions entre les deux pays voisins.
«Vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc (…) La sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc», a assuré le Roi en s’adressant aux Algériens. Dans le même sillage, il a invité le président de laRépublique «à faire prévaloir la sagesse» et «œuvrer à l’unisson au développement des rapports entre les deux pays voisins». Le Souverain a souligné l’importance de cette réconciliation pour la sécurité de la région. Il a pris à la fois à témoin les peuples algérien et marocain et la communauté internationale, indiquant au gouvernement algérien que la balle était dans son camp.
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Sans répondre directement à l’appeldu roi Mohammed VI, le président Tebboune a déclaré durant une rencontre avec la presse début août que l’Algérie était disposée à abriter une rencontre entre le Marocetle Polisario. Il a paradoxalement qualifié l’affaire du Sahara de conflit interne auquel seules les deux parties concernées sont censées trouver un dénouement.
La main tendue par le roi Mohammed VI au gouvernement algérien n’est pas une nouveauté. Depuis son accession au trône, cela a toujours été sa conviction. À plusieurs reprises, le Maroc a appelé l’Algérie à dépasser les malentendus pour le bien des deux peuples. Récemment, le roi Mohammed VI a donné des instructions afin d’exprimer «la disponibilité du Royaume du Maroc à aider l’Algérie à combattre les incendies de forêt qui ravagent plusieurs régions du pays». «Deux Canadairs ont été mobilisés afin de participer à cette opération, dès accord des autorités algériennes».Encore cette fois, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a préféré ignorer la proposition d’aide du Maroc.
Des relations tendues depuis des décennies
Les relations entre Rabat et Alger sont tendues depuis des décennies. Dès 1963, au lendemain de son indépendance, l’Algérie était déjà entrée durant quelques semaines en guerre avec le Maroc, pour un litige sur le tracé de la frontière, dans la région de Figuig. La frontière entre l’Algérie et le Maroc est officiellement fermée depuis le 16 août 1994. Alger avait ainsi contesté la décision de Rabat d’imposer un visa d’entrée surson territoire aux Algériens. Depuis 2004, le visa a été supprimé et les lignes aériennes entre les deux pays rétablis, mais l’Algérie refuse de rouvrir ses frontières terrestres.
Ces tensions ont augmenté notamment en raison du soutien de l’Algérie au Front Polisario.La rivalité entre le Maroc et l’Algérie s’est intensifiée ces derniers mois après que le Royaume a réalisé plusieurs exploits diplomatiques, dont la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara. La dernière tension en date entre les deux pays remonte à lami-juillet. Omar Hilale, l’ambassadeur marocain à l’ONU a en effet annoncé durant une réunion du mouvement des non-alignés soutenir «l’autodétermination» du «peuple kabyle», en réaction au soutien d’Alger aux indépendantistes. Une ligne rouge pour Alger qui s’oppose à toute velléité indépendantiste de la Kabylie, région berbérophone du nord-est de l’Algérie. Cet épisode consacre une nouvelle dégradation des relations conflictuelles entre Alger et Rabat. Alger a riposté en rappelant son ambassadeur à Rabat pour «consultations avec effet immédiat».
Aujourd’hui se dresse devant le monde un tableau particulièrement clair. Alors que le Maroc, tente de dépasser les malentendus et les combats futiles et d’arrière-garde, l’Algérie, s’enferme dans une politique court-termiste qui obère les chances dedéveloppement d’une nouvelle dynamique régionale.
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