Plus aussi nombreuses que les trois premiers jours de cette semaine, les tentatives de rejoindre les villes de Sebta et Melilia ne se sont néanmoins pas arrêtées. D’après le site espagnol Europapress, une centaine de Marocains ont tenté de rejoindre la ville de Melilia entre jeudi soir et vendredi matin. Ces derniers auraient affiché une forte résistance aux forces de l’ordre marocaines, une dizaine de migrants auraient réussi le passage.
C’est la deuxième nuit de suite oùde rudes affrontements des migrants avec lesforces de l’ordre ont lieu. La frontière qui relie Fnideq à Sebta a connu également des échauffourées dans la nuit du mercredi 19 au jeudi 20 mai. La police a réussi à encercler puis disperser un nombre important de migrants voulant accéder à la ville de Sebta.
Dans une déclaration ce jeudi aux agences de presse marocaine (MAP) et espagnole(EFE), Nasser Bourita, chef de la diplomatie marocaine a expliquéla vague migratoire vers Sebta par un contexte de «fatigue dans la police marocaine après la fin des festivités du Ramadan», mais aussi par«l’inaction totale de la police espagnole». Selon le ministre des Affaires étrangères, cette dernière se déploie à raison d’un policier pour cent agents marocains dans les zones frontalières assurant que la sécurité de la ville de Sebta est faite à 99% par les Marocains et 1% par les Espagnols.
“Le Maroc n’accepte plus de double langage”
Lors de son intervention médiatique, Bourita estime que l’Espagne tente d’utiliser ce qui s’est passé à Sebta comme «le salut pour sortir du débat réel»sur la crise maroco-espagnole.
Il souligne que «Madrid doit expliquer à ses pairs européens comment elle peut abriter sur le territoire européen quelqu’un qui est poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, viols et violations des droits de l’Homme et comment une femme violée, qui demande son droit, doit attendre que les deux ministres des Affaires étrangères, espagnole et algérien, coordonnent».
Bourita ajoute que «L’Espagne fait payer à l’Europe le prix de sa maladresse et doit également expliquer à l’Europe comment un pays membre de l’UE admet sur le territoire européen des gens avec une fausse identité».
Bourita souligne que le bon voisinage et le partenariat ne sont pas que des slogans et doivent être incarnés. «Malheureusement ce que le Maroc a reçu depuis le 17 avril ne sont pas des preuves de bon voisinage ni de partenariat. Le Maroc d’aujourd’hui n’accepte plus ce genre de double langage», a-t-il dit.
Le ministre est également revenu sur la convocation de Karima Benyaich, ambassadrice du Maroc à Madrid. Bourita souligne que l’Espagne a donné 30 minutes à la diplomate marocaine pour venir au ministère des Affaires étrangères. Bourita juge que cela est «un acte inédit, inhabituel dans les relations entre pays voisins et rare dans la pratique diplomatique», précisant que l’ambassadeur de Sa Majesté le Roi ne reçoit d’instructions que de son pays.
Répondant aux arguments faits par l’Espagne pour l’accueil de Brahim Ghali, Nasser Bourita a indiqué que l’humanitaire n’a jamais dicté que l’on passe par la manigance. «L’humanitaire ne se fait pas en cachette»,estime Bourita, qui appelle l’Espagne à reconnaître et à assumer «ses graves attitudes».
L’UE se solidarise avec l’Espagne, la France ne prend pas position
Le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas a indiqué mercredi que «personne ne peut intimider ou faire chanter l’Union européenne sur le thème migratoire». Dans une déclaration à la presse, Margaritis Schinas a indiqué que «Sebta, c’est l’Europe, cette frontière est une frontière européenne et ce qui se passe là-bas n’est pas le problème de Madrid, c’est le problème de tous les Européens», déclare-t-il.
De son côté, la France a tempéré ses propos. Le ministère des Affaires étrangères français a indiqué «faire confiance à l’Espagne pour permettre un retour rapide de la normalité à Sebta».
Lire aussi :Sebta : léger calme après la tempête
«Le Maroc est un partenaire crucial de l’Union Européenne, notamment face aux défis migratoires. La France souhaite que cette coopération migratoire qui a permis d’endiguer les flux irréguliers en méditerranée occidentale et de prévenir les drames humains souvent associés, se poursuive», note le Quai D’Orsay.
De son côté, l’ambassadeure de France à Rabat, Mme Hélène Le Gal a affirmé que le Maroc est un pays fiable, qui prend la lutte contre la migration clandestine «très au sérieux»et qui «apporte des solutions qui lui coûtent cher». Héléne Le Gal estime que «sécuriser une frontière maritime comme celle du Maroc, en plus des frontières terrestres, c’est quelque chose d’énorme à l’échelle du pays». Elle a aussi invitél’Union européenne à se mobiliser aux côtés du Maroc dans ses efforts de lutte contre la migration clandestine. «L’UE doit faire plus pour accompagner les pays qui sont en première ligne (pays méditerranéens) en particulier le Maroc», a-t-elle dit.
Enfin, Amnesty International déplore le fait que «les demandeurs d’asile et les migrants soient utilisés comme les pions d’un jeu politique entre le Maroc et l’Espagne». L’organisation internationale qui promeut la défense des droits de l’Homme accuse le Maroc de jouer avec la vie des gens et précise qu’«environ 2000 enfants non accompagnés»,se trouvaient parmi la foule arrivée à Sebta en début de semaine.
Le Maroc, un bon élève dans la lutte contre la migration illégale
Répondant à une question sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine, Nasser Bourita a déclaré que le Maroc a fait avorter13.000 tentatives d’immigration irrégulière depuis 2017, démantelé 4.163 réseaux de trafics et enregistré 48 tentatives d’assaut sur Sebta. Nasser Bourita a également rappelé que «le Maroc n’est pas le gendarme, mais est toujours un acteur responsable»dans la lutte contre la migration clandestine.
Le chef de la diplomatie marocaine souligne que le pays «n’a pas besoin d’être noté par l’Espagne et ses médias et qu’il y a une réalité et des chiffres qui méritent une reconnaissance». Concernant l’aspect financier de ces opérations, Bourita assure que «l’Europe ne donne même pas 20% du coût que le Maroc assume dans la lutte contre la migration clandestine».
De l’autre côté, Ana Pisonero, porte-parole du développement communautaire à la Commission européenne a indiqué que le Maroc est le deuxième plus grand bénéficiaire des fonds européens pour la gestion des migrations, parmi les pays du sud. Elle souligne que le royaume a reçu à ce jour, 346 millions d’euros pour des projets et programmes, provenant du fonds fiduciaire de l’Union Européenne pour l’Afrique.
Rappelons que la Coopération maroco-espagnole est l’une des plus fortes dans la région. Les deux pays sont des partenaires économiques, financiers et commerciaux importants, ils sont également partenaires dans un domaine très sensible, celui de la lutte antiterroriste.
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